Grève contre la réforme des retraites : les syndicats font monter la pression après une mobilisation massive – Le Parisien

« Mo-ti-vés! » Aux abords du boulevard de Magenta, dans le Xe arrondissement de Paris, plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont amassés à quelques pas de la gare de l’Est. « Je suis infirmière hospitalière, on a rogné nos conditions de travail et maintenant, c’est au tour de notre retraite, on ne peut pas laisser faire », lance une jeune femme d’une trentaine d’années, fermement opposée à la réforme des retraites. A ses côtés, des jeunes opinent de la tête : « Combien sommes-nous, vous le savez? On est nombreux, on se croirait un 1 er mai », sourit l’un d’eux en montrant la grosse baudruche rose du syndicat SUD.

Difficile de savoir combien ils sont. Gilets jaunes, enseignants, avocats, professionnels de santé, pompiers, agents de sécurité, étudiants et même élèves de lycée… Par grappes, les unes à la suite des autres, les manifestants s’étalent tout au long de l’immense boulevard de Magenta qui relie la gare de l’Est à la place de la République. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 800 000 personnes étaient recensées en fin d’après-midi dans les rues d’environ 70 villes y compris Paris où 250 000 manifestants étaient comptabilisés par la CGT en fin de journée à l’approche de l’arrivée, place de la Nation.

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« De nombreux secteurs d’activité nous soutiennent, cela va de la grande distribution à la sidérurgie, se félicite Philippe Martinez. Nous comptons plus de 500 entreprises privées déjà touchées par cette grève. » En tête du cortège, le secrétaire général de la CGT est tout sourire.

« Une ou deux journées de grève n’y suffiront pas »

Derrière une large banderole « Retraite par points, tous perdants, Macron retire ton plan », Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière, se réjouit lui aussi de l’ampleur de la mobilisation. « Il est nécessaire que ce mouvement dure et s’élargisse, qu’un maximum de salariés et professions nous rejoignent », plaide le syndicaliste, « car on sait qu’une ou même deux journées de grève n’y suffiront pas ». « La seule chose qui nous ferait arrêter, c’est le retrait de ce projet de réforme », tranche Philippe Martinez.

Grève contre la réforme des retraites : les syndicats font monter la pression après une mobilisation massive
Grève contre la réforme des retraites : les syndicats font monter la pression après une mobilisation massive

Tout proche du carré de tête, des salariés de la SNCF sont prêts à jouer les prolongations. « Nous avons déjà prévu de faire grève au moins une semaine », confie un contrôleur. « Ce que ne comprend pas le gouvernement, c’est que cette réforme de la retraite, c’est la goutte d’eau pour nous. Nos conditions de travail se sont dégradées, nos salaires sont gelés depuis sept ans et maintenant on veut nous imposer une retraite à points dont on pourra dévaloriser ensuite les points… »

A quelques mètres, des enseignantes du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) confirment elles aussi leur intention de « faire durer ». « Celles et ceux qui font grève vendredi ne le feront pas ce lundi pour éviter de se voir priver de trois jours de salaire », souligne une institutrice, prête à « faire grève par intermittence pour faire durer le mouvement sans pénaliser les parents. »

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Le cortège a à peine avancé de 500 m en milieu d’après-midi lorsque les premiers heurts ont éclaté place de la République. Une remorque de chantier y a été retournée et incendiée et plusieurs vitrines brisées tandis que les forces de l’ordre essuyaient des jets de projectile et répliquaient par des tirs de lacrymogène. Vers 17 heures, la police avait déjà procédé à 87 interpellations et le parquet de Paris recensait à la même heure 57 gardes à vue.

À la SNCF, du jamais-vu depuis 2007

Au cœur de la mobilisation, la future retraite par points dont l’architecture devrait être présentée la semaine prochaine par Edouard Philippe. « Nous connaissons déjà l’architecture de ce projet et nous n’en voulons pas », rétorque Yves Veyrier. Pour le moment, ce mouvement, lancé à l’appel de la CGT, FO, la FSU et Solidaires, semble soutenu par les Français. Mais cela pourrait évoluer s’il devait perdurer.

D’ores et déjà, à la RATP, le mouvement très suivi ce jeudi – avec 10 lignes de métro fermées – est reconduit jusqu’à lundi. A la SNCF, où le taux de grévistes a atteint 55,6 % en moyenne (du jamais-vu depuis 2007), la direction prévoit encore 90 % de TGV et 70 % de TER annulés ce vendredi. Sans prévoir d’amélioration, la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne refusait de son côté « l’idée qu’on s’installe dans un conflit long ».

Sept des huit raffineries françaises étaient en grève et les compagnies aériennes ont été priées de réduire de 20 % leur programme ce vendredi. Air France a annoncé l’annulation de 30 % de ses vols intérieurs et 10 % de ses moyen-courriers. A EDF, le taux de grévistes atteignait 43,9 % selon la direction. Quant à l’Education nationale, les chiffres de la mobilisation ont atteint ce jeudi des « niveaux historiques ».

Interrogé jeudi soir dans l’émission «Vous avez la parole », sur France 2, le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, a estimé que la réforme des retraites ne devait pas comporter « immédiatement » de volet budgétaire, tel un allongement du temps de travail.

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