Gouvernement Borne : l’extrême droite prend pour cible Pap Ndiaye, le nouveau ministre de l’éducation nationale ; la première ministre le défend – Le Monde

S’il s’agit de « la » nomination surprise et la plus symbolique du nouveau gouvernement, l’historien Pap Ndiaye arrivé à la tête du ministère de l’éducation et de la jeunesse se retrouve sous le feu des critiques venues tout droit de l’extrême droite. Ce spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis, professeur à Sciences Po Paris, a été nommé vendredi 20 mai au sein de la nouvelle équipe gouvernementale, remplaçant à son poste Jean-Michel Blanquer. Marine Le Pen et Eric Zemmour ont estimé qu’il s’agissait là de la preuve d’une volonté d’Emmanuel Macron de « déconstruire » l’histoire de France.

Pour Marine Le Pen, candidate déçue du Rassemblement national (RN) à la présidentielle, son arrivée rue de Grenelle est « la dernière pierre de la déconstruction de notre pays, de ses valeurs et de son avenir », a-t-elle affirmé vendredi sur Twitter, avant d’estimer, samedi, devant les caméras, que la nomination de M. Ndiaye, qui selon elle, « défend l’indigénisme, le racialisme à la tête de l’éducation nationale, est un choix terrifiant ».

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Alors que l’historien émérite est visé par toute l’extrême droite, Mme Le Pen s’est défendue de tout racisme : « Je me moque totalement de sa couleur de peau. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il a dit, écrit et fait (…). Si c’est cela, cette idéologie que l’on va imposer à nos enfants, c’est une véritable catastrophe. »

Elisabeth Borne défend « la compétence, l’énergie et la détermination » de son ministre

Le président par intérim du RN, Jordan Bardella, a quant à lui qualifié M. Ndiaye de « militant racialiste et anti-flics », quand Eric Zemmour a estimé qu’« Emmanuel Macron avait dit qu’il fallait déconstruire l’histoire de France. Pap Ndiaye va s’en charger », dans un tweet posté vendredi. « Il a participé à des réunions interdites aux blancs, c’est un vrai intellectuel indigéniste, un vrai woke », a ajouté le chef de file de Reconquête ! sur CNews.

Dès sa première prise de parole après l’annonce de son gouvernement, vendredi au 20 heures de TF1, la première ministre Elisabeth Borne est montée au créneau pour défendre son ministre de l’éducation. « C’est parfaitement caricatural, ce qui ne m’étonne pas de la part des personnes que vous avez mentionnées », a-t-elle déclaré en référence aux propos de Marine Le Pen et Eric Zemmour.

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« Pap Ndiaye est un républicain très engagé, quelqu’un qui croit aux valeurs de la République et c’est bien évidemment ce qu’il va porter en tant que ministre de l’éducation nationale », a-t-elle plaidé.

Un message que la nouvelle cheffe du gouvernement a de nouveau porté samedi devant les caméras, en marge d’un déplacement de campagne dans le Calvados, où elle est candidate pour les législatives. Elle a assuré qu’au ministère de l’éducation « l’objectif est l’égalité des chances. On a encore beaucoup de progrès à faire [à ce sujet]. » « C’est sa feuille de route et je n’ai pas de doute qu’il va le faire avec compétence, avec énergie, avec détermination » a-t-elle affirmé au sujet de Pap Ndiaye.

Un profil en rupture avec celui de M. Blanquer

Si la nomination rue de Grenelle de cet intellectuel, de mère française et de père sénégalais, est d’autant plus remarquée, c’est parce que sa personnalité paraît en rupture avec celle de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, longtemps considéré comme un maillon fort de la macronie, avant que son étoile ne pâlisse ces derniers mois.

Le désormais ex-ministre de l’éducation, qui a lancé son propre think tank autour de la laïcité, baptisé Laboratoire de la République, à l’automne 2021, se posait en fer de lance contre le « wokisme » et « l’islamo-gauchisme ». Un combat très médiatique qui lui a valu les louanges de la droite, mais aussi l’indignation de la gauche et l’exaspération d’une partie du corps enseignant, regrettant que le ministre ne se concentre pas plutôt sur ses dossiers.

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En juin 2021, après sa nomination à la tête du Palais de la Porte Dorée – qui comprend le Musée de l’histoire et de l’immigration –, Pap Ndiaye, avait, de son côté, déclaré au Monde « partager la plupart des causes » des militants qualifiés de « woke », « comme le féminisme, la lutte pour la protection de l’environnement ou l’antiracisme », tout en soulignant : « Mais je n’approuve pas les discours moralisateurs ou sectaires de certains d’entre eux », estimant que c’était « sans doute une question de génération ».

M. Ndiaye, « est une personnalité extrêmement respectée, un très grand universitaire », a souligné Jean-Louis Bourlanges, député du MoDem sur Franceinfo, samedi 21 mai, avant d’estimer au sujet de sa nomination : « Mais nous passons quand même d’une culture politique exigeante en matière de laïcité à une culture politique très différente. »

« Je ne voudrais pas que les valeurs fondamentales de laïcité et la liberté de l’esprit ne soient pas défendues avec la même énergie », a fait valoir l’élu de la majorité.

Passé simple du verbe anglais to wake, qui signifie en français « se réveiller », le mot woke a pris un sens véritablement idéologique dans la langue vernaculaire afro-américaine pour désigner le fait d’être conscient des injustices subies par les minorités ethniques, sexuelles, religieuses, ou de toutes formes de discrimination, et mobilisé à leur sujet.

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Le Monde

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