
Gestion de la catastrophe Lubrizol : les maires « abandonnés » en « colère » face au préfet – Normandie Actu

« On peut arriver à être meilleur. » Devant les quelque 150 élus de la Métropole Rouen Normandie, issus des 71 communes des alentours de Rouen, le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand a concédé que des pistes d’amélioration pouvaient être trouvées concernant la gestion de la catastrophe que représente l’incendie de l’usine Seveso Lubrizol.
Durand plus de trois heures, jusqu’à 21h30, lundi 30 septembre 2019, le représentant de l’État s’est expliqué sur la stratégie utilisée durant l’incendie de près d’un hectare d’hydrocarbures, d’amiante et d’autres produits toxiques. Les élus ont exprimé leur sentiment d’abandon. « On s’est senti seuls », a résumé Mélanie Boulanger, maire de Canteleu.
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« On n’a pas à deviner, ce qu’on ne nous dit pas »
Malgré les mea-culpa du préfet, le maire de Val-de-la-Haye, Étienne Hébert estime qu’il y a eu lors de cette audition, « un manque de reconnaissance des difficultés de communication » :
J’ai reçu un premier message à 14h28, le jeudi, quand j’étais à l’école à 7 heures pour attendre les premières informations…
Même constat pour David Lamiray, maire de Maromme : « J’ai eu un message vocal m’informant de l’incendie de Lubrizol à 14h25. Heureusement, j’ai pu m’informer autrement. C’est vraiment une colère profonde. Vous nous prenez pour qui ? […] Quand on est au moment de pleine crise, il n’y a plus rien qui sonne ! »
« On n’a pas à deviner, ce qu’on ne nous dit pas. » « Il faut davantage nommer pour éviter des sentiments d’abandon et d’inquiétude », rétorque un autre élu de l’assemblée.
Le maire de Maromme @DavidLamiray, président d’un Ephad, le dit à la représente de l’@ars_normandie : “Nous n’avons eu aucun message” pic.twitter.com/0FN0ETRkOm
— Raphaël Tual (@raphtual) September 30, 2019
Le déclenchement de deux sirènes
Qui dit communication à la population dit sirènes. « C’est inadmissible, d’attendre six heures après le début de l’incendie », s’emporte le vice-président de la Métropole Cyrille Moreau. Pourtant, le préfet assume sa stratégie : « C’est un choix proportionné. Si nous avions déclenché les 31 sirènes, nous aurions eu des risques élevés de personnes dans les rues. Déclencher les sirènes de nuit, doit se faire avec beaucoup de précautions. »
Les premières sirènes dans toute la ville de #Rouen #LUBRIZOL @76actu pic.twitter.com/nSovAKUQaj
— Raphaël Tual (@raphtual) September 26, 2019
Seules deux sirènes ont été déclenchées, « au plus près du site » ; une au Petit-Quevilly et la seconde située sur l’école Paster. Selon un responsable d’un service de l’État présent aux côtés du préfet, « déclencher les sirènes en pleine nuit aurait provoqué une panique et aurait été contre productif. Le déclenchement des sirènes donne pour consigne le confinement des populations et l’écoute de la radio publique France bleu ». Or, du fait de la non toxicité des fumées, seul un périmètre de 500 mètres autour de l’usine était établi et aucune restriction de circulation n’était demandée.
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Odeurs « anxiogènes » et hospitalisations
Lors de sa venue, au même moment, sur le site dévasté, le Premier ministre Édouard Philippe a reconnu que les odeurs que subissent les habitants de l’agglomération rouennaise sont « dérangeantes, pénibles, mais pas nocives ». Au même moment, le préfet Durand reconnaissait qu’elles étaient « anxiogènes ». Il s’agit d’odeurs d’hydrocarbures, mais pas seulement.
Lors de cette audition, pour la première fois, le directeur de la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), Patrick Berg a expliqué que 1 000 fûts sont stockés sur le site de Lubrizol et que « 160 comportent du Mercaptans ». Beaucoup sont endommagés :
Avec la chaleur, il y a une émission gazeuse d’hydrogène sulfuré et de Mercaptans.
Le Mercaptans, ce gaz devenu tristement célèbre dans la région, lorsque déjà en 2013, il s’est échappé de la même usine Lubrizol. Un gaz connus pour provoquer de lourds désagréments. Lundi, des enfants ont vomi en classe, des enseignants ont exercé leur droit de retrait et on apprenait que des policiers étaient en arrêt maladie. De même, le directeur du service départemental d’incendie et de secours, Jean-Yves Lagalle a reconnu que certains pompiers « ont eu des maux de tête et des vomissements ». Un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions des travail (CHSCT) du Sdis se tiendra jeudi 1er octobre 2019. Le préfet a promis une « résorption rapide de ces odeurs », grâce à un « projet de protocole » appliqué « dès ce soir », lundi.
Élise Noguera, de l’Agence régionale de santé a indiqué que 65 adultes et 27 enfants avaient étaient reçus aux Urgences du CHU de Rouen, 11 personnes à la clinique du Cèdre et 19 étaient de passage aux urgences de la clinique de l’Europe. « Seules trois hospitalisations ont été nécessaires sur des personnes déjà fragiles », insiste la directrice générale adjointe de l’ARS.
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La présence d’amiante
Comme cela avait été révélé par les élus écologistes, un bâtiment de 8 000 m2 qui a pris feu avait un toit en fibrociment, c’est-à-dire en amiante. « Dès lors qu’on a su qu’il y avait de l’amiante, on a respecté des protocoles précis. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde est formé, commente le colonel en charge des opérations de secours. On est sapeurs-pompiers sur un site Seveso, cela nous oblige à prendre des risques. Tout le monde n’avait pas forcément l’équipement sur lui, immédiatement. On est parti à 240, il fallait revenir à 240. »
Jean-Yves Lagalle, et à travers lui les soldats du feu, a d’ailleurs été chaleureusement applaudit par les élus. Conscient d’être passé à côté du pire, le directeur du Sdis a tenu a souligné :
On n’a pas été parfait partout, mais on a éteint ce feu en 12 heures. Il n’y a pas eu de blessé, ni de mort. C’est extraordinaire.
Un « retour d’expérience »
Le préfet a souhaité donner rendez-vous aux élus : « Je ne suis pas opposé à revenir vous voir, y compris dans cette formation, pour vous faire des points de situation. » La même opération sera effectuée avec « les élus ruraux » de l’est du département.
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Le préfet a également acté la création d’un « groupe de travail de retour d’expérience » :
Nous avons vécu le même événement. Il faut maintenant en tirer des enseignements.
Le préfet annonce qu’un groupe de travail de retour d’expérience sera constitué, avec les maires @MetropoleRouenN : “Quand on a vécu ce qu’on a vécu, on se doit de faire un retour d’expérience” #lubrizol pic.twitter.com/ObD4mRaUDA
— Raphaël Tual (@raphtual) September 30, 2019
Des manifestations pour « la vérité »
À l’extérieur, durant ces échanges, une centaine de manifestants voulant s’introduire dans l’enceinte du conseil métropolitain, interdit au public, a été repoussée par les forces de l’ordre. Une nouvelle manifestation pour demander la « vérité », est prévue mardi 1 octobre.
Ça dégénère devant le hangar où se tient le conseil communautaire de la Métropole. Les manifestants tentent de forcer l’entrée #Lubrizol #Rouen pic.twitter.com/icRhHV6nym
— Bastien Bocquel (@BastienBocquel) September 30, 2019