Gaz, visas, droits de l’homme… Quels sont les enjeux de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie ? – franceinfo

Emmanuel Macron retourne en Algérie. Le président français entame jeudi 25 août une visite officielle de trois jours. Un déplacement avant tout tourné vers la “jeunesse et l’avenir”, selon l’Elysée. C’est la deuxième fois que le président Macron se rend en Algérie depuis sa première élection en 2017. La visite vise à “poser un socle pour refonder, développer” la relation entre Paris et Alger, a insisté la présidence française. “Refonder”, car la relation entre les deux pays a été mise à mal après une série de mésententes diplomatiques à l’automne.

Question mémorielle, guerre en Ukraine et gaz algérien, visas, sécurité au Sahel… Franceinfo vous détaille les enjeux de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie.

La difficile équation mémorielle

Si elle n’est pas censée être au cœur du voyage du président, la question mémorielle est dans tous les esprits. Cette visite intervient au terme d’une séquence chargée de symboles avec le 60e anniversaire des accords d’Evian, le 18 mars, et de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet. Encore candidat en 2017, Emmanuel Macron avait frappé les esprits en qualifiant la colonisation de “crime contre l’humanité”. Il a, depuis, multiplié les gestes mémoriels. Mais l’Algérie a déploré que le président français n’exprime pas de “repentance” pour les 132 ans de colonisation française.

Après des mois de tensions, Emmanuel Macron a, de son côté, reproché au pouvoir algérien d’exploiter la “rente mémorielle” de la guerre d’indépendance pour entretenir sa légitimité et s’est interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Même au sein de son propre camp, cette question fait débat. “Parmi ses conseillers, parmi les forces politiques sur lesquelles [Emmanuel Macron] s’appuie ou dont il espère un soutien plus ou moins tacite, il y a des points de vue différents”, a relevé dimanche sur franceinfo l’historien Gilles Manceron, pointant une “forte nostalgie coloniale” à l’extrême droite, mais aussi “dans une partie de la droite française”.

Après cette déclaration d’Emmanuel Macron, l’Algérie avait même rappelé son ambassadeur pendant trois mois. Le président français entend désormais “poursuivre le travail d’apaisement des mémoires”. Il se rendra au cimetière Saint-Eugène à Alger, où reposent nombre de Français nés en Algérie, mais ce n’est “pas l’objectif premier de cette visite”, note l’Elysée.

Le gaz, carte maîtresse pour l’Algérie

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe lorgne le gaz algérien. Le pays, un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz, est devenu un interlocuteur très convoité par des Européens soucieux de réduire leur dépendance au gaz russe.

La France, qui veut diversifier ses sources de gaz, ne fait pas exception. “La crise énergétique fera partie des dossiers qui seront sur la table”, a confirmé Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, à la sortie du Conseil des ministres, mercredi. “Le président français va certainement demander à l’Algérie de faire un effort pour essayer d’accroître ses productions de gaz”, anticipe l’économiste algérien Abderrahmane Mebtoul. Mais “si les Français en veulent plus, il faut qu’ils investissent” dans l’industrie gazière et les énergies renouvelables en Algérie, selon le spécialiste. L’Algérie est devenue ces derniers mois le premier fournisseur de l’Italie, via le gazoduc Transmed qui passe par la Tunisie.

Les visas, “nerf de la guerre”

En septembre, Paris a réduit de moitié le nombre de visas accordés à l’Algérie – comme au Maroc – pour faire pression sur des gouvernements jugés peu coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France.

“La réduction du nombre de visas a des effets importants en Algérie. Cela crée une pression sur le pouvoir algérien”, souligne Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie. Une mesure qui a marqué le premier acte d’une série de tensions entre les deux pays à l’automne.

Les deux capitales veulent “avancer” sur ce sujet, relève toutefois l’Elysée, en soulignant que depuis mars 2022, les autorités algériennes ont délivré “300 laissez-passer (pour des retours), contre 17 sur la même période en 2021 et 91 en 2020”. Paris espère ainsi une “levée” prochaine des derniers “blocages” sur ce point.

Les enjeux sécuritaires régionaux

S’il est difficile de connaître à l’avance la teneur des discussions, on devine que l’enjeu de la sécurité sera sur la table. “La question sécuritaire dans une région gangrenée par le jihadisme devrait également être au menu des discussions”, assure le politologue spécialiste de l’Afrique subsaharienne Michel Galy, à France 24.

Le président de la République devrait “évoquer les coopérations sur des enjeux militaires au Sahel”, a d’ailleurs confirmé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. “Le président Macron sait que sans la collaboration d’Alger, il est très difficile d’enregistrer la moindre percée dans les dossiers du Sahel et la Libye”, relève Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

L’Algérie revendique un rôle important au Mali, dont l’armée française vient de se retirer, et entretient “d’excellentes relations” avec la junte militaire au pouvoir à Bamako, poursuit l’expert, en notant aussi les “relations importantes” d’Alger avec Niamey et d’autres capitales africaines.

Les droits de l’homme bafoués, selon les ONG algériennes

Les ONG dénoncent un tour de vis du régime, qui a étouffé le mouvement de contestation populaire du Hirak, à l’origine de la chute du président Abdelaziz Bouteflika en 2019. Une douzaine d’organisations de la diaspora algérienne exhortent Emmanuel Macron à “ne pas occulter” le sujet des droits et libertés lors de sa visite. Elles affirment dans une lettre ouverte que les “quelques acquis” en matière de liberté d’expression, de manifestation ou encore de liberté de la presse en Algérie “sont en net recul, voire en voie de disparition”.

Malgré des libérations ces derniers mois, environ 250 personnes sont encore détenues dans des prisons algériennes pour des délits d’opinion, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

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