Gare à l’embrasement à la SNCF : les 5 questions que l’on se pose – Le Parisien

Quelque chose ne tourne plus rond à la SNCF. En une semaine, la compagnie ferroviaire a connu deux mouvements sociaux aux formes inédites : un droit de retrait massif et une grève sans préavis. Du jamais vu de mémoire de syndicat depuis au moins 1986. Sans crier gare, les cheminots ont arrêté de travailler, « posé le sac » selon le jargon ferroviaire. Une vraie rupture! Depuis 2004, pour éviter les grèves intempestives qui pénalisent les usagers du train, un cadre législatif a été instauré pour faire du dialogue social la règle. Et la grève l’exception.

Mais signe d’un ras-le-bol profond au sein de la compagnie, ce contrat social a reçu deux coups de canif successifs. Conséquences, les trains sont retardés voire annulés et les passagers trinquent. Ainsi sur l’axe Atlantique du TGV, seulement un train sur trois circulera ce mardi.

Pourquoi les cheminots ont-ils débrayé ?

Le mouvement social à Châtillon (Hauts-de-Seine) au centre de maintenance des TGV de l’axe atlantique apparaît comme le plus problématique. Hors de tout cadre légal, environ 200 cheminots sur 700 arrêtent de travailler le 21 octobre. Ils contestent la suppression d’un accord local, vieux de plusieurs années, qui leur octroyaient 12 jours de repos supplémentaires. La direction leur proposait notamment une prime de 7 000 euros pour y mettre fin. Mais devant cette fronde, dès le lendemain, elle renonce.

Trop tard, les grévistes poursuivent leur mouvement et réclament le paiement des jours chômés et une prime de 3 000 euros. La direction refuse. Et une semaine plus tard, faute de maintenance, les TGV sont bloqués dans les ateliers et les premières grosses perturbations apparaissent sur le réseau TGV qui dessert tout l’ouest et le sud-ouest de la France.

Un mouvement qui est apparu dans la continuité d’un autre débrayage atypique. Le 18 octobre, des centaines de cheminots posent un droit de retrait suite à la collision entre un TER et un convoi à un passage à niveau dans les Ardennes. L’accident fait onze blessés et provoque une très vive émotion chez les conducteurs, relayée par les syndicats, qui estiment que les conditions de sécurité ne sont pas garanties dans ces trains sans contrôleurs. Tandis que la direction de la SNCF et le gouvernement se relaient pour dénoncer une grève sauvage, les syndicats affirment le contraire. La justice, via le conseil de prud’hommes, devra sûrement trancher.

Comment en est-on arrivé là ?

Cela fait plusieurs mois, déjà, que les syndicats, en chœur, alertent : « La cocotte-minute est prête à exploser. » Ces dernières années, au pas de charge, les 150 000 cheminots ont au moins connu des réformes de taille. Comme la réorganisation du travail en 2016 ou la réforme ferroviaire en 2018 qui transforme la SNCF en société anonyme au 1er janvier prochain. Et qui met fin au statut pour les nouveaux embauchés.

Comme France Télécom ou La Poste en leur temps, les salariés sont inquiets, les transformations sont profondes, certains métiers, comme les guichetiers sont supprimés, d’autres externalisées ou modifiés, et la recherche de productivité constante. Cette recherche de performance est exigée par le gouvernement qui a conditionné la reprise de 35 milliards d’euros des 50 milliards d’euros de la dette ferroviaire.

La grève à Châtillon peut-elle s’étendre ?

Selon nos informations, SUD Rail a déposé une DCI, antichambre de la grève, dans trois autres ateliers de maintenance de la région parisienne, qui entretiennent les TGV du Nord, de l’Est et du Sud de la France, mais aussi ceux d’Eurostar et de Thalys.

« Cela fait au moins cinq ans que cette direction, Guillaume Pepy en tête, ne joue pas le jeu, s’agace Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminot, premier syndicat de la SNCF. Elle ne négocie rien, ni avant ni pendant ni après une grève. Forcément cela crée de la rancœur. » De plus en plus de cheminots s’interrogent sur l’utilité de respecter le cadre légal d’un mouvement social. Car la grève de l’année dernière, plus de 30 jours cumulés, la plus longue de l’histoire de la SNCF, a laissé des traces. « Elle n’a servi à rien, grogne un cheminot, syndiqué. On a respecté les règles, déposés des DII (NDLR : depuis 2007 certains cheminots qui veulent faire grève sont obligés de déposer une déclaration individuelle d’intention 48 heures avant le début du mouvement). Avec ce système, la direction s’organise, le mouvement n’a aucun impact et on n’obtient rien. »

À la SNCF, on s’inquiète de voir ces mouvements hors d’un cadre légal se développer. « Si on commence à jouer avec les règles de conflictualité, tout le monde sera perdant, prévient un cadre de la direction. Même les organisations syndicales, qui seront dépassées. » Directement visés, la CGT et SUD rail sont accusés par la direction et le gouvernement d’avoir orchestré les droits de retrait après l’accident dans les Ardennes pour faire monter la pression en vue du conflit qui s’annonce contre la réforme des retraites et la défense du régime spécial des cheminots.

Le gouvernement va-t-il reculer sur la retraite des cheminots ?

Sur RTL, ce lundi, le président de la République, Emmanuel Macron a prévenu : « Je veux aller au bout de cette réforme […] Je ferai tout pour qu’il n’y ait pas ces blocages, je ferai tout pour qu’on soit en soutien de nos compatriotes qui seraient bloqués, mais je n’aurai aucune forme de faiblesse ou de complaisance. »

Le ton est donné. Celui de la CGT-Cheminots également. Le premier syndicat de la SNCF a annoncé qu’il ne se rendrait pas à la réunion, organisée jeudi, par le secrétaire d’État aux Transports sur le régime spécial. « Cela fait deux mois que Jean-Baptiste Djebbari est arrivé à la tête de ce ministère et la première rencontre qu’il nous propose est sur les retraites alors qu’il y a une grave crise sociale à la SNCF », dénonce Laurent Brun.

Y aura-t-il une grève avant Noël ?

Oui, la date du 5 décembre est déjà actée. Si SUD Rail et l’Unsa ont déjà annoncé une grève reconductible, la CGT donnera sa position après son conseil national des 7 et 8 novembre. Les organisations sont face à un dilemme. Faut-il lancer toutes ses forces et en décembre avec le risque de s’épuiser? Ou bien attendre le printemps 2020 et risque de mécontenter une partie des cheminots qui veulent en découdre avant la fin de l’année.

Dans tous les cas, à la SNCF, on espère que l’arrivée de Jean-Pierre Farandou, le 1er novembre, à la tête de la SNCF après plus de onze ans de règne de Guillaume de Pepy, apaisera un peu les esprits.

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