G7 : l’accord mondial sur la taxation des multinationales à 15% minimum va-t-il assez loin ? – Le Parisien

« Une étape historique. » Les ministres des finances du G7, à l’image du Français Bruno Le Maire, n’avaient pas de mots assez forts ce samedi au Royaume-Uni pour saluer l’accord trouvé sur la taxation des multinationales. La crise économique liée au Covid n’est pas étrangère à la démarche historique qui veut s’attaquer au dumping fiscal. Les plans de relance massifs déployés en Europe et, à encore plus grande échelle, aux Etats-Unis nécessitent des fonds. « Il n’existe pas tellement de marges de manœuvre du côté des impôts des ménages, analyse l’économiste Stéphanie Villers. Donc les pays occidentaux sont d’accord pour aller toucher aux grandes entreprises multinationales qui, de plus, se sont majoritairement développées pendant la crise. »

Cette réforme d’ampleur de la fiscalité mondiale, sur laquelle les 140 pays de l’OCDE planchent depuis 2016, comporte deux volets. Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) se sont accordés sur un taux d’imposition sur les sociétés de 15 % minimum. Ils ont aussi jeté les bases d’un mécanisme de redistribution des droits à taxer pour imposer les multinationales là où elles réalisent leurs bénéfices, et non plus seulement là où elles sont enregistrées.

Joe Biden proposait un taux à 21 %

Il s’agit de mettre fin au dumping fiscal exercé par certains pays qui ont mis en place des taux d’impôt sur les sociétés plus bas, comme l’Irlande (avec un taux de 12,5 %), terre d’accueil de nombreux géants américains du numérique, ou, plus méconnu, la Hongrie (9 %) « C’est l’aboutissement de douze ans de travail depuis la crise financière de 2008, se félicite Pascal Saint-Amans, le directeur de l’OCDE, joint par téléphone. L’objectif est de récupérer de l’impôt sur des profits qui ont été localisés dans des paradis fiscaux, il y a donc un volet extrêmement important de justice fiscale. »

Ce projet d’imposition minimale des multinationales, porté par l’OCDE, a été soutenu par Joe Biden dès le début de son mandat. Le président des Etats-Unis plaidait encore il y a quelques semaines pour un taux à 21 %. Les ministres des Finances français et allemand, Bruno le Maire et Olaf Scholz, s’y étaient déclarés favorables dans une interview au Figaro. Un accord a finalement été trouvé à 15 %. « C’est une première étape indispensable car c’est déjà se mettre d’accord sur une fiscalité commune au niveau mondial, pointe Stéphanie Villers. Il faut commencer par un taux qui soit acceptable pour certains pays qui ont basé leur modèle économique sur l’attractivité fiscale. Il faut leur laisser le temps de se repositionner. »

Dans un rapport remis le 1er juin à la Commission par le tout nouvel Observatoire européen de la fiscalité, Gabriel Zucman, son directeur, notait que les recettes au niveau de la France s’élèveraient à 16 milliards d’euros par an avec un taux à 21 %, mais à seulement 4,3 milliards d’euros avec un taux à 15 %…

« La France a soutenu trop tièdement les Etats-Unis et on vient de s’asseoir sur 12 milliards de recettes fiscales par an, dénonce Quentin Parrinello, porte-parole de l’ONG Oxfam. Ce taux de 15 % est trop bas, d’autant plus que les exonérations n’ont pas encore été discutées. Il y a un risque que ce ne soit pas un taux plancher mais plutôt un taux gruyère. » Avec ce taux, l’Union européenne empocherait 48,3 milliards d’euros en 2021, selon l’Observatoire européen de la fiscalité, 98 milliards d’euros à 21 % et même 167,8 milliards d’euros à 25 %, comme le préconise Gabriel Zucman.

« Cela va mettre les paradis fiscaux européens face à des choix »

Au sein de l’Union européenne, l’unanimité est nécessaire en matière fiscale. Alors cet accord a-t-il un avenir ? Rien n’empêche chaque pays de l’appliquer unilatéralement et d’imposer la filiale d’une multinationale dont le siège est situé dans un paradis fiscal. Celle-ci serait donc imposée sur la différence entre le taux de 15 % et le taux réduit dont elle bénéficie grâce à sa domiciliation. « Cela va mettre les paradis fiscaux européens face à des choix, analyse Quentin Parrinello. Continuent-ils avec un modèle économique qui vampirise les recettes fiscales des autres pays ou se mettent-ils au diapason ? »

Le travail va se poursuivre à Venise (Italie) le mois prochain lors du sommet du G20. « C’est un point de départ, a déclaré ce samedi Bruno Le Maire sur Twitter. Dans les mois qui viennent, nous allons nous battre pour que ce taux d’imposition minimal à l’impôt sur les sociétés soit le plus élevé possible. » Les entreprises concernées résisteront-elles ? Répercuteront-elles l’impôt sur leurs tarifs et sur les consommateurs ? Pascal Saint-Amans est optimiste : « D’ordinaire, l’impôt sur les profits est supporté par les actionnaires, il n’a pas d’incidence sur les prix. Oui, les entreprises concernées vont s’organiser, mais pour pas pour résister, elles vont s’organiser pour payer cet impôt. »

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