France-Algérie : la difficile quête d’une réconciliation des mémoires – Le Monde

Existe-t-il un pan de la conscience nationale plus miné que la mémoire, ou plutôt les mémoires rivales, gravitant autour de l’Algérie ? Probablement pas. Ni les fractures nées de l’Occupation ni les clivages légués par Mai 68 ne continuent de vicier le débat public comme le fait l’héritage toujours acrimonieux de la décolonisation en Afrique du Nord. Ce passé passera-t-il enfin ? Parce que l’imbroglio est diplomatique (vicissitudes de la relation entre Paris et Alger), identitaire (intégration de la jeunesse issue de l’immigration) et historiographique (archives insuffisamment ouvertes), il condense une complexité pour le moins délicate à dénouer.

Le rapport que l’historien Benjamin Stora doit remettre mercredi 20 janvier à Emmanuel Macron ouvre la voie vers une possible réconciliation mémorielle. Loin des postures incantatoires ou des verdicts définitifs, le document propose « modestement » de dresser des « passerelles sur des sujets toujours sensibles » (disparus de la guerre, séquelles des essais nucléaires, partage des archives, coopération éditoriale, réhabilitation de figures historiques…). Un tel rapprochement autour des regards rétrospectifs comme des désirs d’avenir pourrait être l’œuvre d’une « commission Mémoire et Vérité » installée à Paris afin de servir d’interlocuteur avec l’Algérie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Benjamin Stora, les deux rives de la mémoire franco-algérienne

L’enjeu de cette pacification des imaginaires s’arrachant à « la rumination du passé » est géopolitique, puisqu’il touche à la perception, et donc à l’influence, de la France dans l’espace méditerranéen. Il relève aussi de la cohésion nationale, celle-ci ayant tout à gagner du « passage d’une mémoire communautarisée à une mémoire commune », selon la formule de M. Stora. Sept millions de Français ayant eu à connaître, personnellement ou à titre familial, des drames de la décolonisation en Algérie (pieds-noirs, immigrés, militaires, harkis…) s’étaient jusque-là déchirés dans « une concurrence victimaire » où chaque « groupe de mémoire » érigeait sa blessure comme « supérieure à l’autre ». L’heure est venue de sortir de cet « enfermement ».

Apaisement et sérénité

Tel est en tout cas l’objectif de la réflexion confiée à M. Stora par le chef de l’Etat, qui souhaiterait réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Dans la lettre de mission adressée en juillet 2020 à l’historien, spécialiste reconnu de la guerre d’Algérie et de l’immigration maghrébine en France, M. Macron lui avait demandé de l’éclairer sur des gestes susceptibles de contribuer « à l’apaisement et à la sérénité de ceux que [la guerre d’Algérie] a meurtris, (…) tant en France qu’en Algérie ».

Il vous reste 76.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *