Flicage mondial : «Tous surveillés», un documentaire à voir sur la surveillance numérique

 

Image: EFF / Flickr / CC by

Le projet StopCovid d’appli de traçage nourrit un des grands débats de cette période épidémique. La surveillance numérique devient ainsi  un sujet grand public, et c’est tant mieux. Sur ce thème, un documentaire diffusé ces jours-ci sur Arte, en ligne jusqu’au 19 juin, mérite amplement l’attention: «Tous surveillés – 7 milliards de suspects».

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Reconnaissance faciale, pouvoirs spéciaux, drones…

Son ambition de dresser «le panorama mondial de l’obsession sécuritaire» est large pour 90 minutes, et certaines parties sont parfois un peu vite abordées, même si elles donnent déjà des éléments. On y voit entre autres:

  • la vidéosurveillance à Nice, où un logiciel de reconnaissance faciale, dû à la start-up israélienne Anyvision (son PDG Eylon Etshtein est interviewé), a été testé en 2019 lors du carnaval. Le maire, Christian Estrosi, est un fervent supporter de la vidéosurveillance (un partenariat pour devenir la «safe city» pilote en France a été conclu avec Thales).

Un maire si sûr des merveilles de ses caméras qu’il avait déclaré après l’attentat contre Charlie-Hebdo en janvier 2015 qu’une telle chose ne serait pas arrivée à Nice: «Je suis à peu près convaincu que si Paris avait été équipé du même réseau que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés.» Un 14 juillet 2016 d’horreur plus tard sur la Promenade des Anglais, on a vu.

  • Un rappel sur l’impact dévastateur du 11-Septembre parle du Patriot Act et des pouvoirs renforcés du FBI et de la NSA, initialement annoncés pour quatre ans. 18 ans plus tard, ces pouvoirs accrus sont toujours en place.

  • Une ex-employée de Clarifai, une start-up new-yorkaise, raconte le projet Maven mené par cette entreprise avec le ministère américain de la Défense, sur la localisation d’éléments, par exemple depuis un drone, pouvant servir à l’usage d’armes autonomes.

La Chine, “dictature numérique”

Mais la partie de loin la plus développée du documentaire porte sur la Chine. Elle explique que c’est à partir des Jeux olympiques de Pékin en 2008 que la vidéosurveillance y connaît une croissance incroyable. Le nouveau maître de la Chine «met en place la première dictature numérique», selon le documentaire: entre 2013, année de l’investiture de Xi Jinping, et 2020, la Chine passe de 100 millions à 600 millions de caméras, soit une pour deux habitants.

L’autre grand outil de contrôle de la population est le «crédit social», projet de notation des citoyens – déjà déployé dans plusieurs villes. Dans une interview, le théoricien de ce projet à la «Black Mirror», Lin Junyue, explique tranquillement que cette notation généralisée est «le meilleur moyen de gérer une société». «Il faut la paix et la stabilité. Après, on réfléchira aux droits de l’Homme.» Et il déclare son espoir d’exporter le système vers d’autres pays, comme la France. Avec le crédit social, explique-t-il, nous n’aurions jamais eu le mouvement des Gilets jaunes.

Les Ouïghours, cobayes de la répression technologique

Une sous-partie de ce chapitre sur la Chine porte sur la répression des Ouïghours, cette minorité musulmane de la région du Xin Jiang. Un réfugié politique témoigne de la transformation qu’a connue sa ville en laboratoire de technologies de surveillance. Un dixième de la population ouïghour, soit un million de personnes, est enfermé dans des camps de rééducation, des QR codes sont apposés à l’extérieur des appartements ouïghours, permettant à la police de savoir qui y habite, s’il est présent, etc.

Petite note optimiste à la fin de ce documentaire – où interviennent plusieurs représentants d’ONG et associations, dont HRW (qui a fait une étude sur «les algorithmes de la répression» en Chine), la Ligue des droits de l’homme et la Quadrature du Net -, le film rappelle que San Francisco, ville symbole de la tech s’il en est, a été en 2019 la première ville à voter en conseil municipal l’interdiction de la reconnaissance faciale dans ses rues. Un léger rayon de soleil face à ce qui ressemble à une dystopie mondiale…

PS L’efficace documentaire «LoL – Logiciel Libre, une affaire sérieuse», sorti en 2019, était jusqu’au confinement présenté lors d’avant-premières, et une demi-douzaine était prévue en avril. Mais l’épidémie en a décidé autrement. Aussi ses auteurs le diffusent à présent en vidéo à la demande, sur Vimeo.

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