Fibre optique en copropriété : Qui doit payer pour les “plats de nouilles” ?

Fibre optique en copropriété : Qui doit payer pour les

C’est une scène malheureusement courante. Les habitants d’un immeuble voient leur connexion internet par fibre optique coupée de manière brutale par le raccordement d’un de leur voisin. Et de constater l’existence d’une foutoir indescriptible sur le point de mutualisation, comparables aux “plats de nouilles” qui débordent des armoires du génie civil installées dans l’espace public. La faute à qui ? Comment y remédier ? Vers qui se tourner ? Les questions ne manquent pas, alors que la période actuelle a rendu plus crucial encore l’accès à internet.

Ce point devrait d’ailleurs occuper une partie des débats lors des prochaines assemblées de copropriété, qui devraient bientôt démarrer dans des conditions bien particulières eu égard à la crise sanitaire. D’autant que l’Arcep, le gendarme des télécommunications, a également fait de la lutte contre ces “plats de nouilles” l’un de ses cheval de bataille. Habitant d’un immeuble en copropriété, représentant de syndicat de copropriété ou copropriétaire, la rédaction de ZDNet vous explique tous les tenants et les aboutissants de l’installation de la fibre optique dans vos locaux.

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Une démarche de plus en plus simple

En février 2013, le gouvernement lançait le plan France THD. Son ambition est claire : il s’agit de garantir le très haut débit (c’est-à-dire un débit descendant théorique supérieur ou égal à 30 Mbits/s) pour 80 % des français à compter de 2022. Un projet qui passe notamment par l’installation de la fibre optique dans les habitations collectives, qui représentaient en 2018 15,6 millions de logements sur les 35,4 millions que comptait alors le territoire, selon les derniers chiffres de l’Insee.

Afin d’accélérer les démarches de l’installation de la fibre optique dans des immeubles sous le régime de la copropriété, les autorités ont multiplié ces dernières années les mesures pour faciliter un processus encore fastidieux. De nos jours, c’est ainsi à l’assemblée générale des copropriétaires de voter pour l’installation de la fibre. Charge ensuite aux copropriétaires (ou à un syndic) de sélectionner l’offre d’un opérateur d’infrastructure qui aura pour tâche d’installer un point de mutualisation au sein de l’immeuble.

L’opérateur d’infrastructure, également appelé opérateur d’immeuble, signe une convention avec les copropriétaires (pour simplifier la vie de ces derniers, l’Arcep a mis en ligne une convention type, disponible ici). Cette convention implique que le coût des travaux est assuré par l’opérateur d’infrastructure, qui sera propriétaire des équipements collectifs de fibre optique pour une durée de 25 ans. En contrepartie, c’est à lui que revient la responsabilité de garantir l’entretien, le remplacement et la gestion de ces équipements.

L’opérateur d’infrastructure seul responsable

Une fois ces infrastructures installées, les autres opérateurs, dits opérateurs commerciaux, peuvent – à l’issue d’un délai initial de prévenance de trois mois – les “emprunter” pour se raccorder à l’immeuble en question, et proposer leurs offres à chaque propriétaire ou locataire d’un logement. Mais, si la procédure est désormais bien huilée, elle n’exclut pas les cafouillages et se confronte aux mêmes problématiques que celles rencontrées par les infrastructures installées sur la voirie.

Résultat : des points de mutualisation métamorphosés en “plats de nouilles”, un cauchemar pour les ingénieurs réseaux et les internautes malchanceux touchés par ces dysfonctionnements.

Sur ce sujet, la loi est pourtant claire : c’est bien à l’opérateur d’infrastructure de veiller au bon fonctionnement et à l’entretien des équipements de raccordement à la fibre optique. Côté opérateur et syndic, c’est ce que confirme d’ailleurs Didier Cazes, le responsable des Affaires publiques d’Orange et responsable des bonnes pratiques sur la plateforme d’information publique Objectif Fibre, interrogé par ZDNet. « La responsabilité revient à l’opérateur d’immeuble, seul responsable auprès de la copropriété avec laquelle il a signé une convention d’exploitation », réaffirme ce dernier.

« Même s’il prend les opérateurs commerciaux en sous-traitance, l’opérateur d’immeuble reste responsable et donc doit palier aux dysfonctionnements constatés et se retourner vers ceux qui ont mal agi dans les parties communes de l’immeuble », explique ce dernier. Et de rappeler qu’Orange, comme les autres opérateurs, a mis en place des outils pour permettre au syndic de déposer plainte ou de faire un signalement en cas de dysfonctionnement type “plat de nouilles” constaté dans les équipements collectifs. « En règle générale, dès lors ou un signalement est fait, les réparations sont engagées », assure-t-il.

L’Arcep prend le dossier en main

Reste que le raccordement des opérateurs commerciaux à ces installations implique une multiplication des acteurs qui peut conduire à des dysfonctionnements en chaînes. Et à une dilution des responsabilités de chacun dont ces fameux “plats de nouilles” qui débordent de certaines armoires de raccordement ne sont que le reflet.

Les risques sont bien réels. C’est pourquoi l’Arcep a mis en place un groupe de travail pour résoudre ce type de difficultés. Dans une interview accordée à La Gazette des communes en mai dernier, l’ancien président de l’Arcep Sébastien Soriano rappelle que « les interventions dans les armoires sont partagées » et elles appartiennent à des opérateurs d’infrastructures, mais les opérateurs commerciaux y interviennent via des sous-traitants, donc « il peut y avoir une dilution de responsabilité si on n’y prend garde ».

« On va donc faire en sorte que l’opérateur d’infrastructure soit vigilant, renforce ses contrôles et les réalise de manière plus avancée », assure l’ancien président de l’Arcep. Et de promettre, non sans avoir préalablement rappelé le principe de responsabilité de l’opérateur d’infrastructure pour assurer l’intégrité du réseau, qu’« un mécanisme d’escalade pourra aller jusqu’à l’exclusion d’un sous-traitant si celui-ci travaille mal, via une procédure de mise en demeure ».

Une position partagée par la très probable future présidente du gendarme des télécommunications, Laure de la Raudière. Lors de sa première audition en qualité de candidate à ce poste, l’élue a regretté devant les députés « des relations insatisfaisantes entre l’opérateur d’infrastructure et les opérateurs commerciaux, entraînant des difficultés importantes sur la qualité de service globale des raccordements et du réseau ». Pour la députée, « une action urgente est à mener sur ce sujet pour rappeler leur responsabilité à tous les acteurs et faire en sorte que les procédures de déploiement ne conduisent plus à des situations très tendues sur le terrain ».

A voir si ces prises de position très tranchées sur le sujet et les menaces qu’elles suggèrent pour les opérateurs impénitents suffiront à mettre fin au cauchemar que constituent les “plats de nouilles” pour certains habitants malchanceux.

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