Femme enceinte tuée dans l’Aisne : les chiens utilisés lors des chasses à courre peuvent-ils être dangereux ? – franceinfo

Selon l’autopsie, la femme de 29 ans est morte d’une “hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête”.

“Elle me disait qu’elle se faisait mordre à la jambe et aux bras”, “qu’il y avait trop de chiens autour d’elle.” Dans le témoignage qu’il a livré à France 3, Christophe est formel : sa compagne Elisa Pilarski faisait bien état de la présence de chiens autour d’elle dans son appel au secours. L’autopsie a d’ailleurs établi que sa mort avait “pour origine une hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête”. Pour autant, quatre jours après la découverte du corps de la femme de 29 ans dans la forêt de Retz (Aisne), samedi 16 novembre, les circonstances exactes du drame restent encore très floues.

En attendant les avancées de l’information judiciaire pour “homicide involontaire” ouverte par le parquet de Soissons, le drame fait beaucoup réagir dans le milieu canin. “Appréhender le comportement des chiens, le faire évoluer, c’est notre quotidien”, confient tous les professionnels que franceinfo a interrogés. A commencer par la Société de vénerie, qui organisait une chasse à courre à proximité de là où le corps a été retrouvé. Son président ne peut pas imaginer que ses chiens soient impliqués. “Jamais, de mémoire de vénerie, il n’y a eu des faits agressifs envers l’homme, où que ce soit, se défend Pierre de Roualle, interrogé sur franceinfoTous les gens de la ruralité, auquel nous appartenons, vous diront ce que c’est qu’un chien courant, un chien de chasse. Il peut y avoir des bagarres entre chiens, mais en aucun cas d’agressivité envers l’homme, contrairement à des races de chien d’attaque.”

Je connais nos chiens, ce sont des chiens extrêmement affectueux.Pierre de Roualleà franceinfo

Jeudi soir, cette société de vénerie a affirmé de nouveau qu’aucun des chiens n’était impliqué. Elisa Pilarski “promenait son chien Curtis, un American Staff, un chien de combat (…), dont on ne peut imaginer qu’il ait laissé sa maîtresse se faire dévorer sans la défendre! Or, des vétérinaires mandatés par les gendarmes ont inspecté les 62 chiens de l’équipage et aucun ne présentait de traces de morsure”, a déclaré  à l’AFP Antoine Gallon, directeur de la communication de la société de vénerie. 

Le docteur vétérinaire Antoine Bouvresse, que franceinfo a contacté, est sur la même ligne. “Les chiens utilisés dans ce type d’activité sont habitués à la présence humaine, c’est naturel pour eux, ils connaissent, assure le spécialiste du comportement canin. Ce sont des animaux qui ont une réputation inoffensive.” Ce que confirment des militants anti-chasse à courre eux-mêmes. “Si la meute est en cause, ce serait vraiment étonnant. Généralement, il est question de morsures sur des particuliers qui s’interposent”, témoigne un membre d’AVA (Abolissons la vénerie aujourd’hui) dans les colonnes du Parisien.

Antoine Bouvresse estime qu’il faut aussi se pencher sur le comportement de Curtis, l’american staffordshire qui accompagnait la victime dans la forêt ce jour-là et qui aurait pu être l’origine du drame. “Sa présence est une clé possible de ce drame tragique, continue le comportementaliste canin. Si lui était tenu en laisse, cette configuration complique forcément la communication face à des chiens en liberté, surtout quand ils sont en nombre.” Dit autrement, un chien en laisse va avoir “plus tendance à avoir un comportement d’agression, de défense, car il n’est pas libre de ses mouvements. Comme il ne peut pas s’écarter, il va envoyer les dents, aboyer pour mettre à distance les autres chiens.”

Si un chien de la chasse à courre a décidé de répondre à l’agression, tous les autres ont automatiquement suivi. C’est ça qu’on appelle l’effet de meute.Antoine Bouvresseà franceinfo

Lorsqu’il arrive, cet “effet de meute” est “très difficile à arrêter”, raconte d’expérience Antoine Bouvresse. “Une bagarre entre plusieurs chiens peut être extrêmement violente. Un chien contre un chien, ça va. Mais un chien en laisse contre dix, quinze ou vingt chiens en liberté, cela va extrêmement vite. Pour peu que la victime ait tenté de retenir son animal par le collier ou de s’interposer…”

Des dresseurs canins, que franceinfo a interrogés, avancent une autre hypothèse. Ils estiment que les morsures retrouvées sur le corps d’Elisa Pilarski peuvent provenir… de son propre chien “pendant cette possible bagarre”, imagine Nadia Sauvage, éducatrice canine à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). “Un chien  peut ne pas avoir la même attitude face à autant de chiens, face à une telle excitation.” 

“Même si c’est rare”, il arrive également que “des chiens se retournent contre leur maître, confie Nadia Sauvage. Un maître pas assez ferme, trop faible, qui s’occupe mal de son animal… Ce dernier monte en caractère, jusqu’à prendre le pouvoir et devenir intenable et ultra-agressif.” Pascal Lenoir, dresseur canin depuis quarante ans, ne dit pas autre chose, surtout concernant l’american staffordshire, la race de chien qu’Elisa Pilarski tenait en laisse. “C’est un super chien, OK, mais il nécessite des heures et des heures de dressage. Entre six mois et un an, affirme cet ancien policier. Sinon, il peut déborder et devenir très agressif.” 

Depuis le début de l’enquête, le parquet de Soissons a effectué des prélèvements génétiques “sur 67 chiens” pour les “identifier”. Il s’agit des cinq chiens du couple et 62 chiens de l’association Le Rallye de la passion, organisatrice de la chasseLes résultats des analyses ne seront pas connus avant “plusieurs jours”. La jeune femme “avait également indiqué dans un message Facebook qu’un chien malinois rodait dans les environs, sans autres précisions, et ce chien n’a pas été identifié à l’heure actuelle”, a précisé le procureur.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading