
Féminicide de Mérignac : le gouvernement lance une mission d’inspection – Le Monde

Comment une mère de trois enfants a-t-elle pu être brûlée vive près de Bordeaux par un mari violent qui avait été condamné et emprisonné il y a moins d’un an pour violences conjugales ? C’est la question à laquelle vont devoir répondre les membres de la mission d’inspection créée, jeudi 6 mai, par les ministères de la justice et de l’intérieur.
Cette mission devra notamment étudier les conditions de remise en liberté et le suivi de l’homme qui purgeait une peine de prison avec sursis, ont annoncé le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et la ministre déléguée à citoyenneté, Marlène Schiappa, dans un communiqué conjoint.
Cette mission, dont les premières conclusions sont attendues le 11 mai, devra « vérifier les modalités de mise en œuvre de la mesure de sursis probatoire dont le mis en cause a fait l’objet », « examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie » et « analyser les suites réservées à la plainte du 16 mars 2021 déposée par la victime », détaillent les ministères.
Libéré en décembre
Mardi soir, dans une rue tranquille de Mérignac, Mounir Boutaa, 44 ans, déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, a poursuivi sa femme, lui a tiré plusieurs coups de feu dans les jambes, puis l’a aspergée d’un liquide inflammable alors qu’elle était encore en vie et a mis le feu. L’homme a été interpellé environ une demi-heure plus tard et a été placé en garde à vue. Le parquet a ouvert une enquête pour homicide volontaire par conjoint et destruction par incendie.
Le 25 juin 2020 à Bordeaux, le quadragénaire avait été condamné à dix-huit mois de prison, dont neuf mois avec sursis et mandat de dépôt à l’audience pour « violences volontaires par conjoint » en récidive, sur la même victime, selon le parquet.
Il « avait obtenu, à compter du 5 octobre », une mesure de placement extérieur spécifique pour les auteurs de violences conjugales. Libéré le 9 décembre 2020, « il était depuis suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Gironde », a détaillé le parquet mercredi soir, rappelant que cette mesure « comprenait notamment une obligation de soins, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et l’interdiction de paraître à son domicile ».
La victime, Chahinez Boutaa, ne disposait pas de téléphone grave danger et son époux ne s’était pas vu attribuer de bracelet antirapprochement, « pas effectif » à l’époque. A la mi-mars, Chahinez Boutaa avait porté plainte au commissariat de Mérignac contre son conjoint pour une agression commise dans la matinée, selon le parquet. Mais l’homme, recherché par la police, était « introuvable ». Ce sont les suites apportées à cette plainte qui seront notamment examinées par la mission d’inspection.
Demandes d’actions
Sur Twitter, Marlène Schiappa s’est dite « horrifiée par ce crime ignoble ». Présente à Mérignac jeudi après-midi, elle a rencontré les policiers qui étaient intervenus mardi et a assuré que les forces de l’ordre intervenaient 400 fois par jour pour des violences conjugales.
Des associations ont rappelé que le mari violent était encore détenteur d’une arme à feu, alors que le ministère de l’intérieur a annoncé en février avoir demandé aux préfets de « systématiquement saisir les armes des conjoints violents dès la plainte ».
Jeudi, de nombreux responsables politiques de gauche et de droite ont enjoint au gouvernement d’agir fermement après le drame.
« Le féminicide barbare de Mérignac, le 39e ! Incapacité à protéger et à prévenir alors que l’alerte était donnée ! », a tweeté Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI), alors que le maire Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Grenoble, Eric Piolle, dénonçait le « sentiment d’impunité » et assurait que « la France doit sortir de la passivité ». Son « calvaire » est « celui de tant de femmes. Chacune est une de trop », a réagi Audrey Pulvar, la candidate soutenue par le Parti socialiste aux régionales en Ile-de-France.
A droite, le candidat à la présidentielle Xavier Bertrand a relevé les « nombreuses alertes de la victime », alors que pour le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, « la priorité absolue doit être d’opérer une révolution pénale pour rétablir l’autorité de l’Etat ».
En 2020, 90 féminicides ont été officiellement recensés en France, contre 146 l’année précédente.