« Face aux youtubeurs McFly et Carlito, Emmanuel Macron s’est offert un joli coup marketing » – Le Monde

Capture d'écran montrant la vidéo de McFly et Carlito avec Emmanuel Macron au palais de l'Elysée, diffusée le 23 mai 2021.

Chronique. Plus de 8,5 millions de vues en vingt-quatre heures. En participant à l’Elysée à un « concours d’anecdotes » avec les deux youtubeurs stars McFly et Carlito, Emmanuel Macron s’est offert un joli coup marketing ce week-end. C’est un classique de la communication politique sous la Ve République : le président a besoin de montrer qu’il n’est pas enfermé dans sa tour d’ivoire et qu’il reste connecté – « câblé », avait dit François Mitterrand – à la jeunesse et aux tendances du moment, tout en cassant les codes pour dépoussiérer le genre.

A Noël 1974, Giscard avait été raillé en recevant des éboueurs à l’Elysée, puis en s’invitant à des dîners chez des Français. Après lui, Mitterrand avait participé à un « show télévisé » (sic) dans un décor « in » (re-sic), en face du présentateur Yves Mourousi, avec lequel il avait parlé en « verlan » (à l’envers), pour apparaître « chébran » (branché). Les prédécesseurs de Macron à l’Elysée avaient donc eux aussi diversifié les formats, les supports et les concepts, pour tenter de modifier leur image et atteindre des publics ciblés. Mais c’est la première fois qu’un président de la République participe à une émission de divertissement sans y diffuser le moindre contenu politique.

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Avec cette vidéo inédite, Macron espère renouer avec les jeunes, très touchés par les conséquences économiques de la crise sanitaire et se méfiant de leurs représentants, tout en s’efforçant de leur apparaître sympathique, cool et désirable, à un an de l’élection présidentielle. Des jeunes qui penchent majoritairement pour les extrêmes ou l’abstention. En jouant sur la « disruption » – ADN du macronisme –, le président en profite pour cliver, avec ceux qu’il aura beau jeu de reléguer ensuite dans le camp des conservateurs ou nostalgiques d’une époque révolue. A l’Elysée, on relève en effet la continuité entre les critiques d’aujourd’hui et celles d’hier, pointant, selon les mots d’un conseiller, « cette France éternelle des vieux schnocks qui hurlaient déjà quand de Gaulle avait reçu Brigitte Bardot à l’Elysée ».

« Le directeur de la Gaule »

Mais si elle est efficace, l’opération n’est pas sans danger. Alors que le pays espère sortir au plus vite d’une période lourde et éprouvante, le chef de l’Etat prend le risque de se voir reprocher une forme de légèreté. Voire de contribuer à l’affaissement de la fonction, alors qu’il avait promis au contraire de lui redonner tout son lustre, après la « présidence normale » de François Hollande.

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