Face à la contestation, Loukachenko choisit la stratégie de la terre brûlée – Le Monde

A ceux qui en doutaient encore, Alexandre Loukachenko vient de le rappeler de la manière la plus démonstrative et dramatique qui soit : confronté à un mouvement de contestation sans précédent, le président biélorusse vendra chèrement sa peau, quitte à entraîner son pays dans une spirale de violences.

C’est le sens des images habilement diffusées par ses services de communication, dimanche 23 août. On y voit le chef de l’Etat atterrir en hélicoptère dans l’enceinte du palais présidentiel, à Minsk. Vêtu de noir, sanglé dans un gilet pare-balles, l’homme porte un fusil automatique bien en évidence. Son fils de 15 ans est avec lui, en uniforme militaire. Loukachenko fait quelques pas martiaux, s’enquiert : « Il ne reste plus personne, là-bas ? »

Quelques minutes plus tôt, une foule s’est approchée de sa résidence de Minsk, à l’issue de l’immense manifestation qui s’est déroulée à quelques centaines de mètres de là, place de l’Indépendance. A la vue des cordons de police, elle est restée à bonne distance, fidèle à la stratégie de non-violence qui anime le mouvement de contestation contre les fraudes massives du scrutin présidentiel du 9 août.

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Le danger est inexistant, mais là n’est pas l’essentiel. Alexandre Loukachenko est un homme de spectacle et de symboles. Celui-là est évident : Viktor Ianoukovitch, son homologue ukrainien, avait fui en 2014 son palais en hélicoptère, chassé par la foule ? Lui arrive pour en découdre. Le message est aussi adressé à ses troupes, et il est inquiétant, après quelques jours de répit dans la répression.

Il s’agissait également pour le président biélorusse de faire oublier, par sa spectaculaire sortie, les images de manifestations à nouveau massives, ce dimanche. Une semaine après les derniers rassemblements, on a vu les mêmes foules, les mêmes marées humaines parées de rouge et de blanc converger vers le centre des villes biélorusses.

Les forces de l’ordre bloquent une rue lors d’une manifestation des opposants au régime de Loukachenko devant le palais de l’indépendance à Minsk, Biélorussie, dimanche 23 août.

Postures de matamore

A Minsk, ils étaient au moins autant que le 16 août, entre 80 000 et 250 000 selon les estimations des médias indépendants. Des dizaines de milliers d’autres sont sorties à Brest, Grodno, Gomel, Moguilev, Vitebsk et jusque dans des villages isolés. Pour les manifestants, l’essentiel est sauf : l’essoufflement annoncé n’a pas lieu, la rage et l’énergie sont intactes.

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Quelque chose a changé, pourtant, qui ne tient pas seulement à la pluie et au ciel gris. Le 16 août ressemblait à une fête nationale. Ce dimanche, on se compte avec inquiétude. Chacun l’a compris, la masse ne suffira plus à renverser l’autocrate, mais elle est au moins synonyme de sécurité. Il y a une semaine, les forces de sécurité avaient abandonné la rue. Elles sont de retour, ostensiblement. Seule la foule gigantesque l’empêche d’intervenir.

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