Etats-Unis : aucun policier poursuivi pour avoir tiré sur Breonna Taylor, la colère relancée – Le Monde

Manifestation contre le traitement judiciaire de l’affaire Breonna Taylor à Louisville (Kentucky), le 23 septembre.

Des manifestants en colère sont descendus mercredi 23 septembre dans les rues de plusieurs grandes villes américaines pour dénoncer un traitement judiciaire selon eux bien trop clément visant les policiers qui ont tué en mars l’Afro-Américaine Breonna Taylor à Louisville.

Deux policiers déployés sur les lieux d’une des manifestations de cette ville du Kentucky « ont été blessés par balle. Ils sont en train d’être soignés à l’hôpital », a déclaré le chef par intérim de la police, Robert Schroeder, lors d’une conférence de presse. Leur état était stable et leur vie n’était a priori pas menacée, mais l’un d’eux a subi une intervention chirurgicale, a-t-il précisé, et un suspect a été interpellé. Le bureau de la police fédérale (FBI) à Louisville a indiqué mener l’enquête.

Plus tôt, quelques centaines de personnes, certaines lourdement armées, s’étaient rassemblées sur Jefferson Square, une place du centre-ville, dans un climat tendu, avant d’être dispersées par la police peu avant l’heure du couvre-feu, instauré à 21 heures.

Boston, New York, Washington, Philadelphie… Des rassemblements ont spontanément éclaté dans la plupart des grandes villes du pays, secoué depuis des mois par une vague de mobilisations antiracistes.

Caution très basse

Le procureur général du Kentucky, Daniel Cameron, n’avait annoncé plus tôt dans la journée qu’une seule inculpation, indirecte, contre un des policiers impliqués dans la mort de Breonna Taylor lors d’une perquisition controversée.

Brett Hankison, l’un des trois agents ayant fait feu dans l’appartement de l’Afro-Américaine, est poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui, en l’espèce des trois voisins de la victime. Ce policier a tiré dix balles dont plusieurs ont terminé leur course dans l’appartement mitoyen de celui de Breonna Taylor, « mettant trois personnes en danger grave de blessures physiques ou de mort », a expliqué M. Cameron.

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Selon les médias locaux, Brett Hankison s’est présenté dans une prison de la région puis a été remis en liberté après avoir payé une caution fixée à 15 000 dollars (12 865 euros), une somme très basse comparée à d’autres cas similaires. Licencié par la police de Louisville en juin, il risque jusqu’à quinze ans de prison.

A Louisville, le 23 septembre.

Aucune charge n’a été retenue contre ses deux collègues, Jonathan Mattingly et Myles Cosgrove, qui avaient été mis à pied, car ils ont tiré en état de légitime défense, selon le procureur du Kentucky.

L’enquête conclut à de la légitime défense pour deux policiers

L’infirmière de 26 ans avait été tuée en pleine nuit à son domicile le 13 mars quand les trois policiers s’y étaient présentés munis d’un mandat d’arrêt dit « no knock », qui leur permet d’entrer chez un suspect sans s’annoncer.

A leur arrivée, son compagnon avait ouvert le feu avec une arme détenue légalement. Les agents avaient riposté et Breonna Taylor avait été atteinte de plusieurs balles. Son compagnon a ensuite expliqué avoir cru à un cambriolage, les agents ne s’étant pas annoncés. Eux assurent s’être présentés avant d’entrer, une version corroborée par un témoin, selon Daniel Cameron.

Quant aux deux policiers, non inculpés, qui ont tiré sur Breonna Taylor et son compagnon, l’enquête a conclu à la légitime défense, sans parvenir à déterminer quel agent avait tué la jeune femme. « Selon la loi du Kentucky, l’usage de la force [par les agents] Mattingly et Cosgrove était justifié pour se protéger. Cette justification nous empêche de les poursuivre pour la mort de Breonna Taylor », a dit le procureur.

« Ma sœur, le système pour lequel tu travaillais si dur t’a laissée tomber », a réagi sur Instagram Juniyah Palmer, la sœur de Breonna Taylor.

L’avocat de la famille de la jeune femme, Ben Crump, a dénoncé dans un communiqué une décision « scandaleuse et insultante » qui est selon lui « un nouvel exemple d’absence de responsabilité pour le génocide des gens de couleur perpétré par des policiers ». « C’est ironique et typique que les seules charges de cette affaire concernent des coups de feu tirés dans l’appartement d’un voisin blanc », alors qu’une personne de couleur a été tuée, a-t-il ajouté.

De nombreux responsables démocrates ont dénoncé la décision de mercredi, à l’image du sénateur du Vermont Bernie Sanders la qualifiant de « honte ». L’adversaire de Donald Trump à la présidentielle du 3 novembre, Joe Biden, a dit « comprendre la frustration », mais il a dans le même temps appelé au calme : « la violence n’est jamais acceptable », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Des manifestants mobilisés à Louisville, après l’inculpation

Des officiers de police arrêtent des manifestants à Louiville, le 23 septembre.

Sa mort n’avait pas attiré beaucoup d’attention dans un premier temps, mais elle est revenue sur le devant de la scène dans le cadre des grandes manifestations contre le racisme qui traversent les Etats-Unis depuis la mort de George Floyd, un quadragénaire noir étouffé par un policier blanc à Minneapolis (Minnesota) fin mai.

« Je sais que ces charges annoncées aujourd’hui ne satisferont pas tout le monde, a admis le procureur Cameron, avouant avoir eu « une discussion difficile » avec la famille de Breonna Taylor. Je comprends tout à fait la souffrance qui résulte de la perte tragique de Mme Taylor. Je le comprends en tant que procureur et en tant qu’homme noir. »

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Il a appelé ceux qui manifestent dans la rue « à se rappeler que des marches pacifiques » étaient leur « droit en tant que citoyens américains », mais que « provoquer la violence et les destructions » ne l’était pas. « Chercher la justice par la violence n’est pas rendre la justice, c’est de la vengeance. »

Le Monde avec AFP

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