Espagne : les députés votent une loi sur l’autodétermination du genre dès 16 ans – Le Figaro
Cette loi, adoptée en première lecture ce jeudi, ferait du royaume, en cas d’adoption définitive, l’un des rares pays à autoriser l’«autodétermination du genre».
Une loi pour l’«autodétermination du genre» dès 16 ans a été votée en première lecture ce jeudi 22 décembre par les députés espagnols à Madrid.
La «loi trans» avait franchi un premier obstacle la semaine dernière au Congrès des députés (chambre basse du Parlement bicaméral espagnol). Le projet de loi a en effet bénéficié d’un vote favorable lors de son examen par la Commission pour l’égalité.
Ce projet de loi prévoit que tout Espagnol âgé d’au moins 16 ans pourra, sur simple demande, modifier la mention de son sexe au registre de l’état civil. Pour cela, il lui faudra simplement confirmer son choix trois mois après la demande officielle. Il ne sera pas nécessaire de passer devant un tribunal, ni de fournir des justificatifs médicaux. Il n’y aura surtout plus besoin de recevoir un traitement hormonal, lequel devait, jusqu’à maintenant, durer au minimum deux ans.
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Cette démarche sera également possible dès 14 ans, avec l’autorisation d’un représentant légal. Pour les 12-14 ans, une autorisation judiciaire sera en revanche nécessaire.
«Ce sera la loi !»
La deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol, Yolanda Díaz, s’et réjouie de l’avancée de la loi sur les réseaux sociaux : «C’est une excellente nouvelle que la loi trans et LGBTQ progresse au Congrès, consacrant de nouveaux droits et protégeant les personnes trans. Nous approchons du but. Ce sera la loi !», a-t-elle écrit sur Twitter.
Le ministère de l’Égalité a également déclaré être «satisfait» de cette première victoire au Congrès. Sa ministre, Irene Montero, a personnellement indiqué qu’il s’agissait «d’un pas de plus vers son approbation définitive», selon le média espagnol El Diario .
Tensions au sein de la gauche espagnole
Issue du parti Unidas Podemos (gauche radicale, NDLR.), la ministre travaillait depuis longtemps à ce projet de loi. «Nous reconnaissons ainsi le droit à la libre détermination de l’identité de genre, nous nous engageons sur la “dépathologisation”, c’est-à-dire que les personnes trans ne seront plus considérées comme malades dans notre pays», avait-elle affirmé en juin dernier à l’occasion des discussions sur un éventuel projet de «loi trans».
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Ce dernier a toutefois créé de vives tensions au sein de la gauche gouvernementale. Si Irene Montero déclarait en conférence de presse que cette loi permettrait «de garantir l’égalité réelle et effective des personnes trans», le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), pour sa part, semblait bien plus réservé.
Carmen Calvo (PSOE), première vice-présidente du gouvernement, affirmait ainsi qu’elle était «fondamentalement préoccupée par l’idée que le genre se choisisse sur la simple base de la volonté ou du désir, fragilisant les critères d’identité du reste des 47 millions d’Espagnols ». «Si l’on nie le sexe, on nie l’inégalité qui se mesure et se construit sur la base de ce fait biologique», avait-elle ajouté.
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Des critiques de l’opposition sur le fond et sur la forme
Pourtant, à l’aube de Noël, le PSOE est en train de perdre la bataille juridique : ses propositions d’amendements ont été rejetées par une majorité de députés la semaine dernière lors de l’examen en commission parlementaire. Il proposait notamment d’élargir l’obligation d’approbation judiciaire aux 14-16 ans. Plus à gauche, les députés de Podemos et leurs alliés ont considéré que cet amendement serait en opposition avec l’esprit initial du texte rédigé en juin dernier. La ministre Irene Montero a réaffirmé à cette occasion qu’elle n’accepterait «aucune réduction du droit» à «l’autodétermination de genre».
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Certains députés critiquent également la rapidité du vote de cette loi. Cuca Gamarra, porte-parole du groupe populaire (centre droit) au Congrès des députés, a défendu la nécessité d’un débat plus approfondi sur un texte «d’une importance énorme». En effet, durant la phase de présentation de la loi, qui a eu lieu début décembre, Unidas Podemos et le PSOE ont refusé la proposition du Parti populaire qui souhaitait faire intervenir des experts de la question trans et des familles de personnes concernées. Le gouvernement n’a pas voulu retarder davantage l’adoption du projet de loi.
Si la «loi trans» poursuit effectivement son chemin au Congrès, certains doutent qu’elle puisse entrer en vigueur, comme prévu, avant 2023. Initialement, le gouvernement souhaitait que le texte soit directement envoyé au Sénat, depuis la Commission pour l’égalité, rapporte El Diario. Or, auparavant, il sera finalement bel et bien examiné en session plénière, ce qui ouvre la voie à de longues discussions, assurément enflammées.