Ericsson, géant des télécoms gangrené par la corruption – Le Monde

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Publié hier à 18h04, mis à jour hier à 19h30

Des pots-de-vin, des détournements de fonds, des emplois de complaisance mais aussi des soupçons de financement indirect des djihadistes en Irak. Le Monde, associé au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), révèle une accumulation de dérives au sein du géant suédois des télécommunications, Ericsson, et ce dans de nombreux pays. Trente et un médias internationaux ont participé à cette enquête baptisée « the Ericsson List », dont le Washington Post aux Etats-Unis, le Guardian et la BBC au Royaume-Uni et la chaîne publique suédoise SVT.

L’entreprise a déjà été ébranlée par un scandale de malversations, dont le point d’orgue a été atteint en décembre 2019 avec le versement de plus de 1 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros) à la justice américaine en échange du gel des poursuites. Les faits incriminés couvrent la période 2000-2016 dans cinq pays : la Chine, le Vietnam, l’Indonésie, le Koweït et Djibouti. Le département de la justice des Etats-Unis s’était saisi de ce dossier au nom de la loi américaine contre les pratiques de corruption à l’étranger, qui s’applique de manière extraterritoriale.

Lire notre enquête : Article réservé à nos abonnés Les dérives d’Ericsson en Irak, soupçonné de corruption et de financement de groupes djihadistes

Deux ans plus tard, une source anonyme a transmis à l’ICIJ trois documents confidentiels qui détaillent une série d’autres entorses à la loi et à l’éthique. Ces rapports internes, préparés par le département de conformité du groupe avec l’aide du cabinet d’avocats new-yorkais Simpson Thacher & Bartlett, permettent d’établir des faits de corruption et des mauvaises pratiques dans au moins dix pays supplémentaires : l’Irak, l’Afrique du Sud, l’Angola, les Etats-Unis, le Brésil, l’Azerbaïdjan, le Maroc, Bahreïn, le Portugal et la Libye.

Longue suite de dérives

Tous ces faits sont de gravité inégale. Mais, mis bout à bout, ils montrent que, dans de nombreuses antennes locales d’Ericsson, il est possible de s’affranchir, au moins un temps, des règles du groupe et de la loi. Et que l’entreprise suédoise peine à appréhender et sanctionner ces dérives.

Le premier document transmis à l’ICIJ est exclusivement consacré aux tourments irakiens de l’équipementier télécoms. L’enquête interne a fait émerger des versements de pots-de-vin, des conflits d’intérêts, des chaînes de sous-traitance hors de contrôle. L’accusation la plus grave porte sur le financement indirect de milices dans le pays – et peut-être même des djihadistes de l’organisation Etat islamique, même si aucune preuve formelle n’en atteste.

Ericsson

Fondé à Stockholm (Suède) en 1876 autour du télégraphe, Ericsson a saisi, dans les années 1990, le virage de la téléphonie mobile pour devenir l’un des leaders internationaux du marché des télécommunications. Après avoir cessé définitivement de fabriquer des téléphones portables en 2011, le groupe s’est recentré sur les infrastructures de communication (antennes, tours, câbles…).
Détrôné par le chinois Huawei dans les années 2010, le groupe suédois est revenu sur le devant de la scène mondiale à la faveur du déploiement de la 5G. Présent dans plus de 140 pays, avec 100 000 salariés, le groupe suédois a réalisé 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021.

Un autre document, daté d’avril 2020, balaie plusieurs cas de potentielles dérives repérées au sein d’Ericsson, dans une dizaine de pays. Sur quinze cas examinés par l’enquête interne, seuls deux (en Croatie et en Chine) sont écartés car considérés comme insuffisamment étayés.

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