Eric Dupond-Moretti choisit une avocate pour diriger l’Ecole nationale de la magistrature – Le Monde

Nathalie Roret en février 2020.

Pour la première fois de son histoire, l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) ne sera pas dirigée par un magistrat. Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, a annoncé, lundi 21 septembre, avoir choisi une avocate, Nathalie Roret, l’actuelle vice-bâtonnière du barreau de Paris, pour diriger la prestigieuse école de Bordeaux. C’est également la première femme appelée à la tête de l’ENM, alors que les deux tiers des magistrats sont des femmes.

M. Dupond-Moretti sait bien que son geste ne sera pas interprété comme une volonté d’apaisement dans le contexte actuel. La tension entre le garde des sceaux et la magistrature a grimpé ces derniers jours autour de l’enquête disciplinaire demandée par le ministre à l’encontre de trois magistrats du Parquet national financier.

Dans le cadre du bâtonnat qu’elle partage actuellement avec Olivier Cousi, Nathalie Roret, 56 ans, est chargée du barreau pénal. Cette avocate est, par ailleurs, spécialiste des modes alternatifs de règlement des différends, comme la médiation. Une pratique que le ministère de la justice souhaite développer avec volontarisme depuis de nombreuses années.

Avocat avant de devenir ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti a toujours critiqué l’ENM, au point de plaider pour sa suppression pure et simple. Il a souvent dénoncé le corporatisme de la magistrature et notamment la proximité entre magistrats du siège et du parquet forgée dès l’école. Il estime en outre dangereux de devenir juge sans avoir exercé une autre profession auparavant.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Eric Dupond-Moretti, l’ogre des assises devenu ministre de la justice

Selon lui, les avocats devraient, après avoir exercé plusieurs années, pouvoir devenir magistrats. Ce qui est déjà le cas. Aujourd’hui, plus de la moitié des personnes qui intègrent la magistrature ont déjà eu une autre vie professionnelle.

Plus grande ouverture de l’école

Dès son arrivée place Vendôme, le successeur de Nicole Belloubet avait affirmé qu’il n’aurait pas le temps de supprimer l’ENM d’ici la fin du quinquennat, mais qu’il ne renonçait pas à peser pour une plus grande ouverture de l’école sur la société.

Lundi, le ministre a, une nouvelle fois, dénoncé devant la presse « une forme de corporatisme qui s’exprime dès l’école de la magistrature ». Mais l’ouverture vers les avocats ne colle pas forcément avec le souhait exprimé par le président de la République d’une plus grande ouverture vers la haute fonction publique d’Etat. Le rapport Thiriez commandé en 2019 par Emmanuel Macron a d’ailleurs fait des propositions en ce sens.

Lire : Réforme de la haute fonction publique : ce que contient le rapport de Frédéric Thiriez

M. Dupond-Moretti a expliqué qu’il reviendra à la directrice de déterminer les nouvelles orientations de l’ENM avec le conseil d’administration de l’école, présidé par Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, procureur général.

Alors qu’une réforme des conditions d’accès à la magistrature était justement dans les cartons du gouvernement après le rapport Thiriez, la logique eut été d’attendre que le projet pour l’ENM soit fixé avant de choisir la personne qui devra le mettre en œuvre. Mais l’école de Bordeaux n’a plus de directeur depuis le 1er septembre, Olivier Leurent ayant été nommé à la présidence du tribunal judiciaire de Marseille. Il était difficile de laisser le poste vacant plus longtemps.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *