ENTRETIEN. Coronavirus : « Notre système de protection va être mis à l’épreuve » – Ouest-France

Arnaud Fontanet, directeur de l’unité d’épidémiologie de l’Institut Pasteur, évoque les mesures exceptionnelles prises par les États pour contraindre la propagation du nouveau coronavirus et leur efficacité.

Plus de 80 000 personnes sont maintenant atteintes par le coronavirus dans le monde. | CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

  • Plus de 80 000 personnes sont maintenant atteintes par le coronavirus dans le monde.
    Plus de 80 000 personnes sont maintenant atteintes par le coronavirus dans le monde. | CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS
Auparavant contenue à la Chine, l’épidémie du nouveau coronavirus semble se propager au reste de la planète. L’apparition de foyers en Corée du Sud, en Italie ou en Iran fait craindre à l’OMS une éventuelle pandémie. En réaction, plusieurs pays ont décidé de fermer leurs frontières avec l’Iran ou la Chine, des villes sont placées en quarantaine et des événements sportifs sont annulés en Asie comme en Europe. Suiviez ici la situation en direct.

Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur revient sur la situation. Entretien.

Depuis plusieurs jours, les mesures exceptionnelles pour éviter la propagation du Covid-19 se développent. Est-ce que la panique est en train de se diffuser ?

Je n’appellerai pas ça de la panique. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont des foyers intenses de transmission dans beaucoup de pays dont l’Italie mais aussi l’Iran ou la Corée du Sud. Des mesures sont prises par rapport à ces nouveaux foyers. Pour l’Italie, ce sont des mesures de confinement, des fermetures de bars et restaurants, l’annulation d’événements. Ce sont des mesures raisonnables par rapport à la situation.

Plusieurs pays ont aussi fermé leurs frontières avec la Chine ou l’Iran…

Les fermetures de frontières sont plus controversées parce qu’elles ont un impact limité sur l’épidémie mais très important sur l’économie et la politique. En Europe, cette décision devra être prise par les pays de Schengen mais je ne pense pas qu’ils iront jusque-là.

« Plus difficile à stopper »

D’une manière générale, que pensez-vous des mesures prises par les États pour contenir la propagation du Covid-19 ?

Elles sont justifiées. Après, ce sont des mesures auxquelles nous ne sommes pas habitués. Ça surprend de remettre des quarantaines. À part l’épidémie du Sras en 2003 où il y en a eu quelques-unes, c’est quelque chose qui nous ramène un siècle en arrière avec la grippe espagnole de 1918.

Si on compare avec le Sras, il y avait 8 000 personnes contaminées. Nous en sommes déjà à 80 000 pour le Covid-19. Comment situer ce virus par rapport aux autres ?

Déjà, il faut seulement le comparer aux autres virus respiratoires sinon ça n’a pas de sens. Le meilleur exemple c’est la grippe qui est beaucoup plus contagieuse et qui chaque année est responsable d’épidémies qui touchent des millions de personnes. De son côté, le Sras était un virus assez contagieux mais qui pouvait être contrôlé. Avec le Sras, les personnes devenaient contagieuses seulement deux ou trois jours après le début des symptômes. Ça laissait de temps de les mettre à l’isolement. Au contraire pour le Covid-19, la contagion débute dès l’apparition des symptômes, voire un peu avant dans certains cas. Deuxièmement, nous n’avions aucun mal à identifier tous les patients atteints du Sras, ce qui n’est pas le cas pour le nouveau coronavirus. Il est donc plus difficile à stopper.

« La menace est un peu partout »

La propagation ralentit toutefois en Chine. Cela veut-il dire que les mesures prises là-bas fonctionnent ?

Oui, et cela fonctionne aussi en France. Nous avons réussi à contenir les transmissions secondaires. Cela représente une vigilance de tous les instants pour arriver à contrôler les foyers. Tant qu’il n’y a que quelques foyers, c’est possible, mais quand il y en a plus comme ce qui se passe dans le nord de l’Italie, c’est plus difficile.

Comment expliquer qu’en France, il n’y ait eu que 12 cas contre plus de 280 en Italie ?

Tout allait bien en Italie jusqu’à la semaine dernière. La France, avec l’épisode des Contamines (cinq personnes ont été contaminées dans cette commune de Haute-Savoie après le passage d’un Britannique au retour de Singapour, N.D.L.R.), était bien préparée. Nous avons eu de la chance parce qu’il y a eu une très bonne communication entre Singapour, le Royaume-Uni et la France. Cela a permis le contrôle immédiat de ces cinq patients qui n’étaient pas très symptomatiques et qui auraient pu passer inaperçus. Mais ce sera difficile d’être toujours aussi réactifs.

Avec ce nouveau foyer en Italie, la menace se rapproche ?

Oui, maintenant la menace est un peu partout. Le nombre de pays qui vont avoir des foyers importants va augmenter et cela va créer des situations difficiles à contenir.

En attendant, est-ce qu’il y a des mesures, des bonnes pratiques à adopter ?

Ce qui est fait en France pour l’instant est plutôt bien, avec une sensibilisation très forte des populations et des personnels de santé. Nous ne sommes pas à l’abri d’une chaîne de transmission qui débuterait par quelqu’un de peu symptomatique qui passerait sous les radars. Mais nous avons un système qui, jusqu’à présent, fonctionne. Celui-ci va être vraiment mis à l’épreuve dans les prochaines semaines car le nombre de foyers susceptibles d’essaimer vers la France va augmenter.

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