Entre « fermeté » et « humanité », la ligne de crête d’Emmanuel Macron sur l’immigration – Le Monde
A moins de trois mois de l’élection présidentielle, la droite a imposé l’immigration comme un sujet majeur de campagne. Du parti Les Républicains au Rassemblement national en passant par Eric Zemmour, les candidats rivalisent de propositions pour afficher leur fermeté en la matière, convaincus d’y trouver un des points de faiblesse d’Emmanuel Macron.
Les chiffres annuels de l’immigration, publiés jeudi 20 janvier par le ministère de l’intérieur et censés traduire la teneur de la politique en vigueur, révèlent surtout l’incidence de la crise sanitaire en 2021 sur l’administration et les mouvements de population. Les flux, qui avaient chuté en 2020, rattrapent presque leur niveau de 2019. Quelque 272 000 premiers titres de séjour ont été délivrés et tandis que la demande d’asile repart à la hausse, les éloignements sont toujours à la peine.
Pendant ce temps-là, le chef de l’Etat évolue sur une ligne de crête, durcit le ton tout en cherchant à se démarquer de ses concurrents.
Lors de son interview, le 15 décembre 2021 sur LCI et TF1, il a, par exemple, balayé les « absurdités » consistant à défendre l’« immigration zéro » et dit ne pas croire au « grand remplacement », mais a fait le constat de l’échec de l’intégration. De la même manière, le 16 août 2021, au lendemain de la chute de Kaboul, il avait défendu « le devoir » de protection de la France vis-à-vis des Afghans qui fuyaient les Talibans mais appelé à se « protéger contre des flux migratoires irréguliers importants ».
Le chef de l’Etat fait du « en même temps ». Mais en prônant l’équilibre du diptyque « fermeté » et « humanité », selon ses propres mots, il s’aligne en fait sur ses prédécesseurs. Son mandat n’a, de ce point de vue, pas fondamentalement marqué de rupture. « On ne peut pas dire que les choses aient été différentes du précédent quinquennat », confirme un préfet sous le couvert de l’anonymat. « C’est la même politique, appuie un autre cadre du ministère de l’intérieur. Le reste, c’est de l’affichage. »
Une énième loi
Le président de la République a tenu une ligne « libérale et populiste à la fois » et a « manqu[é] d’ambition », juge, à son tour, Pierre Henry, ancien directeur de France Terre d’Asile (FTDA), qui avait soutenu le candidat Macron en 2017. « On a continué à bricoler au doigt mouillé, sans qu’il y ait de grande réforme sur le plan opérationnel, regrette-t-il. C’est comme ça depuis Valéry Giscard d’Estaing. »
Le quinquennat de M. Macron aura été marqué par l’adoption d’une énième loi sur l’immigration (la septième en quinze ans), dite « loi Collomb », qui a tôt fait de semer des dissensions au sein de la majorité parlementaire. Promulguée le 10 septembre 2018, elle a suscité de fortes contestations des élus de l’aile « humaniste » de La République en marche (LRM). « Il devait y avoir un volet ambitieux sur l’intégration mais c’est incomparable avec le zèle qui a été mis en faveur d’une politique plus restrictive, plus dure », estime l’ex-LRM et député du Val-d’Oise Aurélien Taché, auteur d’un rapport sur l’intégration remis en février 2018 au gouvernement et dont seulement une partie des propositions ont été retenues, notamment le doublement des heures de français pour les titulaires de titre de séjour.
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