Energie : l’Allemagne veut mettre à contribution les superprofits des entreprises, Bercy tente de déminer – Le Monde

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, le 4 septembre 2022 à Berlin.

Le débat politique à propos des superprofits essaime dans plusieurs pays en Europe. L’Allemagne souhaite que les profits exceptionnels réalisés par certaines entreprises énergétiques grâce à l’envolée des prix du marché soient mis à contribution pour soulager les factures des ménages, a déclaré dimanche 4 septembre le chancelier Olaf Scholz.

Dans le document présentant un nouveau plan d’aides massif contre l’inflation, le gouvernement allemand fait savoir qu’il plaidera pour qu’une mesure « de prélèvement partiel des bénéfices aléatoires » de ces entreprises soit mise en œuvre dans le cadre de l’Union européenne, mais se dit prêt à agir au niveau national. « Des producteurs profitent simplement des prix très élevés du gaz qui déterminent le prix de l’électricité », a déploré le chancelier lors d’une conférence de presse.

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« Idée controversée »

La réforme souhaitée par Berlin se distingue toutefois de la taxation des bénéfices exceptionnels réalisés par les groupes énergétiques, décidée par certains gouvernements en Europe, a souligné le ministre des finances, Christian Lindner. Le gouvernement a discuté de cette « idée controversée », mais « il y a des réserves constitutionnelles à ce sujet », a ajouté le leader des libéraux, vivement opposé au principe d’une taxe. Il a expliqué dimanche qu’il ne s’agissait « pas d’une source de revenus que l’on peut planifier et qui permette d’organiser un allègement rapide » de la facture des ménages.

Si le mot taxe n’est pas employé, il devrait bien s’agir d’une contribution obligatoire imposée aux entreprises du secteur énergétique destinée à alléger le prix de l’électricité payée par les ménages et les entreprises. Cette contribution obligatoire pourrait rapporter « plusieurs dizaines de milliards d’euros », a estimé le ministre des finances.

Mi-juillet, l’Espagne avait déjà annoncé une taxe sur les bénéfices extraordinaires des grandes entreprises énergétiques et financières. Auparavant, l’Italie et le Royaume-Uni avaient instauré une taxation des bénéfices des géants du pétrole et du gaz.

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La contribution « ne relève en rien de la fiscalité », selon Bercy

Le ministère de l’économie français a estimé dimanche que la « contribution » des énergéticiens que l’Allemagne a promis de soutenir au niveau européen n’était « absolument pas » une taxe, dans un message envoyé aux journalistes. « L’Allemagne met en place une contribution obligatoire des entreprises qui bénéficient du prix du gaz alors qu’elles produisent de l’électricité à partir du charbon, du nucléaire ou d’énergies renouvelables », avance-t-on à Paris.

« C’est exactement ce que la France fait avec les énergies renouvelables ou d’une autre manière avec [l’énergéticien] EDF en augmentant le volume d’Arenh [accès régulé à l’électricité nucléaire historique] », juge Bercy. « Les mécanismes ne sont pas forcément les mêmes, mais la logique l’est (…) et elle ne relève en rien de la fiscalité », a tenté d’argumenter le ministère, alors que les appels à taxer les bénéfices exceptionnels de grandes entreprises comme TotalEnergies ou CMA-CGM se multiplient depuis cet été en France.

Invité en fin d’après-midi sur LCI, le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton s’est montré favorable à « l’utilisation des ressources exceptionnelles, et notamment des rentes » pour « limiter l’impact de l’inflation tant sur les particuliers que sur les entreprises ».

Mais il a insisté sur l’importance de borner le périmètre de cette contribution aux « augmentations artificielles que certains acteurs de l’énergie ont pu réaliser ». « En France, j’ai l’impression qu’on a élargi (l’idée de taxer les » superprofits « ) à l’ensemble du secteur économique, ça me semble un peu hasardeux voire risqué », a fait valoir le commissaire.

Si les discussions européennes n’aboutissaient pas, Berlin se dit prêt à faire cavalier seul en adoptant une mesure au niveau national.

« Système de bouclier » maintenu en 2023, assure Attal

En France, l’idée de taxer les superprofits des multinationales est fermement combattue par le ministre de l’économie Bruno Le Maire, tandis que la première ministre Élisabeth Borne n’y « ferme pas la porte » en dernier recours.

Avant que Bercy ne communique, l’eurodéputée Manon Aubry (La France insoumise) s’était réjouie sur Twitter que ce soit « au tour de l’Allemagne de taxer les superprofits ». « Encore faux ! », lui a rétorqué Bruno Le Maire sur le réseau social. « L’Allemagne a décidé de mettre en place une contribution obligatoire des énergéticiens, qui existe déjà en France et qui rapporte plusieurs milliards d’euros ».

Bercy doit présenter dans les prochains jours son projet de budget pour 2023, qui détaillera la stratégie du gouvernement pour lutter contre l’inflation, en particulier énergétique. Alors que le bouclier tarifaire sur les prix du gaz est censé expirer le 31 décembre 2022, le ministre des comptes publics Gabriel Attal a assuré samedi sur France Inter qu’un « système de bouclier » serait maintenu en 2023. Le pourcentage de hausse des prix de l’énergie reste toutefois à définir. Gabriel Attal a affirmé samedi dans une interview au Parisien qu’une augmentation de 10 à 20 % était une « possibilité ».

Diversification des sources d’approvisionnement

La réaction de Bercy intervient quelques heures après la présentation par l’Allemagne d’un plan de 65 milliards d’euros destiné à atténuer les effets de l’inflation. La hausse des prix a en effet atteint en Allemagne 7,9 % sur un an en août.

L’Allemagne est confrontée, comme tous les pays de l’UE, à une envolée des prix de l’électricité et craint pour son approvisionnement énergétique en raison du tarissement du gaz russe, dont son industrie est particulièrement dépendante. En dépit de l’arrêt prolongé du gazoduc Nord Stream qui relie la Russie au nord de l’Allemagne, le pays « pourra faire face à cet hiver », a assuré le chancelier Scholz.

« La Russie n’est plus un fournisseur d’énergie fiable (…). Le gouvernement fédéral s’est préparé à cette éventualité dès le début de l’année », a précisé le dirigeant, en soulignant que grâce à la diversification des sources d’approvisionnement, à la remise en service de centrales à charbon et au remplissage des stocks de gaz, le pays était en situation d’affronter les mois à venir.

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Le Monde avec AFP

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