En Iran, de nouvelles manifestations après la mort d’une jeune femme arrêtée par la police des mœurs – Le Monde

Des Iraniens manifestent à Souleimaniyé, une ville du Kurdistan iranien, le 19 septembre 2022, après la mort de Mahsa Amini.

De nouvelles manifestations ont eu lieu dimanche 18 et lundi 19 septembre en Iran, notamment à Téhéran et à Mashhad, pour dénoncer la mort de Mahsa Amini, une Iranienne de 22 ans, trois jours après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran.

Le 13 septembre, Mahsa Amini a été arrêtée à Téhéran pour « port de vêtements inappropriés » par l’unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d’Iran pour les femmes. La jeune femme est tombée dans le coma après son arrestation et est morte le 16 septembre à l’hôpital, selon la télévision d’Etat et sa famille. Des militants ont jugé sa mort « suspecte », mais la police de Téhéran a affirmé qu’il n’y avait « pas eu de contact physique » entre les policiers et la victime. Le président iranien, Ebrahim Raïssi, a demandé l’ouverture d’une enquête.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a condamné, lundi, un décès « inacceptable ». « Les responsables doivent être tenus pour responsables », a déclaré Peter Stano, porte-parole de M. Borrell, dans un communiqué. « Il est impératif que les autorités iraniennes veillent à ce que les droits fondamentaux de leurs citoyens soient respectés », a-t-il ajouté.

Vague de colère

Dans un communiqué du porte-parole du ministère des affaires étrangères, la France a, elle, qualifié de « profondément choquantes » l’arrestation puis la mort de Mahsa Amini « aux mains de la police des mœurs iranienne », et a appelé à une « enquête transparente (…) pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame ».

La mort de la jeune femme a suscité une vague de colère en Iran. Une manifestation a eu lieu dimanche soir à Sanandaj, capitale de la province du Kurdistan, dans le nord-ouest du pays, d’où Mahsa Amini est originaire, et d’autres protestations se sont déroulées lundi dans plusieurs universités de Téhéran, la capitale, selon les médias locaux. Lundi soir, dans la rue Hejab (« voile musulman » en persan) dans le centre de Téhéran, « plusieurs centaines de personnes ont scandé des slogans contre les autorités, certaines d’entre elles ont enlevé leur hijab », a annoncé l’agence Fars.

Le journaliste de la BBC Shayan Sardarizadeh a notamment relayé sur Twitter plusieurs vidéos de militants ou de journalistes présents sur place :

Mort « suspecte »

Une courte vidéo diffusée par l’agence montre une foule de plusieurs dizaines de personnes, notamment des femmes ayant retiré leur voile criant « mort à la République islamique ». « La police a arrêté plusieurs personnes et dispersé la foule à l’aide de matraques et de gaz lacrymogènes », a ajouté l’agence Fars. Un rassemblement similaire a eu lieu à Mashhad, première ville sainte du pays située dans le nord-est, a rapporté l’agence Tasnim.

Après une première manifestation samedi à Saghez, la ville natale de Mahsa Amini, une protestation d’environ 500 personnes a eu lieu à Sanandaj, selon Fars. « Les manifestants ont crié des slogans hostiles aux responsables, brisé les vitres de voitures et incendié des poubelles », a précisé l’agence. La police a utilisé « des gaz lacrymogènes pour disperser la foule » et arrêté « plusieurs personnes ». « De nombreux manifestants sont convaincus que Mahsa est morte sous la torture », a aussi écrit Fars.

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Dans la capitale iranienne, des étudiants ont lancé des mouvements de protestation dans plusieurs universités, dont celles de Téhéran et Shahid Beheshti, d’après l’agence Tasnim. Ils ont exigé auprès des autorités « des éclaircissements » sur la mort de l’Iranienne. Le chef de la police de Téhéran, le général Hossein Rahimi, a de nouveau rejeté les « accusations injustes contre la police ». « Il n’y a eu aucune négligence de notre part. Nous avons mené des enquêtes (…) Et toutes les preuves montrent qu’il n’y a pas eu de négligence, ou de comportement inapproprié de la part des policiers », a-t-il dit.

« Il s’agit d’un incident regrettable et nous souhaitons ne jamais plus être témoins de tels incidents », a-t-il ajouté. Le général a de nouveau souligné que la jeune femme avait violé le code vestimentaire, et que les policiers avaient demandé aux proches de Mahsa Amini de lui apporter des « vêtements décents ».

La police des mœurs controversée

Le jour de sa mort, la télévision d’Etat a diffusé une courte vidéo de surveillance montrant une femme présentée comme Mahsa Amini s’effondrer dans les locaux de la police après une discussion avec une policière. Lundi, Amjad Amini, le père de la victime, a déclaré à Fars que la « vidéo a[vait] été coupée » et affirmé que sa fille avait « été transférée tardivement à l’hôpital ».

Le ministre de l’intérieur iranien, Ahmad Vahidi, a avancé samedi que « Mahsa avait apparemment des problèmes antérieurs » et qu’elle « avait subi une opération au cerveau à l’âge de 5 ans ». Des informations démenties par le père, qui a assuré que sa fille était « en parfaite santé ». Le chef du bureau du médecin légiste de Téhéran a déclaré, samedi, à la télévision d’Etat que des enquêtes sur la cause du décès de la jeune femme étaient en cours, mais qu’elles prendraient trois semaines.

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De nombreux cinéastes, artistes, personnalités sportives, politiques et religieuses ont exprimé leur colère sur les réseaux sociaux après la mort de la jeune femme. Le cinéaste iranien Asghar Farhadi a réagi sur son compte Instagram et qualifié la mort d’Amini en détention de « crime ». La mort de Mahsa Amini survient alors que la controverse enfle sur la conduite de la police des mœurs, qui patrouille dans les lieux publics pour vérifier l’application de la loi sur le foulard et d’autres règles islamiques.

Depuis la révolution islamique de 1979, la loi impose à toutes les femmes le port d’un voile recouvrant la tête et le cou tout en dissimulant les cheveux. Cependant, ces deux dernières décennies, de plus en plus de femmes à Téhéran et dans d’autres grandes villes laissent des mèches de cheveux, voire plus, dépasser de leur voile.

Le Monde avec AFP

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