EN DIRECT – Procès des attentats du 13-Novembre: Salah Abdeslam “n’a tiré sur aucune victime” – BFMTV
“L’accusation n’a pas du tout envie de croire aux déclarations de Salah Abdeslam”, déplore son avocate
L’avocate regrette que le parquet n’apporte aucun crédit à la version de Salah Abdeslam qui dit avoir renoncé à se faire exploser dans un bar du XVIIIe arrondissement.
L’accusation n’a pas du tout envie de croire aux déclarations, ça ne l’arrange pas, note Me Ronen. Tout ce qu’il dit est suspect. Il y a un doute systémique à chaque fois que Salah Abdeslam ouvre la bouche.”
Et pourtant l’avocate s’attèle à démontrer que la version de Salah Abdeslam peut être crédible. Elle rappelle que l’accusation, lors de ses réquisitions et seulement à ce moment, a évoqué que les cafés visés par les terroristes étaient tous situés à des angles. En mars dernier, Salah Abdeslam avait admis avoir renoncé à se faire exploser dans un café situé “à un coin”.
Me Olivia Ronen cite également les déclarations de Mohamed Amri, venu chercher Salah Abdeslam à Paris au soir des attentats, en 2016 devant les enquêteurs: “Il nous a très peu parlé mais nous a dit qu’il était rentré dans un café qu’il devait se faire exploser, raconte-t-il. Mais qu’il y avait des jeunes et qu’il a renoncé.”
“On peut se mettre d’accord pour accorder un peu de crédit à ce qu’il nous a raconté”, tranche l’avocate qui rappelle que “le doute” bénéficie à l’accusé.
“Je sais que c’est pas simple à croire ce recrutement, qu’on fasse un terroriste en 24h”
L’avocate de Salah Abdeslam tente de décrédibiliser les arguments de l’accusation. Elle rappelle que le parquet a mis en avant le “professionnalisme” des commandos du 13-Novembre pour affirmer que l’accusé n’a pu être recruté au dernier moment. Elle met en parallèle tous les attentats ratés là-aussi évoqué par l’accusation relevant de “l’amateurisme”.
A la “différence” des autres membres des commandos, Salah Abdeslam n’a pas de “kunya”, le surnom en arabe attribué aux combattants, et “de vidéos de revendication”. Par ailleurs, c’est le seul membre des commandos à ne pas être allé en Syrie, alors que Daesh a soumis à “un entraînement particulier” ses combattants avant de les envoyer en Europe.
“Il n’était pas prévu pour le 13-Novembre. Je sais que ce n’est pas simple à croire ce recrutement, qu’on fasse un terroriste en 24 heures, reconnaît Me Olivia Ronen. Il a prêté allégeance 48 heures avant, c’est étrange.”
Citant un sociologue, elle assure: “En 24h, bien entouré, on peut se décider.”
“Bien sûr qu’on s’attend à une sanction lourde”, assure Me Ronen
Me Olivia Ronen savait que “la tâce ne serait pas simple”. Alors qu’elle s’apprête à “porter une ultime fois la parole de la défense à ce procès”, elle revient sur ce procès “complexe, bouleversant rageant”.
Bouleversant car “personne n’est ressorti indemne” de ce procès, complexe car de multiples questionnements se sont posés au cours de ces “10 mois, c’est long”. Rageant à cause de ce “raz-de-marée aveugle” qu’on été les réquisitions.
“Force est de constater que nous ne sommes plus très loin de cette loi du talion que nous dénoncions”, déplore l’avocate.
Celle-ci balaie toutefois les critiques qu’elle entend d’avance. “Bien entendu que nous nous attendons à une sanction lourde, il a apporté son aide à l’Etat islamique et il le reconnait, il a accepté de faire partie du commando, il a déposé trois hommes avant de s’enfuir. Bien sûr qu’on s’attend à une sanction lourde mais nous avons l’impression qu’on a perdu tout sens de la mesure, qu’il n’y a plus d’échelle de peines, plus de mesures”.
Pour Me Ronen, le parquet a “construit un écran de fumée pour cacher à votre vue et à votre mémoire ce qu’il s’est passé à l’audience, comme si tout ce qu’il s’est passé ne servait à rien.”
L’avocate regrette notamment que l’accusation rejette “en bloc” les explications apportées par Salah Abdeslam.
Salah Abdeslam attentif à la plaidoirie de son avocat
Me Martin Vettes a plaidé pendant un peu plus d’1h30. A sa gauche, dans le box des accusés, Salah Abdeslam a écouté attentivement les arguments de son conseil pour tenter d’amoindrir la peine qui sera prononcée à son encontre.
Bras croisés la plupart du temps, Salah Abdeslam est resté concentré, n’échangeant pas avec ses co-accusés.
“Les monstres, ça n’existe pas”, conclut Me Vettes
En conclusion, Me Martin Vettes considère que “bien juger c’est difficile”. “On nous avait dit de prendre de la distance avec Salah Abdeslam, mais voyez-vous de la distance on pense qu’il y en a suffisament entre lui et notre société, et l’accusation vous demande de la rendre infranchissable, à vie.”
L’avocat rappelle que la cour n’a pas à juger “des animaux, des diables” mais “des êtres humains” et pour cela il faudra avoir “le courage et être prêt à subir les foudres de l’opinion publique”. Et son rôle d’avocat est de “montrer que les monstres, ça n’existe pas”.
“Vous ne devez pas juger à la lumière de la douleur abyssale des victimes qui ne peut être l’étalon de mesure d’une sanctiond ans un état de droit”, demande aussi Me Vettes qui invite la cour à se poser une autre question quand elle se retirera: “est-ce que la peine que vous allez prononcer nous rendra meilleur?”
“Il vous faut, il nous faut retrouver l’équilibre après le chaos semé par le terrorisme, conclut-il. Nous avons eu un beau procès, mais tout ce decorum est en réalité accessoire et ne doit surtout pas faire oublier que quelque soit l’endroit, l’écrin, la justice n’est belle que quand elle est bien rendue.”
Salah Abdeslam “n’a tiré sur aucune victime”
Pour Me Martin Vettes, “la vérité est un million fois plus compliquée” que celle établie par le dossier d’instruction.
“Les choses ne sont pas aussi simples que ce que l’accusation vous dit, plaide l’avocat. On a voulu nous assomer avec ce 1 million de pages de dossier comme si la vérité est une affaire de poids. La réalité est toujours plus complexe qu’un dossier, qui est une version simplifiée et orientée du réel.”
Toutefois, l’avocat reconnaît que l’attitude de Salah Abdeslam, son silence, a aidé à donner “l’impression que tous les chemins mènent à” son client.
“Le silence c’est un droit, le problème c’est que quand il ya pas de contradictoire on laisse la place à des hypothèses qui deviennent des certitudes. Salah Abdeslam assume tout, ne parle pas des morts, en prenant sur lui leur crime. Contrairement à eux, il ne s’est pas fait exploser, n’a pas tenu de kalashnikovs, n’a tirer sur aucune victime.”
“Salah Abdeslam est devenu une couverture”, insiste Me Vettes
Martin Vettes poursuit sa démonstration cherchant à faire passer son client pour “un intermédiaire”. “Il admet deux trajets. Il n’accepte d’être condamné que pour ce qu’il a fait et il a bien raison”, note l’avocat, qui rappelle que Salah Abdeslam a reconnu avoir convoyé des terroristes alors qu’un seul témoignage le mettait en cause.
Toutefois, il remet en cause que Salah Abdeslam est allé récupéré à Budapest le futur trio de kamikazes du Bataclan. A ce moment-là, il “était en Belgique”, insiste Me Vettes, qui assure que la carte d’identité de son client avait été utilisée par d’autres.
“Salah Abdeslam est devenue une couverture”, plaide-t-il.
Salah Abdeslam “ne connaissait pas les véritables enjeux des services qu’il a rendus”
Me Martin Vettes poursuit sa démonstration visant à minimiser le rôle de Salah Abdeslam dans la cellule terroriste. Pour son avocat, à l’été 2015, “le petit gars de Molenbeek devient l’intérimaire de l’Etat islamique, un intérimaire n’est pas un sodat, il fait des missions ponctuelles à la demande, sans prêter allégeance au califat”.
D’ailleurs pour sa défense, Salah Abdeslam n’avait pas prévu de mourir lors des attentats. Elle en veut pour preuve l’utilisation de ses papiers d’identité pour louer les voitures utilisées par les commandos du 13-Novembre. “Selon l’accusation, c’est parce qu’il savait qu’il allait mourir à la fin. Mais pourquoi dans ce cas-là, la cellule fournit des faux papiers?”
“L’insouciance de Salah Abdeslam, il n’a pas utilisé ses faux-papiers car il ne connaissait pas les véritables enjeux des services” qu’il a rendus.
Salah Abdeslam n’est “ni un sociopathe, ni un illuminé”
A la recherche des “racines du mal”, Me Martin Vettes assure, dans une plaidoirie très claire, que Salah Abdeslam ne s’est pas radicalisé aux Béguines, le café de son frère Brahim. Il démonte le mythe de “la centrifugeuse à terroristes”, où “il n’y a pas de visionnage de vidéos de Daesh”.
Si ce n’est pas aux Béguines, “où” Salah Abdeslam s’est radicalisé? Pour l’avocat, c’est dans la société de l’époque qu’il faut y trouver une réponse.
“Salah Abdeslam n’est pas un sociopathe, qui aurait trouvé en l’Etat islamique le moyen d’assouvir ses pulsions criminelles, ni un illuminé, venu du moyen-âge, au contraire”, développe Me Vettes.
“En 2015 c’est un jeune homme de son époque, bien de son temps, qui réfléchit, qui s’indigne, comme tous les jeunes de son âge. Indignez vous, indignez-vous, l’indignation érigée en vertue. C’est cette indignation qu’a su capter et instrumentaliser l’Etat islamique en Europe et à Molenbeek”, note l’avocat citant l’ouvrage de Stéphane Hessel.
“Salah Abdeslam n’est pas une boîte noire qui sait tout depuis le départ”
Me Martin Vettes cite désormais la théorie du cloisonnement développé dans l’ouvrage du journaliste Matthieu Suc Les espions de la terreur.
Cette thèse développe l’idée qu’au sein des cellules jihadistes les membres ne sont pas au courant de l’intégralité des projets de cette cellule.
“Si vous avez un gars qui se fait interpeller avant la commission d’un attentat, il ne peut pas dire grand chose, ça sert à ça le cloisonnement!”, insiste Me Martin Vettes.
D’ailleurs, si Salah Abdeslam “avait su dès le départ”, “il ne se serait pas retrouvé avec un gilet explosif le 13 novembre. Salah Abdeslam n’est pas une boîte noire qui sait tout depuis le départ.”
“Se défendre et mentir ne sont pas synonymes”, assène son avocat
Salah Abdeslam a accepté à plusieurs reprises de répondre aux questions de la cour, présentant même des excuses lors de son dernier interrogatoire, “des excuses ni demandées, ni prévues, des excuses sincères”. “Nous n’avons jamais demandé une quelconque stratégie lacrimale”, ironise Me Vettes dénonçant l’utilisation négative de l’expression “stratégie de défense”.
“Se défendre et mentir ne sont pas synonymes”, assène le jeune avocat.
Il a été reproché par l’accusation que Salah Abdeslam avait adapté sa version aux éléments du dossier. “Quand vous ne collez pas au dossier, vous mentez, quand vous collez au dossier, votre parole ne vaut rien donc vous mentez”, déplore l’avocat.
Me Martin Vettes revient sur un malentendu, celui que comme Salah Abdeslam va parler, il va tout dire. “Il n’est pas plus qu’un autre pourvu d’une mémoire d’éléphant”, martèle l’avocat, évoquant le fait que son client ne se souvenait plus de certains éléments.
La réclusion criminelle à perpétuité incompressible remise en cause
“Salah Abdeslam encourt cette sûreté incompressible pour une seule infraction, les tirs essuyés par les policiers de la BRI lors de l’assaut final au Bataclan”, rappelle Me Martin Vettes avant de dénoncer des “déclarations préremptoires”.
“Jamais, jamais, je dis bien jamais, ni l’accusation, ni votre cour ne lui avez posé une seule question sur ce prétendu projet de tuer des policiers. Personne n’a posé cette simple question voulez vous tuer des policiers”, déplore l’avocat.
Le parquet national antiterroriste a en effet requis la réclusion criminelle à perpétuité incompressible car Salah Abdeslam est jugé comme “co-auteur” des attaques. Cette peine peut être requise que dans les crimes les plus graves et depuis 2016 pour les crimes terroristes.
L’avocat cherche à démontrer que les commandos terroristes ne cherchaient pas à tuer des policiers et donc que cette infraction ne soit pas retenue.
Il regrette alors que “l’accusation vous demande de neutraliser définitivement un ennemi en le condamnant à la peine de mort sociale”.
“Salah Abdeslam n’est pas quelqu’un de violent”
Martin Vettes déplore l’image qu’a voulu faire l’accusation de Salah Abdeslam: “un être irrécupérable”. “Soit c’est un barbare assoiffé de sang et aucun retour en société n’est possible, soit c’est un fanatique et aucun retour en société n’est possible”, dénonce l’avocat qui assure que son client “fidèle à lui même ne rentre dans aucune de ces deux cases”.
“Salah Abdeslam n’est pas quelqu’un de violent, il n’est pas totalement dans la seconde.”
Selon l’avocat, la première prise de parole de Salah Abdeslam, une profession de foi islamique, est une “croyance qu’il lui a permis de tenir jusqu’à ce procès”. “Comment comprendre ces début tonitruants? Il n’y a pas besoin d’être un grand expert psychiatre pour comprendre que ce 8 septembre dernier représente un choc social. 6 années à l’iisolement total, filmé nuit et jour, ne font pas une intelligence totale.”
Pour l’avocat, son client s’est “débarrassé” de son “image fausse” au cours du procès.
“Nous avons pu faire notre travail sereinement”
Me Martin Vettes est le premier à prendre la parole. Il salue d’emblée l’attitude des victimes, leurs “regards bienveillants”, leurs “sourires”, leurs “nombreux encouragements encore ce matin”.
“Nous avons pu faire notre travail le plus sereinement possible et ça nous le devons aussi aux victimes”, énonce l’avocat.
Pourtant au commencement, Me Martin Vettes doutait de cette sérénité, estimant avoir eu l’impression que la cour allait “juger dans un bunker”.
“Comment juger sereinement dans un tribunal qu’on croirait dans un état de siège, avec des policiers équipés d’armes de guerre”, s’est questionné l’avocat.
Quelles plaidoiries pour les autres accusés?
Pendant deux semaines, les avocats de la défense se sont succédé pour demander des peines “justes”, inférieures à celles réclamées par le parquet national antiterroriste, voire des acquittements.
Retrouvez ici les arguments plaidés par les avocats de la défense pour chacun des 13 autres accusés présents dans la salle de la cour d’assises.
Éviter la prison à vie à Salah Abdeslam
Les deux avocats qui assurent la défense de Salah Abdeslam ont un objectif: éviter à leur client, le seul jugé comme co-accusé des attentats, la prison à vie.
La réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté incompressible a été requise à l’encontre de Salah Abdeslam par le parquet national antiterroriste.
Cette sanction rarement demandée et prononcée à quatre reprises seulement, rend infime la possibilité d’une libération.
La parole à la défense de Salah Abdeslam
Les deux semaines consacrées aux plaidoiries de la défense approchent de leur terme ce vendredi au procès des attentats du 13-Novembre.
La parole est aujourd’hui à Me Olivia Ronen et Me Martin Vettes qui défendent Salah Abdeslam. Ce dernier, t-shirt blanc et rasé de près, est assis dans le box.