EN DIRECT – Procès des attentats de janvier 2015 : sur un écran, des images insoutenables de la tuerie de «Charlie Hebdo» – Le Figaro

Le président suspend l’audience pour quelques minutes.
Un avocat de la défense interroge le témoin mais ne cesse de baisser son masque. Le président le rappelle à l’ordre à plusieurs reprises. “Je n’arrive pas à parler”, tente de se justifier l’avocat. “La règle est la même pour tout le monde”, note le président. L’avocat s’agace : “Demain, je viendrai en burka”. “Oh!”, s’indigne la salle. “Très élégant!” crie une voix féminine. Quelques heures seulement après la diffusion des images glaçantes de la tuerie du 7 janvier, alors que le choc n’est pas encore dissipé dans la salle d’audience, l’épisode paraît surréaliste.

A la suite d’une question de l’avocat des policiers intervenus après la tuerie de Charlie Hebdo, le témoin rappelle que pour des fonctionnaires de police, à l’exception de ceux qui travaillent dans des services d’intervention très spécifiques (RAID, BRI…), “l’usage de
l’arme de service ou le fait de se faire tirer dessus”
est “rare”.

Les policiers qui sont arrivés sur place en premier le 7 janvier 2015 n’étaient pas armés de façon adéquate pour affronter les frères Kouachi et leurs kalachnikovs, est-il rappelé. “Ils pensaient intervenir sur une affaire de droit commun, pas sur une scène de guerre”, souligne leur conseil.

On quitte quelques instants le sujet des frères Kouachi pour s’intéresser à Amedy Coulibaly. Un avocat de partie civile demande au témoin pourquoi la photo du terroriste n’a pas été diffusée après l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe. L’ancien chef de la section antiterroriste de la brigade criminelle répond de manière très pédagogique.

“Quand l’identité d’un terroriste apparaît, la
question se pose toujours de savoir comment on diffuse l’information. Avant de diffuser,
il faut déjà prendre en compte ce qu’on sait sur lui. Dans d’autres pays, la
diffusion a entraîné des attentats dans la foulée, dans la mesure où l’équipe s’est sentie dévoilée.
Deuxième élément : Amedy Coulibaly a un signalement lambda. La diffusion est intéressante s’il existe un signe
caractéristique précis (cicatrice, bouton…). Sinon, on risque de le voir partout et d’être vite débordés. Troisième risque : que
des gens s’en prennent violemment à quelqu’un s’ils pensent que c’est le
terroriste.”

L’ancien chef de la section antiterroriste de la brigade criminelle fait son retour à la barre. Les parties peuvent désormais lui poser des questions. 

L’avocat de la veuve et des enfants de Frédéric Boisseau, le responsable de l’équipe de maintenance qui intervenait dans l’immeuble du 10 rue Nicolas-Appert le 7 janvier 2015, commence. Il veut savoir combien de temps a duré la séquence du rez-de-chaussée, qui s’est soldée par la mort de Frédéric Boisseau.

“L’action au niveau de la loge du gardien a été très rapide. Quelques secondes seulement. L’idée des assaillants, c’est de trouver rapidement les locaux de Charlie Hebdo”, précise le témoin, qui a insisté ce matin sur la très courte durée de la tuerie qui a ensuite eu lieu dans les bureaux de la rédaction et qui a fait dix morts.

Quelques minutes plus tard et quelques centaines de mètres plus loin mourra Ahmed Merabet, avant que les frères Kouachi ne prennent la fuite. Bilan de l’attaque : douze morts..

Les accusés, les juges et les avocats généraux font leur retour, l’audience reprend.
L’ancien chef de la section antiterroriste de la brigade criminelle termine son exposé, entrecoupé d’autres vidéos, notamment une sur laquelle on voit et entend les frères Kouachi crier : “On a vengé le prophète Mohammed!” Le président suspend l’audience jusqu’à 14h15.
La cour visionne désormais une vidéo, tournée par un témoin, de l’assassinat du policier Ahmed Merabet sur le boulevard Richard-Lenoir. La vidéo est diffusée une première fois sans le son, puis une deuxième fois avec le son. Le bruit des coups de feu fait sursauter certaines personnes présentes dans la salle.

On entend distinctement Ahmed Merabet, blessé et à terre, lancer “C’est bon chef”, puis on voit Chérif Kouachi l’abattre à bout portant. “C’est clairement la volonté d’achever”, commente le témoin après une question du président.

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La tuerie elle-même n’a pas été filmée, rappelle le président de la cour d’assises spéciale, mais les images panoramiques qui vont être visionnées montrent les locaux de Charlie Hebdo juste après l’attaque. Des parties civiles quittent la salle pour ne pas voir ces clichés.

Les images s’affichent sur l’écran géant situé derrière la cour. Elles retracent le chemin emprunté par les frères Kouachi. Dès la première pièce, des traces de sang au sol, puis les corps des victimes, notamment dans la salle de rédaction. Le témoin détaille les clichés. “M. Charbonnier, c’est lui qui présente le plus de passages de tirs, sept. La distance de tir était inférieure à dix centimètres.”

Si la tuerie n’a pas été filmée, des caméras de vidéosurveillance placées dans la rédaction ont cependant capté quelques images. Une première vidéo montre les frères Kouachi entrer après avoir forcé la dessinatrice Coco à taper le code, puis tirer sur le webmaster Simon Fieschi, qui sera gravement blessé. Sur une deuxième vidéo, un des assaillants invective Sigolène Vinson, la chroniqueuse judiciaire de l’hebdomadaire.

Dans la salle 2.02, le silence est assourdissant. L’horreur est totale. Les masques ne parviennent pas à dissimuler l’émotion des personnes présentes. Une femme quitte les lieux en pleurant face à ces images insoutenables. Certains des accusés regardent l’écran; d’autres baissent la tête.

L’ancien chef de la section antiterorriste de la brigade criminelle présente à la cour d’assises spéciale deux “slides” visant à expliquer le processus d’une intervention sur les lieux d’un attentat.

“Les secours ont la priorité bien sûr”
, souligne le témoin. “Les personnes décédées et blessées se voient toutes apposer un bracelet Sinus, système qui permet le comptage des personnes décédées et blessées et qui permet de savoir vers quelle structure médiale sont orientés les blessés qui doivent être soignés ailleurs que la scène de crime.”

Trois zones sont matérialisées : une zone d’exclusion (la scène de crime elle-même), une zone contrôlée (pour extraire et regrouper les victimes), une zone de soutien (avec le centre d’accueil aux impliqués, c’est à dire les personnes présentes sur les lieux de l’attentat).
Le président suspend l’audience “dix minutes”. A la reprise sera notamment diffusée une vidéo de surveillance des locaux de Charlie Hebdo.
L’ancien chef de la section antiterorriste de la brigade criminelle revient en détail sur le déroulement de l’enquête. Tout commence le 7 janvier 2015 à 11h25, lorsque des premiers messages arrivent à la police. Les personnes présentes rue Nicolas-Appart (11e arrondissement de Paris) ont d’abord pris Saïd et Chérif Kouachi pour des “personnels de services d’intervention” car ils étaient habillés tout en noir.

Le témoin retrace la chronologie des événements des 7, 8 et 9 janvier 2015, presque minute par minute : l’attaque de l’immeuble de Charlie Hebdo, l’assassinat du policier Ahmed Merabet, la fuite des frères Kouachi, l’assassinat de la policière Clarissa Jean-Philippe, la prise d’otages de l’Hyper Cacher, la neutralisation d’Amedy Coulibaly à l’Hyper Cacher et celle des frères Kouachi dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële…

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Le témoin égrène une série de chiffres illustrant le travail “colossal” des services saisis dans le cadre de l’enquête sur les attentats de janvier 2015.

Par exemple, la ligne ouverte lors des attentats de janvier 2015 a reçu plus de 5000 appels, répartis en trois catégories : les messages d’insultes, les messages fantaisistes et les messages utiles à l’enquête. Dans cette dernière catégorie, 1600 messages, dont l’un, particulièrement important, a permis de retrouver la cache d’Amedy Coulibaly à Gentilly.

“Pour nous, ça a été une enquête particulièrement difficile. [Lors d’un attentat], la première priorité est la neutralisation de l’auteur. On s’est retrouvés avec la difficulté d’avoir à poursuivre deux équipes d’agresseurs : Amedy Coulibaly d’un côté, les frères Kouachi de l’autre”, commence l’ancien chef de la section antiterroriste de la brigade criminelle.

Trois services ont été saisis de l’enquête : la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle de la préfecture de police de Paris, la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

L’examen des personnalités des frères Belhoucine n’aura finalement pas lieu ce matin, les témoins attendus étant absents.

A la place, le président appelle à la barre l’ancien chef de la section antiterroriste de la brigade criminelle.

“J’entends rappeler que l’ensemble des faits criminels […] a causé la mort de 17 personnes. J’entends rappeler les noms de ces 17 personnes qui ont perdu la vie au cours de ces 3 journées”, lance le président.Silence complet dans la salle alors que Régis de Jorna égrène les noms des victimes des attentats de janvier 2015 : Jean Cabut, Georges Wolinski, Bernard Verlhac, Philippe Honoré, Bernard Maris, Stéphane Charbonnier, Mustapha Ourrad, Elsa Cayat, Franck Brinsolaro, Michel Renaud, Frédéric Boisseau, Ahmed Merabet, Clarissa Jean-Philippe, Yoav Hattab, François-Michel Saada, Yohan Cohen, Philippe Braham.

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Le magistrat “renouvelle” ses excuses à l’endroit des familles de Charb et Honoré. Lors du premier jour d’audience, il s’était trompé dans le prénom du premier; le prénom du deuxième n’était pas le bon dans l’ordonnance de mise en accusation.

Nouveau rebondissement concernant le port du masque, sujet qui est évoqué et débattu chaque jour depuis l’ouverture de ce procès. La semaine dernière, une dérogation avait été accordée : ceux qui le souhaitaient (avocats, accusés, témoins…) pouvaient ôter leur masque lorsqu’ils s’exprimaient.

Le président de la cour annonce qu’un courriel a été adressé ce matin à l’ensemble des avocats intervenant dans ce procès. Il le lit : “La circulaire du premier ministre du 1er septembre 2020 a amené le premier président de la cour d’appel à revenir sur la dérogation du port du masque. Le port du masque sera obligatoire dans toutes les salles en toutes circonstances et notamment lors des prises de parole.”

“On a conscience des difficultés que cela procure mais les préoccupations sanitaires et le respect des directives gouvernementales nous impose le port du masque”, insiste le président.

Le président de la cour d’assises spécialement composée, Régis de Jorna, annonce la reprise de l’audience. Il vérifie la communication avec les salles 2.03 et 2.04, où se trouvent des avocats de partie civile et leurs clients.
Un à un, Abdellaziz Abbad, Michel Catino, Mohamed Fares, Metin Karasular, Saïd Maklouf, Miguel Martinez, Nezar Pastor Alwatik, Ali Riza Polat, Willy Prevost et Amar Ramdani prennent place dans les deux box vitrés de la salle 2.02.

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Christophe Raumel, le seul mis en cause à ne pas comparaître détenu, est déjà sur son strapontin, devant son avocate.

Ce lundi, la cour va donc d’abord se pencher sur leurs cas, avant d’entendre longuement un membre de la section antiterroriste de la brigade criminelle à propos des attentats commis le 7 janvier par Chérif et Saïd Kouachi.

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Depuis le mercredi 3 septembre, Le Figaro est au palais de justice des Batignolles pour suivre le procès des attentats de janvier 2015, qui ont fait 17 morts en région parisienne.

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Bonjour à tous,

Ce lundi matin commence la quatrième journée du procès des attentats de janvier 2015, que vous pourrez suivre en direct sur ce live.

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