EN DIRECT – Procès des attentats de janvier 2015 : le principal accusé promet de “dire la vérité” – LCI

Justice

HISTORIQUE – Débuté pour deux mois le 1er septembre devant la cour d’assises spéciale de Paris, le procès des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 à Charlie Hebdo, Montrouge et à l’Hyper Cacher se poursuit ce vendredi avec les témoignages des proches des victimes de l’attaque contre le journal satirique. Suivez l’audience en direct.

“J’AI HÂTE QUE LA VÉRITÉ SORTE”

Le président : Monsieur Polat? 

Ali Riza Polat :”Désolé pour mon comportement depuis le début. Je vais arrêter d’insulter parce que vous savez très bien que je m’emporte vite. Les familles, elles ont été fortes. Je suis désolé pour les familles. Je me désolidarise de ce qu’ils ont fait les trois (les terroristes Saïd Kouachi, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly ndlr). J’ai hâte que la vérité elle sorte. Les familles ne pourront jamais faire leur deuil. Je vais essayer de dire la vérité… Non pardon, je vais dire la vérité. Je voulais dire, elle viendra à partir de mardi.”

AUDIENCE SUSPENDUE

L’audience a été suspendue. Elle reprendra lundi à 9h30. Peu avant, Marie-Laure Barré, avocate de la partie civile, avait fait ce commentaire :”Je suis très mal à l’aise. Je voulais vous le dire. L’appréciation du témoignage d’une victime n’a pas sa place ici.”

“JE CONNAISSAIS PAS CHARLIE AVANT”

Le président : Monsieur Raumel? 

Christophe Raumel :”Bonjour, moi je voudrais dire que je n’ai rien à voir avec les Kouachi, je n ‘avais aucune lien avec eux. Je connaissais pas Charlie avant c’est ici que j’ai appris comment ils rigolaient. Les témoignages des familles ça m’a touché au plus profond de moi-même : Coco, Simon, Jérémy de la maintenance. Eux ils disent que c’est des survivants, moi je dis que c’est de bons vivants. Après tout ce qu’ils ont traversé, tout le monde ne pourrait pas encaisser ça. Toute ma force que je peux leur donner et je leur donne à tous. Je suis désolé pour eux. Je compatis vraiment, je leur donne tout mon soutien, toute ma force. Ça m’a touché au plus profond de moi-même. Quand j’ai vu ça à la télé, je pensais pas que c’était intense comme ça. Ils supportent beaucoup de choses.” 

“JE CRACHE SUR CES GENS-LÀ”

Le président: Monsieur Alwatik? 

Pastor Alwatik : “Comme tout le monde, ça a été une semaine bouleversante. Il n’y a pas de mots pour décrire la tristesse, la peine des gens qui sont venus témoigner à la barre. C’est courageux, plus que courageux. Décrire des atrocités c’est déjà dur, mais décrire comment ils ressentent la perte de leurs proches… Après bien évidemment je condamne tout ce qu’il s’est passé, les attentats du 7, du 8 et du 9 janvier. Ça coule de source. Moi je crache sur ces gens-là. Je connaissais pas les Kouachi, je connaissais Coulibaly (…)  Il y a une chose qui a été dite par une dessinatrice qui s’appelle Coco, elle a dit qu’après ces actes commis par de fous, elle a dit que malgré tout ça elle n’était pas terrorisée. C’est la meilleure réponse à donner à tout ça. J’espère que le temps pourra guérir ses blessures. Personne ne peut se remettre de la perte d’un proche dans la vie,  pire dans ces conditions. J’ai aussi appris à connaître des dessinateurs, Charb notamment. Je connaissais pas Charlie Hebdo tout ça. Je pensais pas que j’allais rire, sourire pendant ce procès mais ça a été le cas (au moment de la diffusion des dessins de Charb ndlr) et ça a été une bonne chose que l’on puisse voir ces dessins qui leur ont coûté la vie parce qu’il voulaient faire rire les gens. Personne sur terre ne mériter d’être assassiné et encore moins pour des dessins qui ont pour but de faire rire. L’Hyper Cacher me touche plus parce que ma sœur et mes nièces sont de confession juive. Il y a des sentiments qui font qu’on est un peu plus touché, c’est la vie qui veut ça. J’espère que le procès saura donner une réponse d’abord aux victimes, ensuite aux accusés mais aussi à la société. Malgré tout, on n’est pas à terre. Je vous remercie”. 

“CA M’A GRAVE TOUCHÉ”

Le président: Monsieur Fares? 

Mohamed-Amine  Fares: “La tristesse des parties civiles m’a grave fait mal au coeur, elle m’a grave touché. Personne ne mérité ça. Le témoignage des parties civiles étaient très importants à mes yeux”.

“JE NE SUIS PAS LIÉ AUX FRÈRES KOUACHI”

Le président: Monsieur Makhlouf? 

Saïd Makhlouf : “Moi premièrement c’est par rapport aux familles des victimes, ils sont très courageux, les discours, ils m’ont vraiment touchés. Et les victimes qui racontent seconde par seconde ce qu’ils s’est passé, ça m’a vraiment touché. (…) Je peux que compatir à leur souffrance. Maintenant comme ça a été dit, je ne suis pas lié aux frères Kouachi. C’est inacceptable de tuer quelqu’un pour un dessin. Je ne parle pas des photos qui étaient atroces. IL n’y a pas de mots pour décrire ça” 

“JE DÉTESTE CETTE IDÉOLOGIE MORTIFÈRE”

Monsieur Ramdani? 

Amar Ramdani : “J’ai entendu le discours de gens intelligents, des témoignages dignes. Les faits, c’est innommables, les images parlent d’elles-mêmes. Charlie Hebdo, je connaissais pas, j’ai jamais lu. Le Club Dorothée, on en a parlé, c’est ma génération, un dessinait là-bas, je crois que c’est Cabu. Les femmes des victimes, c’est difficile. Parler d’une voix tremblante, se mettre à pleurer. Des mères de famille, des femmes, c’est pas commun. Des témoignages m’ont touché plus que d’autres, je me retrouve en eux, celui de Sigolène Vinson en particulier. On doit être de la même génération.  Les mots de Fabrice aussi, ils m’ont touché. C’est  quelqu’un qui s’offusque, moi aussi je  m’offusque quand on m’accuse de terrorisme. J’ai une histoire avec le terrorisme. Je suis pas renvoyé pour ce qui s’est passé à Charlie Hebdo. Je suis dans le box et ça fait mal. Je déteste réellement cette idéologie mortifère. Et je voudrais remercier la femme de Renaud (Gala Renaud, femme de MIchel Renaud) qui nous a regardés et qui a dit qu’elle avait de la compassion pour nous. Je crois que c’est la seule qui nous a regardés; personnellement ça m’a profondément touché. La fille d’Honoré aussi m’a touché. Je voudrais aussi féliciter son témoignage digne et super intelligent. Sigolène Vinson m’a touchée, moi je l’ai lu le dossier; Ca fait 5 ans et demi que je suis dans cette affaire, j’ai voulu lire le dossier. Sa déposition m’a touché. Elle a dit “j’ai trouvé ses yeux doux” (ceux de Kouachi ndlr). je me suis dit comment on peut trouver de la douceur dans l’horreur. (Amar Ramdani cite le poème de Boris Vian,”Ils cassent le monde”,sur un détenu condamné à mort) . Quand j’ai lu la déposition de Sigolène Vinson, je me dis qu’elle a du voir une montagne de textile noir et de fer elle a du flipper mais s’accroche à un truc. Elle a du voir la peau, puis ses yeux, elle a vu de la douceur. On les a vus les images, il n’y a pas de douceur. Et en plus elle s’est excusée. Moi cette femme-là m’a touchée pour son intelligence. Elle a dit que quand son équipe parlait, elle se taisait. Je n’ai pas vu son visage elle avait les cheveux sur le côté. On vit une drôle d’époque, on est tous masqués. (…°) Tous les témoignages m’ont touché, certains plus que d’autres, je sais pas pourquoi”.

“J’AI HÂTE QUE LA VÉRITÉ SORTE”

Le président : Monsieur Polat? 

Ali Riza Polat :”Désolé pour mon comportement depuis le début. Je vais arrêter d’insulter parce que vous savez très bien que je m’emporte vite. Les familles, elles ont été fortes. Je suis désolé pour les familles. Je me désolidarise de ce qu’ils ont fait les trois (les terroristes Saïd Kouachi, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly ndlr). J’ai hâte que la vérité elle sorte. Les familles ne pourront jamais faire leur deuil. Je vais essayer de dire la vérité… Non pardon, je vais dire la vérité. Je voulais dire, elle viendra à partir de mardi.”

“JE CONNAIS PAS TOUS CES TRUCS LÀ”

Le président: Monsieur Catino? 

Michel Catino : “Je ne sais pas quoi vous dire. Je connais pas tous ces trucs là, la politique, le fascisme, le nazisme. Je connais que le jeu. Je connais la douleur, j’ai perdu mon fils il y a 14 ans. Je comprends les témoins qui sont venus témoigner pour leur famille, je comprends leur douleur, je connais pas tout ça. Je ne saurais pas quoi vous dire”. 

“ON NE TUE PAS DES GENS POUR UN DESSIN”

Le président: Monsieur Karasular?

Metin Karasular :”Je ne m’attendais pas à un procès comme ça. 6 ans après, les familles sont toujours touchées, elle souffrent. Je suis musulman et je ne comprends pas que l’on puisse tuer au nom du prophète. Je ne comprends pas les gens aujourd’hui. A chaque fois que ces gens frappent la France, la France devient encore plus forte. Je n’ai pas de pardon pour ces gens là. Wallah on ne tue pas les gens parce qu’ils font un dessin.”

“AVANT L’ATTENTAT, JE SAVAIS QUE CHARLIE N’ETAIT PAS UN JOURNAL RACISTE”

Le président : Monsieur Martinez?

Miguel Martinez: “J’aimerais présenter mes condoléances. J’admire leur courage. J’ai croisé leur regard mais je n’ai pas vu de haine. On a parlé de la liberté d’expression. Avant l’attentat, je savais que Charlie n’était pas un journal raciste. J’ai été impressionné par la dignité et le courage des personnes venues ici.”

“J’ESPÈRE CE PROCÈS APPORTERA DES RÉPONSES AUX VICTIMES”

Le président : Monsieur Abbad? 

Abdelaziz Abbad : “Les photos ça a été un choc, surtout  les  photos. Ce qu’ont dit les victimes, c’est très fort émotionnellement et j’espère que ce procès leur apportera des réponses et qu’elles pourront faire leur deuil.”

“ON A VU LES PHOTOS DE CE QU’IL S’EST PASSÉ, C’ÉTAIT DUR”

Le président : Monsieur Prévost ? 

WIlly Prevost: “C’était une semaine avec des témoignages qui m’ont ému. On a vu les photos de ce qu’il s’était passé à Charlie, c’était dur à voir”. 

PAROLE AUX ACCUSÉS

Le président interroge les accusés sur ce qu’ils ont à dire sur ce qu’ils ont entendu à cette audience pendant la semaine. Ils prennent la parole tour à tour. 

“PREMIERS A RIRE DE LA RELIGION”

Avocat PC: Quelle était la place de la religion pour Elsa?

Antonio Fischetti :’La place de la religion pour Elsa? . C’est lors de ses obsèques que j’ai appris qu’elle était juive. On a parlé sexualité, prostitution, mais je ne savais pas ça. Nous, à Charlie on était les premiers à rire de la religion, jamais elle n’a été vexée. Elle rejoignait cette ligne athée de Charlie.  Cette dimension juive, elle n’en a jamais fait état.”

Selon Antonio Fischetti, “Elsa avait reconnu des courriers de menaces après un article sur la Shoah. Il me semble qu’elle m’a dit qu’elle avait reçu des courriers d’insultes, mais des courriers d’insultes, on en reçoit tous les jours. Moi si j’écris un article sur le Covid et Raoult, j’en reçois des tonnes.”

“DIALOGUE AVEC DES DJIHADISTES”

Antonio Fischetti  sur Elsa Cayat: “Elsa était forcément contre l’intolérance. Elle-même si on n’était pas d’accord avec elle était la première à vouloir engager la conversation. Elle aurait engagé le dialogue avec des djihadistes, j’en suis sûr. Elle était persuadée du pourvoir des mots et de leur analyse. Elle avait une volonté d’aller dans ce qui nous échappe. Le pouvoir des mots comme une arme.”

“ELSA  RIAIT TOUT LE TEMPS”

Antonio Fischetti, journaliste à Charlie, au sujet d’Elsa Cayat : “Elsa c’est quelqu’un qui riait tout le temps, qui riait très fort. (…) Elsa a fini par passer des soirées avec moi, Charb, Riss. On a écrit ensemble, moi et Elsa : Le Désir et la putain“.

“Elsa avait cette persuasion du pouvoir des mots. Elle pouvait parler des heures avec un psychotique profond et l’aider avec des mots. (..) Avec elle on pouvait parler de n’importe quel sujet.”

ANTONIO FISCHETTI, JOURNALISTE A CHARLIE

Le témoignage maintenant de Antonio Fischetti, journaliste  à Charlie Hebdo depuis 1997 vient parler à la cour d’Elsa Cayat. ‘J’ai connu Elsa en 1999-2000. J’ai toujours aimé avoir des activités à côté comme le cinéma. Je faisais à  ce moment un sujet autour de la prostitution, J’avais rencontré une prostituée de la rue Saint-Denis, Momo, avec qui j’étais devenue amie. e voulais l’avis d’un psychanalyste sur le sujet de la prostitution. Personne n’a accepté. On m’a conseillé Elsa, j’ai lu son livre. Je l’ai rencontré, elle a accepté tout de suite cette aventure baroque, extravagante avec cet enthousiasme que connaisse tout ceux qui l’ont connue. On a passé des heures ensemble à bosser là-dessus.  On a été voir Momo rue Saint-Denis, on a passé des heures dans des bars, c’était l’homme, la psy et la putain”. 

“TRÈS BON ENSEIGNANT”

A la barre maintenant un autre collègue de Bernard Maris, à l’université (je n’ai pas son nom); “Bernard je l’ai connu dans un laboratoire en 1992-1993. Il ‘était maître de conférence. C’était un très bon enseignant, quelqu’un d’éclectique. (…) Bernard avait une passion pour beaucoup de choses.”

“AMITIÉ DE DIX ANS”

Claude D. professeur à l’Université Sciences-Po Bordeaux et ancien collègue de Bernard Maris. “Avec Bernard nous avons lié une amitié de 10 ans” (Ils ont quitté Toulouse ensuite, Bernard Maris pour Paris, Claude C. pour Bordeaux). Bernard Maris lui a demandé notamment de corriger certains de ses ouvrages. “Bernard était un homme de culture, il ne voyait pas l’économie comme tous les économistes, mais à travers la psychologie notamment”.

Il ajoute :” c’était un fou de travail, il a été un exemple pour moi”. 

Et de conclure: “Quand Bernard me parlait de Charlie, il me disait: ‘c’est une bande où on rigole beaucoup. Il aimait beaucoup Charlie Hebdo’.”

ANNE C. MAÎTRE DE CONFÉRENCE

A la barre à présent: Anne I. 54 ans, maître de conférence en économie à l’université de Toulouse. Elle est citée en qualité de témoins. Elle a rencontré Bernard Maris dans les années 80. “On a partagé des colloques, on a fait des recherches ensemble, on est devenu des amis relativement proches. Bernard c’est quelqu’un qui voulait passer des idées. Il fallait absolument éduquer. Pour faire cela, il avait une exigence extrêmement importante. Il fallait creuser les sujets, faire de l’épistémologie, de la rhétorique. Il fallait pousser les recherches jusqu’au bout, connaître toutes les passions d’un économiste pour pouvoir parler de lui (…) On travaillait ensemble, on pouvait y passer des nuits”.

Pour Bernard Maris, “il faut maintenir l’ascenseur social”. “Il voulait étudier tous les mouvements de résistance. Il était incollable sur la guerre d’Espagne par exemple.” 

Elle dit aussi comme anecdotes que “Bernard Maris apprenait des vers tout le temps. Il aimais la poésie”.

“Quand il a été assassiné le 7 janvier 2015… perdre des amis assassinés c’est pas comme perdre quelqu’un dans un accident, une maladie, c’est un deuil qui est différent à faire (elle se met à pleurer). On a perdu un être humain mais aussi un puits de connaissance”.

BEAU-PÈRE DE RAPHAËL MARIS

Marc C. beau-père de Raphaël Maris est maintenant à la barre. (Il pleure) “Personnellement je l’ai connu comme un ami en 2003. Je suis entré dans la vie de Raphaël en 2003, quand sa mère et moi nous nous sommes mis ensemble. (…) Il était toujours à l’écoute de notre vie. Il prenait Raphaël dès qu’il pouvait. J’aimais beaucoup échangé avec lui, sur le rugby, France Inter… Il m’a toujours remercié de l’éducation des enfants. Il me posait plein de questions sur la scolarité de Raphaël, il l’emmenait en voyage : Etats-Unis, Cuba, où il se sont découverts une passion commune pour la salsa. Ils avaient prévu d’y retourner.”

Il explique qu’après l’attentat, “Raphaël s’est reclus dans les études. Il s’est isolé. Il a attaqué la lecture de tous les classiques, il voulait que son père soit fier de lui”.

SOUMISSION 

Avocat PC à Jean-François Kahn : avez-vous relevé une sorte de soumission dans la classe politique face à l’islamisme?

Jean-François Kahn :C’est un problème fondamental et très complexe cette question. Je sais ce que ça a provoqué. Des drames.(…)  Je suis extrêmement opposé aux positions d’Edwy Plenel sur ces questions mais je ne pense  qu’il soit ni de près ni de loin responsable de ces crimes.

“CIBLE DU TERRORISME”

Me Coutant-Peyre : Comme érudit de la vie politique y compris internationale, comme grand homme de presse, pour vous, pourquoi est-ce que parfois l’État français fait partie des listes de cibles?

Jean-François Kahn :” Vous savez tout le monde peut être la cible du terrorisme. Dès lors qu’il y a un désaccord (.. )Toute institution, personne, collectivité peut devenir victime”. 

DU TERRORISME 

Me Lévy, avocat de la défense : pourriez-vous en quelques mots dire ce qu’est pour vous le terrorisme? 

Jean-François Kahn : Le terrorisme pour le coup, l’idée est dans l’expression même; C’est de substituer à d’autres formes de rapports, d’arguments, la terreur. C’est un des concepts que le mot résume très bien.

“CETTE HORREUR QUI MASSACRE TOUT LE TEMPS”

Me Antoine Comte : Ce procès Monsieur Kahn, vous aimeriez qu’il soit pour quelle Histoire? 

Jean-François Kahn :”Les auteurs du crime ne sont pas là. J’aimerais que ce soit le procès de cette horreur qui massacre et qui massacre tout le temps: le fanatisme.” 

“DES FANATIQUES, PAS DES BARBARES”

Jean-François Kahn, répondant à une question  de Me Comte au sujet des assassins : “il y a quelque chose que je ne comprends pas c’est qu’on qualifie les assassins de barbares. S’ils sont barbares ils sont innocents quelque part. Ils ne font pas partie de la civilisation. C’est des fanatiques, pas des barbares. Ce fanatisme qui monte, qui monte et qui devient toujours criminel et massacreur. “

JEAN-FRANCOIS KAHN

Jean-François Kahn, journaliste, est à la barre, il est retraité.Il va parler de Tignous. “J’avais engagé Tignous dans un journal que j’avais créé: L’évènement du jeudi. Bernard Maris travaillait aussi dans ce journal.  Puis on a travaillé ensemble
à Marianne. Pour Tignous, j’avais plus que de l’amitié. D’abord, j’avais une jalousie. Avec quelques coups de crayons, il faisait un éditorial finalement. (…) Il était très attaché à sa banlieue dont il venait. Quand on se croisait, on avait une blague. “Alors, toujours de gauche?”

“J’avais beaucoup d’amitié et de tendresse pour lui”, concède-t-il.

LA FILLE DE MUSTAPHA OURRAD À LA BARRE

La fille de Mustapha Ourrad (désolée je n’ai pas entendu son prénom), correcteur à Charlie Hebdo, est maintenant à la barre. Elle explique que son père est né en Algérie, dans un petit village de Kabylie. Il a obtenu la nationalité française en 2014. 

“Après l’attentat, je n’étais pas capable d’entendre quoi que ce soit sur les circonstances. J’avais 21 ans et mon frère 17 ans” explique-t-elle à la cour.

Au sujet de son père, elle parle d’un “homme discret qui n’aimait jamais se mettre en avant”. “C’était un père formidable (elle pleure). Il était très aimant, on pouvait parler de tout avec lui. Il aimait échanger. Il était très drôle, il avait beaucoup d’humour. Son rire était chaleureux, communicatif. il pouvait réciter les poèmes, de Rimbaud, Baudelaire. Il aimait beaucoup la musique: Brassens, Brel, Léo Férré, Idir. (…) Il me manque tous les jours.”

“CINQ ANS QU’ON NE PEUT PLUS DIRE PAPA”

L’une des filles de Tignous commence:  “Aujourd’hui, nous voulions parler de Bernard Verlhac, notre papa. Nous, ça fait cinq ans qu’on ne peut plus dire ‘papa’. Vous avez vu les photos, il était très beau”. 

Elle évoque ce papa qui leur a appris à “ranger le lave vaisselle. “C’est important de savoir ranger un lave-vaisselle, c’est une vraie satisfaction de ne pas perdre de place”, dit-elle avant d’expliquer qu’aujourd’hui, à chaque fois qu’elle range le lave-vaisselle elle pense à son papa.

“Il nous emmenait souvent à l’école. La seule coiffure qu’il arrivait à nous faire le matin avant de partir, c’était un palmier sur la tête”. (Tout le monde rit dans la salle). “Il disait toujours “pas de chagrin, pas de tristesse, jamais jamais, dans cette maison”. 

L’autre fille de Tignous prend la parole, se souvient “des tout petits-yeux” de son papa”. On se disait ‘je t’aime tous les jours tout le temps. Si tout le monde avait un papa pareil, le monde serait bien meilleur. Ils nous rendaient fières, il était toujours là pour nous. On a été entourées d’amour, on l’est toujours grâce à lui.”

FILLES DE TIGNOUS

Les deux filles de Tignous, Marie et Jeanne, ont demandé à être entendues ensemble. Avec l’accord du président, les deux jeunes femmes de 23 et 25 ans,  témoignent toutes les deux à la barre. “Nous sommes les 2 aînées des 4 enfants et nous parlons pour eux” .

L’AUDIENCE EST REPRISE

AUDIENCE SUSPENDUE

L’audience est suspendue jusqu’à 13h30.

PHOTOS DE TIGNOUS 

Plusieurs photos de Tignous défilent à l’écran. On y voit le couple, leur mariage. Tignous “la connerie en étandard, les cheveux au vent”, dit Chloé Verlhac. Le couple avec ses enfants. Un portrait du dessinateur devant lequel Chloé Verhlac clame: “Qu’est ce qu’il était beau”.

DESSIN PROJETÉ

Chloé Verlhac a apporté un dessin qui est projeté à l’écran. Elle explique : “On se disputait souvent. On avait des caractères bien trempés. Il me disait : ‘tu m’énerves tellement que je vais aller au paradis direct’. Je l’appelais ‘My angel of paradise‘.”

Le dessin représente Tignous en ange, avec des coeurs autour de lui. 

Elle raconte que Tignous  a fait ce dessin sur son iPad depuis son bureau “au fond du jardin”, qu’il lui a envoyé. “Nous avons ensuite tous les deux couru au milieu du jardin et nous nous sommes embrassés. Je voulais vous raconter cette anecdote car c’est une jolie histoire.”

Chloé Verlhac explique aussi que le surnom de Tignous vient du Sud-Ouest dont il est originaire. “Il était assez remuant enfant. Sa grand-mère l’avait baptisé comme ça. Tignous, c’est la petite teigne, la gentille petite teigne.”

“NOUS SOMMES DES SURVIVANTS”

Chloé Verlhac :”Je remercie Sigolène de lui avoir fait un bisou le 7 janvier. Je pense que s”il était rentré le 7 janvier il m’aurait dit “tu sais quoi, Sigo m’a fait un bisou”. 

Elle ajoute : “Nous sommes des survivants, je crois que Simon  (Fieschi)a raison. Nous n’avons jamais de répit dans notre chagrin. Il nous manque le matin, le soir, aux fêtes, à la rentrée des classes, quand on partage un bon plat. Tous ces moments de bonheur là, on aurait voulu les partager avec lui”. 

“Ils sont morts pour rien. Si on a peur, ils ont gagné, alors on n’a pas peur, on est là. Nous sommes des gens humanistes, libres.”

“Tignous va me manquer toute ma vie mais je crois qu’il va aussi manquer à tous ceux qui l’ont croisé ne serait-ce qu’une fois”.

“ON DEVIENT CE QU’ON VEUT ÊTRE”

Chloé Verlhac :”Tignous était enfant de la banlieue et d’employés modestes. « Il n’y a pas de fatalité, on devient ce qu’on veut être.”

Tignous “était papa de quatre enfants extraordinaires dont il était extrêmement fier. Tignous vient d’un milieu très humble, il a grandi dans une cité, son papa travaillait dans un centre de tri postal et sa maman était secrétaire. Ses parents n’avaient pas les moyens de lui payer des études. Il a passé les concours de la République, il a travaillé dur et il est devenu le grand dessinateur que l’on connaît”.

Elle poursuit : “Ca fait 5 ans que j’ai pas fait les vitres de son bureau, on y voit plus très clair. Il y écrivait ses projets. Parmi ses projets, travailler sur les prudhommes et les femmes battues.” 

“Tignous a toujours aimé les gens sans distinction de classe. “”J’ai toujoius pensé que c’était un assassinat politique. Qui a-t-ton assassiné ? Le grand dessinateur humaniste mais aussi un homme, cet homme c’est mon amoureux, mon mari, c’est un papa, un ami, c’était un bon gars. Quand on connaissait Tignous, son sourire, il était impossible qu’il meurt, il était trop vivant pour mourir” 

“BESOIN DE RÉPONSES”

Chloé Verlhac :”J’ai besoin de réponses sur les levées de surveillance, les dysfonctionnements, les complicités, les responsabilités et les personnes qui doivent les porter. J’ai besoin de comprendre pourquoi parce que je vais devoir expliquer à nos enfants et c’est pas facile.”.  

Elle parle d’une bataille avec l’administration. “On ne rentre pas dans les cases, il a fallu que l’on invente un statut”. 

“UN RADEAU, DES NAUFRAGÉS”

Le soir du 7 janvier, Chloé Verlhac dit qu’il y avait beaucoup de monde chez eux.  “La maison pendant un mois ça a été un radeau sur lequel on était des naufragés. Le soir du 7 janvier, ma fille m’a dit : “J’ai compris que papa est mort mais il faut que tu ailles parlé à Solal (son fils de 5 ans)”. 

“MAIS IL EST MORT?”

Le 7 janvier, elle raconte avoir eu un coup de fil l’informant de la fusillade à Charlie. “Je suis allée chercher les enfants à l’école et à 11h45 mon téléphone a sonné, c’était le cousin de Tignous et il m’a dit ‘Chloé, il y a eu une fusillade à Charlie est-ce que tu as eu des nouvelles de Tignous ?'” ? Je n’ai pas réussi à joindre Tignous, ne m’a pas répondu. Je suis arrivée dans la classe de mon fils, il avait une casquette, il était très heureux car il l’attendait depuis des semaines, pour moi c’est la dernière fois que j’ai vu insouciant” 

Elle dit que des gens l’ont ensuite appelée pour lui souhaiter la bonne année. ll lui disaient “Ça va ?”, elle avait beau dire “non, ça ne va pas”, les gens étaient dans l’euphorie de la nouvelle année et ne l’écoutaient pas. 

Puis elle a appelé, Patrick Pelloux et les autres de la rédaction de Charlie mais personne ne répondait. Elle est arrivée rue Nicolas-Appert”.  Elle a répété : “Je suis la femme du dessinateur Tignous, j’ai deux enfants en bas âge, je veux savoir s’il est vivant ou blessé. Personne ne pouvait me répondre. On a fini par pouvoir rentrer avec la fille aînée de Tignous, qui m’avait rejointe avec son amoureux. Il a fallu se battre pour rentrer dans le Théâtre de la Bastille, le chef des psychologues du Samu m’a regardée bien dans les yeux et m’a dit : “On ne sait pas pour l’instant, on ne peut pas vous répondre”. Une infirmière de la Croix-Rouge a dit : “Répondez-lui, c’est insupportable”. C’est moi qui ai verbalisé. J’ai dit “Mais il est mort”. Luz a hoché de la tête.”

CHLOÉ VERLHAC

Chloé Verlhac, femme de  Bernard Verhac alias Tignous, est à la barre. Elle est blonde, vêtue de noir., porte des baskets et a des tatouages sur le bras; 

Elle raconte que “Tignous faisait la révérence à la gardienne de l’école  le matin”.  “Tignous peu savait ce qu’il faisait mais les gens disait: “ha ouais le mec sympa là”. 

“INVECTIVES ET MENACES”

Le président: “une mise au point Monsieur Polat, vous aurez la parole, d’ailleurs, vous aurez tous ce soir la parole par rapport à ce qui a été dit cette semaine. Mais toute invective ou toute menace ne sera pas tolérée. Vous direz ce que vous avez à dire, mais sans invective et sans menace. C’est d’accord?”

L’accusé aquiesce. 

L’AUDIENCE EST REPRISE

SUSPENSION D’AUDIENCE

“L’audience est suspendue 10 minutes pour retrouver un peu de calme”, annonce le président. Un incident vient de se produire dans la salle.

Le principal accusé Ali Riza Polat s’est levé demandant à prendre la parole, très énervé. “Ces deux enculés de Kouachi, je les connaissais pas. Amedy Coulibaly, c’était un ami, mais pas les Kouachi”. 

Pendant la suspension, l’accusé s’est de nouveau levé, il parle de l’audition de l’enquêteur de la Sdat  prévue mardi prochain. “Je vais tout balancer. Ces deux fils de pute de Kouachi je ne les connaissais pas, venez mardi s’il vous plaît”. 

Puis il évoque un individu qui n’a toujours pas été arrêté dans cette affaire. AU début du procès, l’avocate générale avait précisé qu’Ali Riza Polat avait fait des “révélations” au cours de l’été.

DESSINS ET PHOTOS PROJETÉS

Plusieurs dessins et photos sont projetés. Un dessin représentant Raphaël et son papa. Un autre dessin, puis es photos de Bernard Maris, avec ses enfants, dansant, à la maison, dans les champs, avec des chevaux.

“LE DEUIL PAR LE TRAVAIL”

Raphaël Maris dit avoir “fait son deuil par le travail”.”Je faisais mes études de physique, j’étais en classe préparatoire”. 

Venir parler à cette cour d’assises, ça a été pour lui très difficile. “J’ai continué à avancer dans mon travail. (il pleure et a dur mal à s’exprimer). Les gens de Charlie, je suis avec eux dans leur combat Les gens de Charlie, je les admire beaucoup. Il faut qu’il continue à se battre pour défendre leurs idées. Moi je continuerai à me battre, à sourire, même s’il y a des attentats. Il faut rigoler, il ne faut pas voir peur, il faut vivre libre”. 

“IL M’AVAIT EMMENÉ À CHARLIE”

Raphaël Maris: “Trois semaines avant les attentats, il m’avait emmené à Charlie Hebdo, que je ne connaissais pas trop. J’ai vu cette équipe de Charlie, c’était comme une famille. Il y avait une liberté de s’exprimer. J’ai adoré ce moment de partage avec Wolinski, Luz… Ce que je retiens c’était qu’ils avaient une certaine liberté. C’était au moment de la conférence de rédaction, j’ai adoré. Charb faisais des dessins, prenait des notes. Mon père ne m’aurait jamais emmené dans les locaux de Charlie si… Il ne savait pas qu’ils allaient se faire attaquer.”

“CA A ÉTÉ ARRACHÉ”

Raphaël Maris: “Je me suis rapproché de mon père entre mes 15 et mes 18 ans. Ca a été arraché. Ces attentats, j’ai l’impression de ne pas avoir pu profiter de lui plus longtemps, avoir plus de discussions avec lui, je pense que les gens qui ont vécu plus longtemps avec leur père (…) J’ai l’impression qu’il manque…(Il cherche ses mots) On m’a arraché quelque chose de très cher. J’étais dans la fascination, j’étais en admiration de ce qu’il était”.

“C’ÉTAIT QUELQU’UN DE DISTRAIT”

Raphaël Maris: “mon père me faisait regarder Tintin. J’étais assez branché Sciences, il m’a bercé là-dedans. IL avait une passion pour la physique, on regardait les étoiles en Espagne, les constellations. C’est lui qui m’a apporté ces centres d’intérêts. C’était quelqu’un de très distrait, il était un peu dans la lune, un peu comme moi. Il faisait beaucoup d’accrochages de voiture. Comme à Deauville, il a accroché une voiture et il m’a dit :” Je savais que ça n’allait pas passer”. Il rigolait, mais la femme dans la voiture en face elle rigolait pas”. 

Le fils évoque aussi une anecdote avec “chocolatines” que les enfants avaient ramenées, que Bernard Maris ne voulait pas au départ et qu’il était au final ravi de déguster. 

Un procès “pour l’Histoire”, hors normes et intégralement filmé. Du mercredi 2 septembre 2020 au mardi 10 novembre 2020, 14 accusés doivent répondre d’avoir apporté un soutien aux frères Saïd et Chérif Kouachi ainsi qu’à Amédy Coulibaly pour les aider à perpétrer les attaques perpétrées à la rédaction de Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher, les 7, 8 et 9 janvier 2015. 

Parmi eux, trois sont visés par un mandat d’arrêt international depuis leur fuite commune en Syrie dans les jours précédant les attaques : Hayat Boumeddiene, 32 ans, épouse d’Amedy Coulibaly, et les frères Mohamed et Mehdi Belhoucine, 33 et 29 ans. Parmi les onze accusés présents, un seul, Ali Riza Polat, 33 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité, pour complicité des crimes et délits commis par les trois terroristes, neutralisés par les forces de l’ordre à l’issue de trois jours d’horreur. 

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Dans l’enceinte du tribunal judiciaire des Batignolles, pas moins de quatre salles d’audience, une principale et trois pour les retransmissions, sont mobilisées pour pouvoir accueillir pas moins de 200 parties civiles, 94 avocats et 90 médias accrédités, dont une trentaine d’étrangers. Le public, lui, peut aussi assister à l’audience, depuis l’auditorium, également réquisitionné pour ces 49 jours de ce procès “pour l’Histoire”.

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Le procès hors normes des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015

Suivez le procès des attentats de janvier 2015

Suivez le procès en direct dans le fil en tête de cet article grâce à nos journalistes présents sur place.

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