Emmanuel Macron lance à Poitiers les Etats généraux de la justice – Le Monde

Le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours à Marseille, le 15 octobre 2021.

Cela doit être une « remise à plat totale » de la justice en France, promet l’Elysée. En pleine polémique sur la lenteur de la machine judiciaire, Emmanuel Macron lance lundi 18 octobre des Etats généraux de la justice, qui devront élaborer des propositions pour « remettre à plat » le système pour 2022 et au-delà ; un legs pour le prochain quinquennat. A Poitiers, le président de la République, accompagné du garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, prononcera un discours au palais des congrès et échangera avec des professionnels, des forces de l’ordre, des étudiants et des citoyens de la Vienne.

Ces Etats généraux réuniront pendant plusieurs mois, dans des groupes de travail, tout l’écosystème de la justice : juges, procureurs, greffiers, auxiliaires, avocats, mandataires huissiers, surveillants pénitentiaires… Ils vont travailler jusqu’à la mi-janvier pour structurer le débat et l’éclairer en fonction des éléments remontés de la phase de consultation, que ce soit à propos de la justice civile, la justice pénale, la justice économique et sociale, la justice pénitentiaire et de réinsertion, ou encore l’évolution des missions et des statuts.

Ils avaient été réclamés au début de juin par les deux plus hauts magistrats de France, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, le procureur général près la Cour de cassation, inquiets des « mises en cause systématiques de la justice », critiquée pour sa lenteur et accusée de laxisme par des syndicats de police et des responsables politiques.

Lire le premier épisode de notre série : Article réservé à nos abonnés Justice : le bilan contrasté du quinquennat Macron

Malaise des juges

La troisième phase, jusqu’à la fin de février 2022, consistera en la rédaction de la synthèse censée formaliser les propositions. Elle sera confiée à une commission indépendante présidée par Jean-Marc Sauvé. « La crédibilité de l’exercice permettra, quel que soit l’exécutif au pouvoir en 2022, de reprendre les propositions des Etats généraux, car elles ne proviendront pas de l’exécutif actuel », explique-t-on à l’Elysée. Aucune limite n’est donnée aux idées qui émergeront. « C’est une carte de blanche que souhaite donner le président de la République. » Mais il ne se privera pas de « réformer jusqu’à la dernière minute », si des propositions peuvent être mises en œuvre sans passer par la loi.

Reçus par le chef de l’Etat, ils avaient évoqué le malaise des juges et réclamé cet exercice. Un mal-être exacerbé à la suite d’une grande manifestation, le 19 mai, de dizaines de milliers de policiers devant l’Assemblée nationale, en présence notamment du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et de nombreux élus Les Républicains et Rassemblement national, mais aussi de certaines figures de gauche, dont Anne Hidalgo et Yannick Jadot, candidats à l’élection présidentielle.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La justice civile en souffrance

Commission indépendante

De leur côté, les deux hauts magistrats dénoncent une justice « sous-budgétée », très loin par exemple du niveau de l’Allemagne. En réponse, l’Elysée fait valoir une augmentation du nombre de magistrats depuis 2017 (650) et une hausse de 33 % du budget de la justice sur le quinquennat.

Le malaise des magistrats survient en pleine tension entre une partie de la magistrature et le garde des sceaux, mis en examen en juillet pour « prise illégale d’intérêts ». M. Dupont-Moretti est soupçonné d’avoir profité de sa fonction de ministre de la justice pour régler ses comptes avec des magistrats avec lesquels il a eu affaire à partir quand il était avocat, ce qu’il réfute.

Ces Etats généraux, a promis la présidence, seront organisés en toute indépendance de l’exécutif. Les consultations qui auront lieu dans toute la France seront pilotées par une commission indépendante, présidée par le haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé, déjà à la tête de la commission d’enquête sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise.

Cette commission comprendra aussi les deux hauts magistrats ainsi que les présidents des commissions des lois de l’Assemblée et du Sénat, pour assurer une approche « transpartisane », a précisé l’Elysée. Elle formulera à la fin de février des propositions, qui seront remises à l’exécutif. La commission aura « carte blanche » pour « une remise à plat totale », promet l’Elysée. Il s’agit donc d’aller bien plus loin que l’actuelle « loi pour la confiance dans l’institution judiciaire », en cours d’examen au Parlement, dont une mesure-phare est de pouvoir filmer les procès.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Etats généraux de la justice : le grand imbroglio de l’exécution des peines

Ossature de programme pour un éventuel deuxième mandat

Quant au sort des propositions qui émergeront, la présidence assure que « tout ce qui pourra relever du règlement sera porté le plus vite possible, avec pragmatisme. Le garde des sceaux sera chargé de manager cela jusqu’aux élections ». En revanche, puisque l’Assemblée aura terminé sa session – qui s’arrêtera à la fin de février, un mois et demi avant la présidentielle – tout ce qui relèvera de la loi, y compris ce qui nécessite un financement budgétaire, devra attendre le prochain quinquennat.

Ces propositions pourraient donc fournir à M. Macron une ossature de programme pour un éventuel deuxième mandat, même si l’Elysée se défend d’une telle intention. « Ce n’est pas le président qui a demandé ces Etats généraux pour se faire écrire son programme », insiste une conseillère. Ces propositions rejoindront celles que le président commence à égrener pour une échéance allant au-delà d’avril 2022, autant de potentielles briques d’un futur programme.

Comme le plan d’investissement France 2030, le projet de loi de programmation et d’orientation pour la sécurité intérieure de 2022, qui doit planifier sur cinq ans l’action en matière de sécurité. Ou encore l’expérimentation à Marseille des « écoles du futur », dont les directeurs pourraient choisir les enseignants.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Avec le plan France 2030, un Macron en campagne veut défendre « l’esprit de victoire et de conquête »

Le Monde avec AFP

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading