Émeutes aux Antilles: l’anarchie menace la Guadeloupe, la colère gagne la Martinique – Le Figaro

Malgré les renforts policiers, les barrages coupent toujours la circulation. Le chaos s’installe, les rayons des magasins se vident.

Pointe-à-Pitre

En Guadeloupe, l’hélicoptère de la gendarmerie passe et repasse dans le ciel, survolant les barrages et les routes déblayées par les forces de l’ordre, qui sont parfois rebloquées dans la foulée. Pour autant, la nuit de dimanche à lundi a été plus calme que les précédentes, selon les forces de police, qui notent «moins de pillages et moins de groupements». Et pour cause, indique un communiqué de la préfecture de Guadeloupe: «l’ensemble des services de police et de gendarmerie nationales a été mobilisé», tout comme les «renforts envoyés en Guadeloupe» directement déployés sur le terrain. Au total, 11 personnes ont été interpellées dans la nuit de dimanche à lundi.

Par ailleurs, selon le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, 21 personnes ont été déférées au cours du week-end devant le parquet, avec une convocation devant le tribunal, et 20 d’entre elles ont été immédiatement incarcérées. Elles devaient être jugées lundi en comparution immédiate, au tribunal de Pointe-à-Pitre, où deux salles ont été exceptionnellement dédiées à la situation. Au moins 10 personnes supplémentaires devaient aussi être jugées en comparution immédiate. Pour autant, malgré cet apparent retour du calme, des points d’inquiétude apparaissent, notamment avec la révélation du cambriolage de la station des gardes-côte du côté de Pointe-à-Pitre, d’abord incendiée, et où des armes et 2000 munitions ont été dérobés.

Car des tirs continuent de retentir, surtout la nuit. «C’est ce qui m’a réveillée», explique Christina, une résidente de la ville de Gosier qui raconte comment elle a éteint un feu avec ses voisins à 3 heures du matin. Une barricade sporadique, comme bien d’autres un peu partout dans l’île. Restent tout de même plusieurs places fortes et des zones tenues fermement, alimentées par un «classement provisoire des barrages», qui tourne tous les soirs sur WhatsApp, et attribue des notes aux différents barrages avec des commentaires de «félicitations».

Il y a deux types de populations sur les barrages : ceux de la journée qui militent contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire, et ceux de la nuit, cagoulés, armés. C’est vraiment très ­distinct

Emmanuelle L., résidente de Sainte-Rose

Parmi les premiers de la classe, le rond-point proche de la caserne et du siège du Service départemental d’incendie et de secours de la Guadeloupe, ou encore ceux des communes de Capesterre-Belle-Eau, ou bien de Sainte-Rose, l’un des points les plus chauds de cette mobilisation. Cette dernière, située dans la région du Nord Basse-Terre, est «totalement bloquée, plus rien ne passe depuis plusieurs jours», témoigne Emmanuelle L., résidente de la localité. Elle précise que la commune est bouclée, sur ses deux entrées. Elle fait état de magasins alimentaires vides, où les produits frais ont tous disparu. «Pour le pain il ne reste que du pain au charbon, et la production s’arrête. Même chez mon primeur, il ne reste que des ananas, parce que les agriculteurs ne peuvent pas passer livrer les légumes», précise-t-elle.

Sur les réseaux sociaux, des vidéos tournent, devenues virales. On y voit la maire de Sainte-Rose empêchée de passer, pendant que la mairie a été ouverte de force et transformée en «maison du peuple». «Il y a deux types de populations sur les barrages: ceux de la journée qui militent contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire, et ceux de la nuit, cagoulés, armés. C’est vraiment très distinct», poursuit Emmanuel. Pour autant, rien ne traverse le barrage. Même les transporteurs médicaux, en charge de patients, ont du mal à passer, selon plusieurs témoignages, qui remontent d’autres barrages.

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Agressions et car-jacking

Un appel a d’ailleurs été lancé plusieurs fois par l’agence régionale de santé de l’île qui «alerte sur les agressions physiques subies par les professionnels de santé, alors qu’ils allaient soigner les pères, les mères et les enfants de Guadeloupe». Un communiqué énonce pêle-mêle, des menaces au fusil à pompe, des tentatives de car-jacking, «un médecin tenu en joue avec un fusil sur la tempe à la sortie de sa garde aux urgences», des caillassages de voiture mais aussi des agressions de pharmacien. L’ARS annonce également que des «plaintes sont systématiquement déposées et des poursuites seront engagées».

«Nous exigeons le retrait de l’obligation vaccinale, l’annulation des suspensions prononcées à l’encontre des professionnels de santé et l’arrêt de toutes les pressions et intimidations pratiquées par l’ARS et l’Assurance-maladie», indique le Lyannaj Santé Guadeloupe, collectif de praticiens de santé, formé pour l’occasion, pendant que les organisations militantes, par la voix d’Élie Domota fustigent la tenue de la réunion, lundi, entre les élus locaux «sortis brusquement de leur mutisme» et le premier ministre.

Pendant ce temps, la mobilisation fait tache d’huile. En Martinique, les syndicats ont entamé, eux aussi, une mobilisation générale, lundi matin: blocages, défilés dans les rues de Fort-de-France, sous l’œil amical des syndicats de Guadeloupe. «On travaille en concertation, on a déjà fait un lyannaj (alliance, en créole, NDLR) international sur le sujet de l’obligation vaccinale», rappelle Maïté Hubert M’Toumo, de l’UGTG.

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