Embarrassée, la Macronie contrainte de réagir sur la crise des carburants – Le HuffPost

Crise des carburants : Embarrassée, la Macronie contrainte de réagir
EMMANUEL DUNAND / AFP Crise des carburants : Embarrassée, la Macronie contrainte de réagir

EMMANUEL DUNAND / AFP

Crise des carburants : Embarrassée, la Macronie contrainte de réagir

POLITIQUE – « Cul par-dessus tête » pour éviter… le tête à queue. Emmanuel Macron ne voulait pas s’occuper des « négociations salariales chez Esso et Total », selon ses mots le 10 octobre dernier, formule imagée à l’appui, lors d’un déplacement en Mayenne. Sept jours plus tard, le voilà qui réunit la cheffe du gouvernement et une poignée de ministres pour faire un point de situation sur la crise des carburants. Le rendez-vous était donné ce lundi 17 octobre en fin d’après-midi à l’Élysée.

« C’est une réunion qui concerne l’énergie et le carburant, avec la volonté de donner une feuille de route », nous confie l’entourage du président de la République, quelques heures avant ce conciliabule stratégique. Objectif : que « cela se règle le plus vite possible », a exhorté Emmanuel Macron depuis le Mondial de l’auto, avant de recevoir ses ministres. Le décor est planté.

Une façon de reprendre la main ? Sans doute, tant la situation est périlleuse pour l’exécutif à la veille d’un mouvement social interprofessionnel et à l’heure où la pénurie de carburant ne donne aucun signe d’amélioration à la pompe. La situation peine à s’améliorer, avec toujours 28,1% des stations perturbées ce lundi soir, contre un peu plus de 30% la veille. Un chiffre qui a donc peu évolué en une semaine… et qui vient inévitablement donner des arguments à ceux qui accusent la Macronie de n’avoir rien vu venir.

« On a eu un retard à l’allumage »

Des critiques qui semblent résonner au sein de la majorité, malgré un relativisme largement partagé. « Il manquait d’anticipation la semaine dernière », regrette un pilier de l’exécutif, à l’unisson du député de l’Hérault Patrick Vignal qui nous parle de « retard à l’allumage ». Pas loin de la panne sèche.

L’élu Renaissance regrette, entre autres, les déclarations trop optimistes du porte-parole du gouvernement au début de la crise, et le manque d’engagement de son camp pour améliorer la situation. « Au moment où Olivier Véran dit que tout va bien, qu’il n’y a pas de pénurie, des gens se battent pour avoir de l’essence dans les stations », explique-t-il, en appelant ses collègues, à l’Assemblée ou ailleurs, à davantage « d’humilité. » Un conseil qui revient souvent dans la bouche de cet ancien socialiste très implanté, au fil des soubresauts et des mouvements sociaux, depuis 2017 et la première élection d’Emmanuel Macron. Message reçu ? Pas sûr.

« Il y a une envie que ça se débloque très vite, mais je ne crois pas du tout à un effet gilet jaune. »
Un pilier de l’exécutif

Dans la majorité, tous ne font pas la même analyse. Loin de là. Nombreux sont les parlementaires à cibler les « irresponsables » de la CGT, tout en estimant, en substance, que l’exécutif fait ce qu’il peut. « Il aurait fallu que le gouvernement, en amont d’une grève préventive, face une réquisition préventive ? », fait mine de s’interroger Caroline Janvier, élue Renaissance du Loiret, « ce n’est pas possible. Qu’est-ce qu’on aurait dit si l’État avait tout bloqué ? » Même avis pour sa collègue des Bouches-du-Rhône, Anne-Laurence Petel, pour qui « les choses ont été faites dans le bon ordre » dans cette crise.

Preuve en est, selon elles, la population ne tiendrait pas le gouvernement comme responsable de la situation actuelle, sur l’inflation ou la pénurie de carburants. « Les Français voient que c’est une crise subie, que tout le monde est dans la même galère », estime la députée sudiste, pas vraiment inquiète d’une possible agrégation des luttes. « C’est très identifié par les Français comme blocage et comme problème. On sait exactement d’où ça vient », croit également savoir notre source au sein de l’exécutif.

« Il y a une envie que ça se débloque très vite, mais je ne crois pas du tout à un effet gilet jaune », nous dit-il, en balayant ce spectre tenace sous la présidence Macron. Et pourtant… La colère couve selon les syndicats et la Nupes, tous deux gourmands à l’idée de voir cette colère sociale se déporter sur l’exécutif.

Le risque d’un embrasement ?

« Il faut être prudent », plaide un cadre de la majorité au Palais Bourbon à ce sujet, pour qui, si « la colère est plutôt contre les syndicats, ou Total » actuellement mais que « les choses peuvent vite tourner » contre le gouvernement. Parmi les indicateurs à surveiller du côté de l’Élysée et de Matignon : 79% des Français estiment que le chef de l’État et ses ministres « n’ont pas été à la hauteur de la situation », selon un sondage Elabe pour BFMTV publié le 12 octobre.

Surtout, pour certains, l’exécutif continue d’envoyer de mauvais messages. « Si l’État n’est pas capable de demander à des mecs qui se sont gavés, comme Total, de partager un peu, alors à quoi on sert ?  », s’agace ainsi Patrick Vignal à l’heure où le gouvernement prévoit de retoquer un amendement visant à taxer les super-dividendes, pourtant adopté par l’Assemblée nationale. « Je ne veux pas baisser les yeux devant les habitants de ma circonscription », souffle l’Héraultais, inquiet de voir le ministre de l’Économie « cliver » à ce sujet. Comme si la France, au «  bord du burn-out », avait besoin de ces symboles.

« Ça commence par un rond-point, puis deux ronds-points… Et on mettra un an pour l’arrêter. »
Patrick Vignal, député Renaissance de l’Hérault

Au ministère de l’Économie, on ne veut rien savoir de ces appels du pied. On parle même de « démagogie » alors que la France va récupérer « 26 milliards d’euros » de surprofits sur les énergéticiens dans le budget 2023, « soit bien plus que l’Espagne et l’Italie » en raison d’un accord passé avec les producteurs d’énergie renouvelables et de la nouvelle réglementation européenne qui s’applique dès l’an prochain. Pas question, donc de reprendre l’amendement du MoDem sur les superdividendes : « Ce serait détricoter toute notre politique économique depuis 2019. On a créé 1.5 millions d’emplois. Nous devons garder notre cap alors que la France est toujours l’État le plus taxé des pays de l’OCDE », argumente un conseiller de Bercy qui perçoit des « colères individuelles, mais pas d’agrégation ».

Pourtant, le député Vignal qui a longtemps entretenu un discours singulier dans la majorité à l’égard des gilets jaunes estime que le risque d’embrasement n’est pas si loin que cela. « Les Français sont usés », nous dit-il, en imaginant deux débouchés à cet état d’esprit : « Soit ils continuent dans une sorte de fatalité, soit, à un moment donné, il y a une étincelle supplémentaire, un Corbière, un Mélenchon, une affaire… Avec ce climat anxiogène, la société peut s’enflammer. » Et de poursuivre : « Ça commence par un rond-point, puis deux ronds-points… Et on mettra un an pour l’arrêter. » Une ligne jaune bien connue.

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