Elisabeth Borne a de nouveau recours au 49.3 pour faire passer l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale – Le Monde
Le temps est compté. A nouveau, la première ministre, Elisabeth Borne, a eu recours, mercredi 26 octobre dans la soirée, pour la troisième fois en une semaine, à l’arme constitutionnelle pour faire passer la suite du projet de budget 2023 de la Sécurité sociale.
Ce nouveau 49.3 permettra au gouvernement de choisir la version du texte sur laquelle il engage sa responsabilité, en plus de tenir les délais. Le projet de loi doit en effet passer en commission au Sénat mercredi 2 novembre, et l’Assemblée doit aussi s’emparer jeudi matin de la suite du budget de l’Etat, avec l’examen des crédits pour la justice puis la défense.
A compter du déclenchement du 49.3, les oppositions ont vingt-quatre heures pour déposer d’éventuelles motions de censure. L’alliance de gauche de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), partagée, ainsi que les députés Rassemblement national (RN) n’ont pas encore tranché la question. Si aucune motion n’est déposée dans ce délai, le texte sera considéré comme adopté.
« Regrettable que les bancs de la Nupes se soient vidés »
« Je trouve regrettable que les bancs de la Nupes se soient vidés par anticipation alors que je cite des mesures souhaitées, voulues, réclamées, parfois depuis longtemps par la gauche de cette Assemblée », a déclaré en soirée, devant l’Assemblée, Elisabeth Borne, alors que les députés de gauche, mais aussi ceux du RN, avaient déjà quitté l’Hémicycle.
Le texte final « tient compte de vos échanges en commission », a assuré Elisabeth Borne aux députés restants, peu après 23 h 30, affirmant que « plus de 150 amendements ont été retenus, de la majorité comme des oppositions ».
La cheffe du gouvernement a notamment cité des mesures pour le « meilleur financement des services à domicile », « l’accroissement des contrôles des Ehpad », « le renforcement de la permanence des soins », « une meilleure prise en charge des enfants en situation de polyhandicap » ou encore « la prise en charge à 100 % des prothèses capillaires pour les femmes atteintes de cancer ».
Invoquant les « 1 160 amendements restants » et « les délais fixés par la Constitution », elle a donc invoqué l’article 49 alinéa 3 de la Constitution sur l’ensemble du texte, qui permettra son adoption sans vote à 23 h 41 jeudi soir si une motion de censure n’est pas déposée d’ici là.
Députés échaudés
La saison parlementaire est déjà bien rythmée par les 49.3, qui permettent de faire passer sans vote les textes, sauf adoption d’une motion de censure. Privée de majorité absolue, la première ministre en a déjà déclenché deux la semaine dernière, sur les parties « recettes » des budgets de l’Etat et de la « Sécu », validées ainsi en première lecture.
Les députés en sont échaudés, d’autant que la plupart des amendements de l’opposition adoptés en séance n’ont pas été retenus au final. Mercredi, dans l’Hémicycle, Caroline Fiat (La France insoumise) a demandé si « un 49.3 va être dégainé ce soir et [si] rien ne sera repris » des amendements adoptés. « Ne nous faites pas travailler inutilement ! », a-t-elle plaidé auprès de la majorité et du ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe.
Les débats ont atteint leur pic de tension en fin de soirée, vers 23 heures. Après avoir demandé à plusieurs reprises, et sans succès, des prolongations et des séances supplémentaires pour examiner le millier d’amendements – une demande également formulée par Les Républicains –, les députés de la Nupes ont décidé de quitter l’Hémicycle.
« On ne souhaite pas participer à cette mascarade », a lancé le député communiste Pierre Dharréville. « Le gouvernement nous a autorisés à examiner neuf articles sur 53, il a fait son tri dans les amendements à sa convenance. Progrès social ? Non. Arnaque sociale et sanitaire », a-t-il ajouté. La cheffe de file écologiste, Cyrielle Chatelain, a, elle, demandé du « respect pour la représentation nationale ».
Le projet de budget de la Sécu anticipe une forte baisse du déficit, à 7,2 milliards d’euros en 2023 (contre 17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid-19. Il prévoit d’améliorer la prévention, avec des rendez-vous aux âges clés de la vie, et de réformer la formation des généralistes, en ajoutant une quatrième année avec des stages « en priorité » dans les déserts médicaux. Il entend également accroître la lutte contre les « abus » d’arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations.