Électricité, voitures électriques et heures super creuses : chronique d’une promesse instable

Sous-titre : Alors que le gouvernement français annonce de nouvelles mesures incitatives pour recharger les véhicules électriques à moindre coût, la réalité des prix de l’électricité, les revirements politiques incessants et l’état réel des infrastructures jettent une ombre sur l’avenir de la mobilité électrique. Enquête.

Une annonce séduisante : les heures « super creuses »

En mai 2025, le gouvernement propose un nouveau dispositif : des plages horaires dites « super creuses » pour recharger sa voiture électrique à prix réduit. Objectif affiché : encourager les Français à recharger leur véhicule pendant les périodes de faible tension sur le réseau, typiquement la nuit, les week-ends, ou les après-midis ensoleillés.

Sur le papier, la mesure a tout pour plaire : aligner les besoins en énergie de la mobilité sur les pics de production renouvelable, tout en abaissant la facture des automobilistes. Dans les faits, elle interroge sur sa faisabilité et sa sincérité.

Des prix de l’électricité qui explosent… malgré les promesses

Rappelons qu’en 2020, les autorités promettaient une électricité « abordable », portée par le nucléaire et les renouvelables. Or, entre 2021 et 2024, le prix du kWh pour les ménages a augmenté de près de 40 %. La crise énergétique post-Covid, la guerre en Ukraine, les tensions sur le marché européen de l’électricité, mais aussi les choix français (retards sur le nucléaire, obligations de vente à perte via l’ARENH) ont entraîné une flambée durable.

En 2023, une nouvelle hausse de 15 % avait frappé les particuliers, suivie d’une autre de 9 % début 2024. En 2025, bien que la courbe se stabilise légèrement, la facture annuelle moyenne d’électricité pour un ménage dépasse désormais les 1400 euros, contre 850 euros en 2019. Et la part de l’électricité dans le budget global des ménages croît sans cesse.

La voiture électrique : entre incitation, culpabilisation et instabilité

La politique en matière de véhicules électriques, elle, ressemble à une montagne russe réglementaire. Aides à l’achat renforcées puis réduites, prime à la conversion modifiée trois fois en deux ans, règles d’éligibilité aux bonus durcies sans préavis… Les automobilistes sont souvent désemparés.

Ajoutons à cela l’instabilité fiscale : menace de taxation des gros véhicules électriques (SUV), fin annoncée des tarifs réduits pour les flottes d’entreprise, mise en place de péages urbains dans certaines métropoles – autant de signaux contradictoires.

Même le maillage des bornes de recharge n’échappe pas à cette impréparation : fin 2024, seulement 130 000 bornes publiques étaient disponibles (sur les 400 000 promises pour 2030). Dans de nombreuses zones rurales ou périurbaines, trouver une borne fiable reste un parcours du combattant.

Ce que cachent les heures super creuses : un réseau sous tension

Le concept d’heures super creuses suppose que le réseau électrique est capable d’absorber une charge massive et décalée dans le temps. Or, la vérité est plus complexe.

La production renouvelable, certes en croissance, reste intermittente. Le solaire de l’après-midi n’est pas toujours synchronisé avec les besoins de recharge. Et le nucléaire, pilier historique du système, montre des signes de vieillissement : plusieurs réacteurs sont régulièrement à l’arrêt pour maintenance.

En réalité, cette mesure masque un enjeu plus fondamental : la nécessité de modérer la demande, faute de pouvoir adapter rapidement l’offre. C’est une gestion par la contrainte déguisée en avantage tarifaire.

Une projection à 2027 : vers un système à deux vitesses ?

En extrapolant les tendances actuelles, voici ce que pourrait être la situation en 2027 :

• Le prix moyen de l’électricité pourrait atteindre 0,35 à 0,38 €/kWh aux heures pleines. Les heures creuses resteront en dessous de 0,25 €/kWh, mais au prix de fortes restrictions d’usage.

• Les super-creuses seront réservées à une minorité de clients abonnés à des offres spécifiques, avec des horaires complexes et changeants, et soumis à des coupures automatiques en cas de saturation.

• Les bornes publiques seront plus nombreuses, mais leur tarif sera prohibitif en heures pleines : jusqu’à 0,60 €/kWh voire 0,75 €/kWh dans certaines stations autoroutières.

• Les classes moyennes et populaires, peu équipées en logement adapté à la recharge domestique, seront les grandes perdantes du système.

Autrement dit, l’usage économique de la voiture électrique sera réservé aux propriétaires de pavillon, bien équipés, informés, et disposés à organiser leur vie autour des nouvelles contraintes énergétiques.

Un gouvernement instable, des promesses périssables

En toile de fond, un constat : les politiques publiques en France changent tous les trois mois. Chaque alternance, chaque remaniement, chaque tension budgétaire se traduit par un changement de cap. Ce fut le cas pour les bonus écologiques, pour la fiscalité du diesel, pour les ZFE, pour les obligations de rénovation thermique. Pourquoi en irait-il autrement pour l’IA ou la mobilité électrique ?

Les automobilistes ont de plus en plus le sentiment d’être piégés par des promesses non tenues. On les pousse à investir dans une technologie, puis on modifie les règles du jeu, on retire les aides, on crée de nouvelles contraintes. Le résultat : méfiance, attentisme, sentiment d’être instrumentalisé.

Le vrai enjeu : la confiance, pas la technologie

Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas l’innovation technologique. Les voitures électriques sont de mieux en mieux conçues. Les logiciels de gestion de la recharge sont sophistiqués. L’IA permet d’optimiser les usages.

Ce qui manque, c’est la visibilité à long terme, la stabilité réglementaire, la clarté des intentions politiques. Et surtout : la prise en compte des réalités sociales. Une voiture électrique ne peut être une solution universelle si seuls certains profils de citoyens peuvent en tirer bénéfice.

Conclusion : le mirage électrique ?

Les heures super creuses ne sont pas une mauvaise idée en soi. Elles reflètent une logique de gestion fine du réseau. Mais elles illustrent aussi la limite d’une stratégie énergétique guidée par l’urgence et la communication.

Si la France veut réussir sa transition, elle devra faire plus que des annonces. Elle devra construire un modèle stable, prévisible, équitable. Et cela commence par regarder les usagers autrement que comme des courbes de charge ou des instruments de régulation.

Tant que la politique changera de direction à chaque saison, aucune IA, aucun compteur Linky et aucune borne rapide ne pourront restaurer ce qui s’est déjà perdu : la confiance.


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