Elections fédérales en Allemagne : l’article à lire pour comprendre les enjeux du scrutin et ses conséquences – franceinfo

Une page de seize années se tourne en Allemagne. Dimanche 26 septembre, 60,4 millions d’Allemands et d’Allemandes sont appelés aux urnes pour les élections fédérales du pays, qui ont lieu tous les quatre ans outre-Rhin. Ce scrutin viendra non seulement renouveler le Bundestag, la chambre basse du Parlement, mais également la chancellerie, haut lieu de l’exécutif tenu depuis 2005 par Angela Merkel. Franceinfo vous explique les enjeux et le fonctionnement de ces élections, capitales pour l’avenir de l’Allemagne et de l’Europe. 

Quel est l’enjeu de ces élections en Allemagne ? 

Ce scrutin fédéral est toujours une étape importante de la vie politique allemande, car il peut redessiner la chambre basse du Parlement. A l’heure actuelle, le Bundestag compte 709 sièges, dont 245 sont occupés par l’Union chrétienne démocrate (CDU), formation politique d’Angela Merkel, et par sa “petite sœur”, l’Union chrétienne sociale de Bavière (CSU). Vient ensuite l’autre grande force politique allemande, le Parti social-démocrate (SPD), avec 152 sièges, puis la formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), avec 87 sièges. Trois autres groupes parlementaires ont aussi leur place dans l’hémicycle : le parti libéral-démocrate (FDP), le parti La Gauche (Die Linke) ainsi que les Verts-Alliance 90. 

Particularité de cette année : celle qui incarne l’exécutif allemand depuis seize ans ne se représente pas. Angela Merkel quitte la chancellerie, et ces élections détermineront qui la remplacera à la tête de la première économie européenne. 

“La question centrale pour les électeurs, c’est de savoir qui sera le prochain chancelier.”

Nils Diederich, professeur de sciences politiques à l’université libre de Berlin

à franceinfo

Qui pourrait remplacer Angela Merkel ? 

L’incertitude règne à l’heure où les deux forces traditionnelles formant la “grande coalition” au gouvernement, la CDU-CSU et le SPD, sont en perte de vitesse. “Pour la première fois, nous n’avons pas vraiment de partis politiques forts. Et nous n’avons pas de sortant”, poursuit Thomas Gschwend, professeur de sciences politiques à l’université de Mannheim (Allemagne).

Trois candidats principaux ont émergé lors de cette campagne : Armin Laschet pour la CDU-CSU, Olaf Scholz pour le parti social-démocrate et Annalena Baerbock, la candidate des Verts. 

A droite, Armin Laschet, 60 ans, est le président fédéral de la CDU depuis janvier. Ancien député (pro)européen et ministre, celui qui a grandi près d’Aix-la-Chapelle est aujourd’hui ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’Etat fédéré le plus peuplé d’Allemagne. 

A sa gauche pour le SPD, Olaf Scholz, vice-chancelier d’Allemagne et actuel ministre des Finances d’Angela Merkel. A 63 ans, cet ancien étudiant en droit du travail et membre des Jeunes socialistes a lui aussi une carrière politique étoffée derrière lui, du Bundestag à la mairie de Hambourg. Il représente l’aile droite du parti social-démocrate. 

Annalena Baerbock, elle, est née en 1980, l’année de naissance de son parti politique, souligne la BBC*. Bercée aux manifestations anti-nucléaire, elle a étudié le droit et la politique avant de rejoindre les Verts au Parlement européen. La candidate écologiste est députée au Bundestag depuis 2013. 

Et ces candidats, que proposent-ils ? 

La CDU d’Armin Laschet propose notamment de réduire la taxation des revenus faibles et modérés, tout en refusant de réintrodure un impôt sur la fortune. Elle s’engage à atteindre la neutralité carbone en 2045, précise l’institut pour les études allemandes contemporaines de l’université Johns-Hopkins*, aux Etats-Unis.

Olaf Scholz, du SPD, prône cette même échéance pour la neutralité carbone, mais également l’augmentation du salaire minimum à 12 euros de l’heure, ainsi qu’un accès facilité aux logements à prix modéré.

La candidate des Verts, Annalena Baerbock, souhaite un programme de protection du climat enclenché sans attendre, une évaluation systématique de la durabilité des investissements, ainsi qu’une loi assurant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. 

Au fait, comment on vote en Allemagne ? 

Le 26 septembre, les Allemands auront non pas une, mais deux cases à cocher sur leur bulletin de vote. Ils voteront tout d’abord, dans leur circonscription, pour un candidat ou une candidate au Bundestag (l’équivalent d’un député français). Ce premier vote est uninominal majoritaire à un tour : celui ou celle qui l’emporte est garanti d’avoir un siège au Parlement. C’est ainsi que 299 députés – pour 299 circonscriptions – sont élus. 

L’autre partie du Bundestag est désignée grâce au deuxième vote, proportionnel cette fois-ci, au cours duquel les Allemands choisissent un parti politique. Les sièges restants sont affectés en fonction des pourcentages réalisés par chaque formation – à la condition d’obtenir au moins 5% des voix. 

Ce système à deux votes est “l’héritage de l’échec de la République de Weimar, on a voulu mettre en place des garde-fous”, souligne Elisa Goudin, maîtresse de conférences en civilisation contemporaine au département d’études germaniques de l’université Paris 3. “C’est l’idée d’un vote équilibré, à la fois la stabilité du scrutin uninominal pour dégager des majorités claires et la représentativité de la proportionnelle”, développe le chercheur Paul Maurice, du comité d’études des relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (Ifri). 

“On arrive ainsi à avoir une représentation qui semblait la plus fidèle aux opinions des Allemands.”

Elisa Goudin, maîtresse de conférences à l’université Paris 3

à franceinfo

Dans le cas où un parti obtiendrait davantage de sièges qu’il ne devrait, du fait du premier vote, un système compensatoire augmente alors le nombre de sièges au Bundestag (en principe de 598) pour les autres partis. 

Pourquoi risque-t-on d’attendre pour connaître le nom du futur chancelier ? 

Après l’élection, vient un temps plus ou moins long de négociations pour la formation d’une coalition. Le soir du 26 septembre, “nous saurons à quel pourcentage sont les trois principaux partis, nous saurons qui est en tête”, mais la future coalition restera inconnue, résume Elisa Goudin. 

Combien de temps ces négociations entre partis prendront-elles pour obtenir une coalition ? “Qui sait !”, lance Nils Diederich, lui-même ancien député social-démocrate de 1976 à 1994. “Pour la première fois, ni les sociaux-démocrates ni les chrétiens-démocrates ne peuvent former une coalition à deux forces politiques” et avoir une majorité, souligne le politologue. Même la “grande coalition” obtiendrait moins de 50% des sièges, d’après les projections de Politico*. Une coalition rassemblant trois forces (et quatre partis donc, en prenant en compte la CSU) semble l’issue la plus probable. 

“Je ne suis même pas sûr que nous aurons un gouvernement à Noël”, juge Thomas Gschwend. A la suite des précédentes élections en 2017, le nouveau gouvernement avait été formé… en mars 2018, après l’échec de négociations entre la CDU, les Verts et le FDP. 

Et quelles pourraient être les coalitions possibles ? 

Dans le cas où le SPD se maintiendrait en tête dimanche soir – il recueille actuellement 25% des intentions de vote, d’après Politico* – “il a[urait] deux grandes possibilités”, explique Paul Maurice : une coalition avec les Verts et les libéraux-démocrates (respectivement à 16% et 11% des intentions de vote), ou un gouvernement plus marqué à gauche, avec les écologistes et le parti Die Linke. Autre option : le renouvellement d’une grande coalition avec la CDU, accompagnée d’un troisième parti comme les Verts. “Olaf Scholz n’a pas fermé ces différents scénarios”, relève le chercheur de l’Ifri. 

La CDU, actuellement deuxième avec 22% des intentions de vote, “tentera de former une coalition aux couleurs de la Jamaïque”, c’est-à-dire avec les libéraux-démocrates et les Verts, imagine Thomas Gschwend. Ces deux formations, quoi qu’il arrive, s’annoncent décisives dans les tractations. 

Comment s’est déroulée la campagne ? 

Au cours du printemps, la campagne a été marquée par une poussée non négligable des Verts, passés de 19% à 25% des intentions de vote entre début mars et début mai, au point de dépasser la CDU. La candidate écologiste, Annalena Baerbock, a toutefois subi plusieurs revers par la suite, accusée d’avoir des imprécisions (voire des erreurs) sur son CV puis d’avoir plagié plusieurs extraits pour son livre. Pour Thomas Gschwend, “elle aurait pu être une excellente candidate si elle avait eu des professionnels pour gérer sa campagne”. 

“Son discours d’idées nouvelles, de faire les choses différemment peut marcher, mais il faut être professionnel. Ce n’était pas le cas.”

Thomas Gschwend, professeur de sciences politiques à l’université de Mannheim

à franceinfo

Armin Laschet, parti à 36% en début d’année, avait l’avantage de s’inscrire dans la suite logique d’Angela Merkel. Mais il n’a pas réussi à convaincre, estime le politologue. Le chef de file de la CDU a pâti de ses gaffes, comme ce rire en pleine visite dans une ville ravagée par les inondations. “Il n’a pas un thème fort, il change d’avis, comme sur l’accueil des réfugiés ou le Covid-19”, poursuit Elisa Goudin, ajoutant qu’il est “très différent” d’Angela Merkel. Finalement, “c’est presque le social-démocrate qui apparaît comme son successeur”. 

C’est d’ailleurs la carte que joue Olaf Scholz, dont le parti est sensiblement remonté dans les sondages depuis fin juillet. “Les gens ont commencé à considérer Scholz comme celui à qui l’on peut faire le plus confiance, celui qui est le plus proche de Merkel. Le SPD s’est dit qu’il y avait là une opportunité”, analyse Thomas Gschwend. 

Et sinon, que retiendra-t-on du bilan d’Angela Merkel ? 

Déjà, sa longévité ! En seize ans, Angela Merkel a côtoyé pas moins de quatre présidents français. La chancelière allemande est également connue pour plusieurs décisions majeures, comme son choix de sortir l’Allemagne du nucléaire, seulement deux mois après la catastrophe de Fukushima au Japon, en 2011. On retiendra également d’elle sa politique d’accueil des réfugiés en 2015, avec cette phrase lancée à toute l’Allemagne : “Wir schaffen das” (“Nous y arriverons”).

D’autres garderont à l’esprit sa grande fermeté à l’égard de la Grèce en 2012, dans un contexte de grave crise de sa dette publique. La chancelière allemande a refusé l’option d’une annulation de cette dette, appelant plutôt à un plan d’austérité. 

Je n’ai pas eu le temps de tout lire, vous me faites un résumé ? 

Dimanche 26 septembre ont lieu les élections fédérales allemandes, qui renouveleront la chambre basse du Parlement, le Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale française. Ce scrutin va également déterminer qui remplacera Angela Merkel au poste de chancelier. Mais surtout, c’est de ce scrutin que découlera la formation de la future coalition qui gouvernera la quatrième puissance économique mondiale. Les négociations, qui débuteront dès l’officialisation des résultats, s’annoncent longues, les deux principales formations politiques – la CDU et le SPD – n’obtenant pas de majorité à elles deux. Une coalition de trois forces politiques s’annonce l’issue la plus probable. 

*L’ensemble de ces liens renvoient vers des pages ou articles en anglais.

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