Election du président des Républicains : Eric Ciotti ou Bruno Retailleau ? Le jeu des six différences entre le – franceinfo

D’un côté, Eric Ciotti défend une ligne de droite dure, libérale économiquement et qui assume des propositions radicales sur l’immigration et la sécurité. De l’autre, Bruno Retailleau, souverainiste assumé, tente de rivaliser sur les sujets régaliens, tout en incarnant l’aile conservatrice de LR.

Qui sera le prochain président des Républicains ? Les adhérents de LR doivent choisir, dimanche 11 décembre, qui, d’Eric Ciotti ou de Bruno Retailleau, prendra la tête du parti de droite. Lors du premier tour de l’élection interne, le premier est arrivé en tête avec 42,73% des voix, devant le patron des sénateurs LR (34,45%) et le député du Lot Aurélien Pradié (22,29%). Le deuxième tour voit donc s’affronter le député des Alpes-Maritimes et l’ex-bras droit de François Fillon. Franceinfo se livre au jeu des six différences.

1 Sur l’économie, Ciotti défend une ligne plus libérale

Avec la proposition d’une baisse massive des impôts et la suppression de l’impôt sur les successions, Eric Ciotti défend une ligne très libérale. Il plaide pour un “choc fiscal” allant vers un taux unique d’imposition sur le revenu (“flat tax”) et des économies “sur l’Etat social” ainsi qu’“un plan de sobriété bureaucratique”. Il propose ainsi “de ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, uniquement dans les fonctions support et administratives”. Il souhaite aussi, selon son programme, “assumer une réforme des retraites qui consistera à travailler davantage”, avec soit un report de l’âge légal à 65 ans, soit un allongement de la durée de cotisation de 43 à 45 ans.

De son côté, Bruno Retailleau propose aussi des baisses d’impôts, mais il les conditionne à une baisse de la dépense publique. Il prend soin également de ne pas apparaître comme le “candidat des riches”. Le sénateur LR propose “la fin des 35 heures par le référendum d’entreprise”, “la débureaucratisation de l’Etat” ou encore un report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans au moins.

Les deux candidats se rejoignent cependant sur certains points, comme sur la mise en place d’une allocation sociale unique plafonnée à 75% du smic.

2Sur les questions de société, Retailleau apparaît plus conservateur

Bruno Retailleau assume une ligne sociétale plus conservatrice que son concurrent. “Contre les délires pédagogistes, nous voulons des programmes concentrés sur les savoirs fondamentaux et l’uniforme à l’école”, détaille-t-il ainsi dans son programme. Fortement engagé dans le mouvement de la Manif pour tous pendant le quinquennat de François Hollande, il dénonce “la peur du politiquement correct et de la bien-pensance”.

Il propose dans son programme “l’universalité des allocations familiales” et le refus de “la marchandisation du corps”. Sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, il a fustigé “un débat que l’extrême gauche importe des Etats-Unis”. Face à lui, Eric Ciotti prend soin d’incarner une ligne plus moderne.

“La droite ne doit pas être ringarde, elle doit être en phase avec la société.”

Eric Ciotti

lors du débat du premier tour

Sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, le député des Alpes-Maritimes n’a pas pris part au vote à l’Assemblée. “Je pense que dans ce débat, il faut qu’on revendique la loi Veil”, a-t-il ainsi déclaré lors du débat sur LCI.

3 Une réaction divergente sur la sortie raciste du député du RN Grégoire de Fournas

Au cours de la campagne, un événement a souligné une différence entre les deux candidats. Au moment de la sortie raciste du député RN Grégoire de Fournas à l’Assemblée, qui a lâché “qu’il(s) retourne(nt) en Afrique” lors d’une intervention du député LFI Carlos Martens Bilongo sur les migrants en Méditerranée, les deux parlementaires LR n’ont pas réagi de la même manière. Eric Ciotti a presque surpris son camp en dénonçant des propos “d’une extrême gravité”, quand Bruno Retailleau n’a “pas voulu condamner la fameuse phrase qui était maladroite”. “On n’attend pas de la droite française qu’elle rétablisse je ne sais quel cordon sanitaire”, a-t-il estimé. Une position qui lui a permis de marquer des points auprès de certains militants.

Pour le reste, les deux candidats défendent une vision très ferme sur les questions régaliennes, et notamment sur l’immigration. Lors du débat sur LCI, Eric Ciotti a demandé à l’Etat de n’accorder “aucun droit pour les clandestins, ni logement, ni allocation, ni école”. Bruno Retailleau a lui dénoncé les “pompes aspirantes” de l’immigration et réclame l’organisation d’un référendum sur l’immigration. Le sénateur vendéen tente ainsi de ne pas laisser le champ libre à Eric Ciotti qui s’est démarqué depuis plusieurs mois avec sa fermeté affichée sur les questions régaliennes.

Par ailleurs, l’entourage de Bruno Retailleau n’hésite pas à tacler Eric Ciotti concernant son obsession des sujets régaliens : “La droite doit parler de tout, pas que de sécurité et d’immigration. La droite c’est aussi l’école, l’écologie, la souveraineté, le malaise démocratique. C’est une vision à 360 degrés, pas un truc monomaniaque.”

4Pour 2027, Ciotti roule pour Wauquiez

“Ce qui est important, c’est de sortir de l’ambiguïté dès aujourd’hui. Pour moi, ce sera Laurent Wauquiez”, répète Eric Ciotti dans les colonnes du Figaro. Le député a fait toute sa campagne sur l’idée d’une candidature Wauquiez décidée dès 2023 pour la prochaine présidentielle, afin de régler une bonne fois pour toutes la question de l’incarnation. Un choix jugé prémédité par Bruno Retailleau. Le sénateur estime que désigner en 2023 un candidat à la présidentielle de 2027 “ne sera bon ni pour le parti, ni pour le candidat”, parce qu’“on va l’exposer trop tôt”. Il préfère attendre les prochaines élections européennes, en 2024.

“Si on trébuche aux européennes, on l’électrocute.”

Bruno Retailleau

Lors du débat sur LCI

Sans défendre ouvertement l’idée d’une primaire, il souhaite donner la parole aux militants. “Je n’accepte pas que notre candidat soit désigné par quelques chapeaux à plumes au bureau politique”, explique-t-il au Figaro. Pour se démarquer, Bruno Retailleau répète à l’envi que “la marque LR est morte” et promet un “inventaire” de LR. “Si on se contente de ripoliner la façade du parti, on est morts. Il faut tout changer”, a-t-il expliqué pendant la campagne. “En 2027, on verra si on est mort ou pas, aujourd’hui, on bouge encore”, lui a répondu Eric Ciotti, lors du débat sur LCI.

Les deux candidats se rejoignent néanmoins sur le rôle de leur parti, qui doit être ni “une béquille de Marine le Pen”, ni un “marchepied d’Emmanuel Macron”, selon les mots de Bruno Retailleau. Face aux souhaits de certains de voir une alliance entre LR et Emmanuel Macron, le sénateur propose dans Le Parisien de soumettre la question aux militants via un référendum interne.

5Un bébé RPR contre un ancien proche de Philippe de Villiers

Eric Ciotti a grandi au sein des partis de la droite classique et aime le rappeler. “J’ai adhéré au RPR à l’âge de 16 ans parce que je sentais au plus profond de moi-même que la grandeur de la France associée au gaullisme me transcendait”, raconte l’intéressé au Figaro. A 23 ans, à la fin des années 1980, il est repéré par Christian Estrosi qui lui propose de devenir son assistant à l’Assemblée. Il poursuit sa carrière à l’UMP et notamment derrière Nicolas Sarkozy, qu’il tente aujourd’hui de ne pas trop égratigner. “Il avait su redonner la fierté d’être de droite. Aujourd’hui, je ne partage en rien son analyse sur la dangereuse alliance avec le macronisme mais cela n’enlève pas le respect”, explique l’élu de 57 ans au Figaro.

A l’inverse, Bruno Retailleau ne retient pas ses coups contre l’ancien président. “Si Nicolas Sarkozy souhaite quitter LR, qu’il le fasse. Je ne le retiendrai pas”, a-t-il lancé sur Europe 1. Le sénateur de 62 ans n’a d’ailleurs pas le même parcours qu’Eric Ciotti. Souverainiste assumé, il n’est pas issu de la droite classique et n’a rejoint l’UMP qu’en 2012. Il a fait ses premiers pas en politique dans l’ombre de Philippe de Villiers. Mais en 2009, les tentatives de débauchage du Premier ministre François Fillon entraînent une violente rupture entre les deux hommes. Le Vendéen se rapproche alors de François Fillon, au point d’intégrer sa garde rapprochée lors de la campagne présidentielle de 2017.

6 Sur le style, Retailleau joue les rassembleurs

“La droite c’est le rassemblement des trois droites de l’historien René Rémond. Mon profil permet mieux de faire ça”, confie Bruno Retailleau à France Télévisions. Fort de son expérience du compromis au Sénat où il préside le groupe LR, le conservateur a d’ailleurs engrangé des soutiens venus d’horizons divers, de Gérard Larcher à François Fillon, en passant par François-Xavier Bellamy. Après le premier tour, Xavier Bertrand lui a également apporté son soutien. Bruno Retailleau insiste ces dernières semaines sur sa capacité de dialogue, lui qui travaille avec les centristes au palais du Luxembourg. Il vante sa rondeur dans l’approche des dossiers pour mieux cibler la dureté affichée par Eric Ciotti.

“On a des tempéraments différents. J’aime le débat d’idées, j’ai écrit des bouquins. Eric pense que le chef, c’est tout, moi je pense que les idées précèdent l’incarnation.”

Bruno Retailleau

à France Télévisions

Le langage musclé et clivant d’Eric Ciotti plaît en tout cas à une partie de la droite, mais inquiète parmi certains élus LR, qui redoutent une fuite des modérés en cas de victoire de l’élu des Alpes-Maritimes. Le patron des Centristes, Hervé Morin, a déjà annoncé dans le JDD que l’élection d’Eric Ciotti constituerait une “ligne rouge” qui pourrait remettre en cause son alliance avec LR. “Eric s’est enfoncé dans sa propre caricature depuis la primaire de l’an dernier. C’est pour ça qu’il fait peur à tant de gens”, tacle l’entourage de Bruno Retailleau.

Le député LR des Alpes-Maritimes s’agace de son côté de voir l’ancien bras droit de François Fillon se présenter en candidat de l’unité. Il s’appuie pour sa part sur le soutien de Laurent Wauquiez et de la majorité des députés du groupe LR. Il a par ailleurs peu apprécié les propos de Bruno Retailleau lors de la campagne sur son positionnement jugé trop à droite. En privé, il raconte avoir passé un coup de fil à son concurrent pour le sermonner : “Mais attends Bruno, tu es beaucoup plus à droite que moi !”

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