
Élection de Bardella, fronde interne : la folle journée du Rassemblement national – Le Figaro

Élu à 84,84% à la tête du Rassemblement national, Jordan Bardella a dû faire face à une fronde interne qui a éclaté durant le XVIIIe Congrès du parti.
Jeu de lumières, musique au maximum et public en transe. Jordan Bardella, lèvres pincées et mains jointes en signe de remerciement monte sur scène. Ce samedi, à l’occasion du XVIIIe Congrès du Rassemblement national, l’eurodéputé de 27 ans est élu président du parti, avec 84,84% des suffrages. Il succède ainsi à Marine Le Pen et acte le début de l’ère d’un parti lepéniste sans un Le Pen à sa tête. Il n’est que 17h30, mais la journée a déjà été longue pour Jordan Bardella. Tout devait se dérouler comme prévu, dans la symbolique Maison de la Mutualité, au cœur du Ve arrondissement parisien. En fin de matinée, après un discours de Marine Le Pen, qui a réassuré son plein engagement, les résultats du vote ont été annoncés, sacrant le jeune dauphin président du parti à la flamme. Peu de temps après, la nouvelle composition des instances dirigeantes a été dévoilée.
C’est là que les choses se gâtent. Si le défait de l’élection interne, Louis Aliot, a conservé un poste clé, nommé premier vice-président du parti, certains de ses proches, en revanche, ont été évincés. C’est le cas du maire d’Hénin-Beaumont, Steeve Briois (pourtant arrivé 4e au Conseil national, sorte de parlement interne du RN), et du député Bruno Bilde, tous deux proches de Marine Le Pen et représentants de la cellule historique du marinisme. Une petite révolution interne qui a eu l’effet d’une bombe et provoqué un remous interne quelques heures seulement après le sacre du nouveau président. L’édile du Nord s’est aussitôt fendu d’un communiqué de presse assassin, dénonçant une «re-radicalisation» du parti. «Je regrette que des années de dédiabolisation soient en train d’être réduites à néant, avec comme seul but de plaire à une minorité électorale», écrit-il, pointant du doigt «l’adoption de postures droitardes contraires au ni droite ni gauche qui a prévalu au Front National.» Et de conclure, justifiant son choix de ne pas avoir accepté la place que lui avait proposée Jordan Bardella au Bureau national : «Cela n’aurait été qu’un prétexte pour ne pas avouer ce qui s’apparente davantage à un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale.»
«Jordan Bardella avait promis de rouler avec un char Leclerc sur leur mairie, c’est chose faite», s’amuse un observateur. Psychodrame au Rassemblement National, et déjà une fronde interne alors même que le nouveau président n’a pas encore prononcé son discours d’intronisation. «Deux frondeurs sur 36.000 votants, on a connu pire», réagit l’entourage de Jordan Bardella, ajoutant que ce dernier a proposé, la veille, à Bruno Bilde et Steeve Briois d’intégrer les instances, et que ces derniers auraient refusé. La veille, Jordan Bardella s’est effectivement entretenu avec Bruno Bilde, lui proposant de renouveler sa place au sein du Bureau national, mais de «le dégager», en revanche, du Bureau exécutif. «Je lui ai fait savoir qu’à 46 ans j’avais passé l’âge de recevoir un hochet, et ai donc refusé», indique l’intéressé. «Ils sont à l’origine du marinisme municipal, le fait qu’ils ne soient pas dans les instances dirigeantes interroge. Steeve Briois arrive 4e au Conseil national, je ne vois pas comment il peut ne pas être au BE», a pour sa part commenté Louis Aliot.
Dans l’après-midi, alors que des tables rondes se tiennent dans la Maison de la Mutualité, à l’extérieur, les choses bougent. Les journalistes se pressent autour de Steeve Briois et Bruno Bilde. L’un s’inquiète au micro de BFMTV de «revoir débarquer au sein du RN des fous furieux qui ne soient obsédés que par une chose : l’identité.» L’autre évoque le risque, pour les dissidents, de se voir durement sanctionnés, voire exclus du parti. Du côté du nouveau président, on brandit l’argument des chiffres. «Il n’y a aucune contestation : Jordan Bardella a 85% du parti avec lui, les chiffres parlent d’eux-mêmes», coupe court son entourage. Et d’ajouter : «On n’allait quand même pas nommer dans l’instance la plus importante quelqu’un qui a traité Jordan Bardella de «petit con» au cours d’une CNI, ou le bloque sur Twitter.»
Les cadres qui prennent connaissance du communiqué de presse en même temps que la presse se lancent dans une opération déminage. «Il y a toujours des déceptions dans ce genre d’élection, ce n’est pas nouveau», tempère Thierry Mariani devant une poignée de journalistes. «Jordan Bardella a été élu à 85%, insiste Laurent Jacobelli. C’est une erreur d’analyse de la part de Steeve Briois, et la dérive qu’il dénonce est clairement fausse. Il n’y a pas d’éviction ou de page qui se tourne, Steeve Briois reste maire d’Hénin Beaumont et membre du parti, mais en politique, on n’a pas de poste à vie, et il faut savoir passer le relais à certaines personnes.»
Jordan Bardella, lui, ne réagit pas. À 17h30, il se contente de monter sur scène, les yeux humides, pour prononcer son discours d’intronisation, succédant à l’allocution de Louis Aliot. Sur la fronde, il ne dit mot, et préfère assurer à ses militants : «Le RN doit être une communauté militante soudée par l’amitié et le sens des responsabilités, cette attitude doit prévaloir. Entre nous il n’y a pas de clan, seulement des camarades.» Et d’enchaîner sur un long discours, évoquant les défis qu’il devra affronter en tant que chef de parti, sa volonté de faire émerger une nouvelle génération, sans oublier de mentionner Marine Le Pen. «Au fil des ans j’ai appris que Marine Le Pen était celle qui allait nous faire passer du statut d’éclaireurs à celui de bâtisseurs, déclare le nouveau président frontiste. Nous continuerons à marcher sur nos deux pieds : en prenant en considération l’urgence de la fin du mois et celle de la fin de la France.» Et d’ajouter : «Avec nous la France éternelle, ce legs qui vient du fond des âges, odyssée humaine, linguistique, culturelle et civilisationnelle ne s’éteindra jamais.» Le discours s’achève sous une pluie d’applaudissement, de paillettes et sur les notes de la Marseillaise. Les militants quittent la salle, peu à peu. Jordan Bardella, lui, fonce dans un taxi pour rejoindre les locaux de TF1, où il est l’invité, ce soir, de son premier 20 heures.
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