Edge, annexe du Cloud ? ou l’inverse !

Edge, annexe du Cloud ? ou l'inverse !

L’Edge est le terme en vogue pour parler des infrastructures informatiques locales, donc non centralisées dans un Cloud, mais au contraire proches du terrain, dans les usines, les magasins, les camions, les avions où même les maisons. GreenSI est retourné voir l’avancement de ces projets en 2021, après un billet sur la nécessaire gestion des données locales en 2020.

Autant le Cloud a été un aspirateur géant des données personnelles,  autant l’Edge se préfigure comme celui où se créera la majorité des données industrielles et où elles vont rester.

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En effet, le coût financier et énergétique de “remonter” les données vers le Cloud, et la tarification des fournisseurs à faire payer cher leur sortie une fois arrivées, est à la fois une incitation à les laisser en local et un piège financier pour ceux qui se seraient laissés charmer par la centralisation. Car ne nous leurrons pas, le marketing des opérateurs de Cloud pour inciter à y stocker toutes les données, qui a réussi à nous faire douter d’une autre approche, n’est que le reflet de la guerre intense que se livrent ces opérateurs entre eux, pour verrouiller sur leur plateforme, le plus d’entreprises sur un marché en croissance à deux chiffres. Un marché dominé par les américains et les chinois.

Un autre argument pour les infrastructures locales est justement celui de la souveraineté, amené par les besoins numériques du secteur public, pour ne pas être dépendant des plateformes d’acteurs étrangers. L’Edge est certainement une réponse, même si en cherchant bien on trouve des services Cloud tout à fait de confiance dans chaque pays européen, et notamment en France, avec entre autres, Outscale, OVH ou Docapost.

Cette idée de centraliser les données pour mieux les traiter est devenue obsolète.

Aujourd’hui la capacité des objets connectés à traiter les données se développe avec des puces toujours plus puissantes. Par exemple, on peut déjà acheter une caméra avec un processeur intégré qui analyse les images en temps réel et ne remonte dans le Cloud que les déductions que ses algorithmes auraient effectués (par exemple un nombre de piétons dans une rue sur les 5 dernières minutes) et non tout le flux vidéo. Non seulement c’est plus performant, mais en plus c’est plus simple de respecter le RGPD en évitant de transférer des images de l’espace public.

Donc que ce soit pour des raisons économiques, écologiques, souverainistes ou pragmatiquement pour de la performance, le modèle de la centralisation du Cloud va devoir composer avec une autre approche : l’Edge computing. Cette autre approche porte l’idée d’un environnement de communication, de stockage et de calcul ambiant, disponible là où se passe l’action, sur le terrain !

Mais l’Edge ne doit pas être un retour en arrière vers les datacenters et les communications des années 80s. Le Cloud a démontré la pertinence de l’automatisation de la création d’infrastructures de services automatisées, là où le datacenter du DSI de l’époque reposait sur une grande hétérogénéité d’environnements le conduisant à beaucoup de tâches manuelles.

Les projets de développement de l’Edge, portent donc sur l’adaptation des standards qui ont fait la force du Cloud – scalabilité, HTTPS, locatif – à des infrastructures locales, et en adoptant en priorité l’open source, les écosystèmes, pour favoriser le déploiement sur tout type de machine ou d’objets connectés. On va donc voir émerger des infrastructures numériques ressemblant à du Cloud mais distribuées sur des infrastructures locales, intégrant un environnement de convergence Wi-Fi et à terme 5G. 

Ces infrastructures locales vont aussi devenir intelligentes, réactives et indépendantes des grands industriels du Web, par l’adoption de nouveaux environnements DNS sur l’environnement local Edge (DNS over HTTPS). Donc sans passer par les serveurs des GAFAs qui trustent ces serveurs d’orientation DNS de l’Internet et pourraient les exploiter dans le cadre de collecte de données d’intelligence économique…  

On pourrait également penser que le développement des moyens de communication comme la 5G vont renforcer la capacité à remonter des données dans le Cloud. Mais la 5G ouvre également le moyen de faire communiquer les objets en eux sans latence, et d’interconnecter des systèmes autonomes au niveau local.

L’Edge est donc bien identifié comme une menace par les opérateurs du Cloud. Mais également comme un territoire de conquête (la meilleure défense reste l’attaque !) pour offrir un environnement Cloud et Edge unifié… sur leur environnement.

Par exemple Google Cloud axe sa stratégie autour des opérateurs de télécommunications pour monétiser la 5G en tant que plate-forme de services professionnels et améliorer l’efficacité opérationnelle de leurs systèmes de télécommunications. Ou comment se rapprocher des installations des clients en maîtrisant leur réseau…

Les architectures de l’Edge se dessinent sur quatre niveaux :

  • Les centres de données (datacenters) qui sont maintenant distribuées sur la périphérie des réseaux et non centralisés. En priorité pour traiter tous les besoins non compatibles avec le Cloud, notamment pour garder des temps de latence faible (pour le temps réel) ou quand les volumes sont élevés (vidéos, photos HD).
  • Le “Fog Networking” pour gérer les flux de données provenant des objets connectés, pour les pré-traiter  et les réduire, avant de les envoyer vers un Cloud central. L’innovation est dans la virtualisation des équipements réseaux et non l’utilisation d’équipements physiques, les vCPE (virtual Customer Premises Equipment) qui utilisent les centres de données répartis. 
  • Dans le cas de la 5G, les centres de données MEC (Mobile/Multi-access Edge Computing) des opérateurs permettent de virtualiser de nombreux équipements télécom et d’introduire de nouveaux services qui concernent l’Internet des objets avec une haute fiabilité et de très hauts débits en mobilité.
  • Enfin, le dernier niveau concerne des « minuscules » centres de données (Skin) qui se situent tout près de l’utilisateur, voire sur l’utilisateur. Il s’agit de petits serveurs puissants, légers et autonomes pour consommer très peu d’énergie puisqu’ils peuvent être mobiles et suivre les utilisateurs, par exemple les pompiers lors d’un incendie où une équipe d’agent de voirie dans une ville intelligente.
    Les avantages proviennent du temps de latence extrêmement court, de leur faible consommation énergétique et de leur mobilité sans compter leur sécurité en les déconnectant de l’Internet grâce à leur autonomie, dès que nécessaire. 

Comme le Cloud, l’Edge est un accélérateur de la transformation digitale qui va permettre d’amener la communication, les données et la puissance de calcul, de façon chirurgicale sur le terrain, là où on en a besoin. Des services applicatifs vont se développer pour amener la même productivité de mise en œuvre des applications sur l’Edge que sur un Cloud.

Alors à quoi pourrait bien servir ce type d’infrastructure, seule ou en combinaison avec un Cloud et ses applications natives ? 

Illustrons un usage qui peut en tirer bénéfice, celui du pilotage des usines porté par la tendance de l’usine 4.0, dans laquelle GreenSI voit tout à fait le développement de la 5G non grand public.

Commençons par une anecdote qui remonte à plusieurs années lors d’une visite d’une usine de production de composants électriques très automatisée.

J’ai pu y voir une application de supervision d’une machine qui permettait de créer un tableau de bord de supervision dans le Cloud, accessible a des opérateurs hors de l’usine. Mais très vite, on a réalisé que le premier à pouvoir exploiter cette information était, je vous le donne en mille, l’opérateur de la machine !

On a alors mis un écran au-dessus de la machine visible de l’opérateur, et l’amélioration de la production a été immédiate. On peut donc sourire d’un tel système qui remonte dans le Cloud des données de la machine, pour les restituer à l’opérateur, à côté de la machine. C’est tout l’enjeu de l’Edge que de retrouver un équilibre plus vertueux avec le Cloud, pour le plus grand bénéfice de la performance économique mais aussi environnementale et l’évolution vers un numérique responsable.

Dans cette usine, l’utilisation d’une telle infrastructure d’Edge permettra de gérer et partager localement les données qui peuvent être sensibles, et ainsi renforcer la résilience des échanges en cas de crise.

Finalement, l’ambition de l’Edge est d’apporter un environnement novateur permettant aux entreprises, services publics et administrations d’avancer dans leur numérisation et d’optimiser leurs applications tout en améliorant leur résilience et leur indépendance par rapport aux géants du Web qu’ils soient américains ou chinois. Le traitement de données à la périphérie du Cloud ou au niveau local est donc une tendance émergente permettant le rééquilibrage avec le paradigme précédent de la centralisation dans le Cloud.

L’entreprise donc devoir donner la priorité à une approche distribuée en ne reproduisant pas des schémas coutumiers de centralisation, mais au contraire en déterminant l’architecture et la topologie en périphérie, en fonction des exigences des cas d’utilisation. Mais de l’autre côté cela va certainement pousser les opérateurs de Cloud et de Télécoms à se rapprocher, la 5G étant un terrain de jeu idéal pour cela. Un nouvel équilibre à prendre en compte dans les réflexions stratégiques autour de son système d’information.

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