Ecologie ou exception culturelle ? les acteurs du reconditionnement refusent la prise d’otage de la copie privée

Ecologie ou exception culturelle ? les acteurs du reconditionnement refusent la prise d'otage de la copie privée

La question de la taxe sur la copie enflamme le débat public. Suite à la tribune parue ce weekend dans le JDD, c’est au tour des acteur du secteur du reconditionnement de monter au créneau.

“En ouvrant le JDD ce matin, nous avons découvert la tribune “Ecologie ou exception culturelle : la question ne devrait pas se poser !”, signée par 1661 artistes, auteurs et acteurs de la culture. Si nous saluons cette initiative, nous souhaitons cependant rétablir quelques vérités que ce texte élude volontairement” expliquent deux organisations de reconditionneurs. “La rémunération pour copie privée ne s’applique pas aux supports reconditionnés aujourd’hui” disent-ils. “Il n’y aurait donc pas de manque à gagner pour la culture et son financement, qui n’ont jamais reçu d’argent de la part de notre filière, puisque pour le moment seuls les appareils neufs sont assujettis à cette rémunération”. Et de poursuivre : “Soyons clairs: le débat actuel porte bien sur la création d’une nouvelle charge qui pèsera sur les reconditionneurs, pas sur une perte qui pourrait être subie par le secteur de la culture”.

“Pour nous cela représente simplement l’instauration d’une nouvelle taxe” confirme à ZDNet un acteur du secteur du reconditionnement.

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“Sur la vente d’un Iphone 8 de 64 gigas, nous dégageons difficilement 18,33 euros de marge”

Autre argument évoqué par les partisans de l’extension de la taxe copie privée aux appareils reconditionnés, la montée en puissance de ce secteur. “Les smartphones reconditionnés représentent déjà près de 15% des téléphones achetés en France. Toute notre économie a vocation à devenir green. Créer cette exception pour un secteur d’activité qui a vocation à devenir la norme, c’est condamner à terme un des piliers du financement de notre exception culturelle” expliquent les défenseurs de la mesure. “Pour le moment, et bien que le marché des téléphones reconditionnés progresse (il représente 10% des ventes de téléphones, pas 15%), les revenus de la rémunération pour copie privée augmentent chaque année” évoquent les critiques de la proposition.

“N’opposons pas les 200 000 bénéficiaires de la rémunération pour copie privée aux acheteurs de produits reconditionnés” expliquent les artistes signataires. Ils pointent du doigt “Back Market, l’écrasant leader en France de la vente de produits électroniques reconditionnés”. A l’occasion de l’annonce d’une récente levée de fonds, Back Market avait mentionné la semaine dernière vouloir défendre les intérêts économiques de la filière du reconditionnement face au projet du gouvernement sur la taxation des appareils reconditionnés. Reste que Back Market s’apprente plus à une place de marché qui permet de connecter les clients avec les reconditionneurs plutôt qu’un reconditionneur lui même.

“Sur la vente d’un Iphone 8 de 64 gigas, nous dégageons difficilement 18,33 euros de marge qui nous servent à payer nos charges, nos employés, notre matériel… Quand on connaît ces chiffres, on comprend aisément qu’une taxe de 14 euros nous entraînerait immédiatement vers la faillite” concluent les acteurs du reconditionnement.

Roselyne Bachelot et Jack Lang montent au créneau

Plus de 1 600 artistes de tous horizons, dont de nombreuses célébrités, avaient pris la plume dimanche 30 mai pour défendre le texte de loi sur l’empreinte environnementale du numérique en discussion au Parlement. Ils appellent à « refuser l’amendement » qui a été adopté par le Sénat et doit être débattu en séance publique à l’Assemblée le 10 juin. Selon les signataires, celui-ci « fragiliserait encore un peu plus le monde culturel, déjà très affecté par la crise sanitaire ».

En janvier, lors de l’examen de cette proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, les sénateurs avaient adopté un amendement issu des Républicains (LR) sur l’exonération des appareils électroniques reconditionnés (principalement les téléphones) de la rémunération pour copie privée. Celui-ci prévoit que « les équipements numériques reconditionnés ne seront pas assujettis au paiement de la rémunération pour copie privée lorsque ces équipements ont déjà donné lieu à une telle rémunération ».

Mais cet amendement visait avant tout à « rendre explicite l’exclusion de l’obligation de rémunération » pour ces appareils, avait alors expliqué le sénateur LR Patrick Chaize. « A ce stade, les biens reconditionnés ne sont pas assujettis à la rémunération pour copie privée », avait confirmé en séance le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O. Une exclusion sur laquelle les signataires voudraient donc revenir.

La ministre de la culture Roselyne Bachelot a demandé jeudi 27 mai que cet amendement soit supprimé du texte de loi sur l’empreinte environnementale du numérique : « Certains voudraient que lorsque des œuvres sont téléchargées sur un appareil reconditionné, les créateurs ne perçoivent plus de rémunération, c’est inconcevable. » L’ancien ministre de la culture Jack Lang, à l’origine de la loi de 1985 qui a créé ce dispositif de rémunération, s’est quant à lui dit « très en colère » qu’on envisage de remettre en cause cette loi, « un des socles de notre protection des droits des auteurs et des artistes », et a indiqué avoir écrit au président Emmanuel Macron.

Mis en place en 1985, le dispositif général de rémunération sur la copie privé permet de rémunérer les artistes et le monde de la création pour la copie privée de leurs œuvres. C’est « un des piliers du financement de notre travail », un « mécanisme vertueux » adopté par 25 Etats membres de l’Union européenne, font valoir les signataires de l’appel. Chaque année, l’argent collecté par ce système contribue au financement de 12 000 évènements culturels et soutient 200 000 artistes, ajoutent-ils. Et « depuis le début de la crise sanitaire, grâce à ce dispositif, plus de 10 000 créateurs en détresse ont reçu une aide d’urgence ». Ils regrettent de devoir choisir « entre écologie et culture », soulignant qu’ils sont favorables à l’économie circulaire limitant la vente des téléphones neufs au profit des appareils reconditionnés.

“Lorsque nous achetons un smartphone, une tablette, un disque dur externe, une clé USB ou tout autre support avec capacité de stockage, une part minime et forfaitaire du prix d’achat est reversée aux créateurs, artistes, producteurs. En contrepartie de cette rémunération, les auteurs, créateurs artistes, producteurs nous autorisent à copier toutes les oeuvres légalement acquises (musique, séries, films…) sur tous nos supports de visionnage dans le cadre d’un usage privé. La copie privée est donc une licence légale, une exception au droit d’auteur, destinée à combiner liberté du consommateur et droits des auteurs” mentionne sur ce sujet la SACD. A noter que les “appareils acquis dans un cadre professionnel ne sont pas soumis à la rémunération pour copie privée. Des mécanismes de remboursement ou d’exemption ont été mis en place”.

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