Dynastie : meurtres, mensonges et haute-couture

Dynastie : meurtres, mensonges et haute-couture Au même titre que Dallas ou Amour, Gloire et Beauté, Dynastie fait partie de ces soap-opéras qui ont marqué leur époque. En faire un reboot — à savoir une version modernisée en gardant des éléments d’origine — était un pari risqué. Le show pouvait-il trouver son public ? Ne serait-il pas trop ringard ? Après un visionnage intensif des deux premières saisons, on peut dire que le défi est relevé avec brio.

Charmantes incohérences

Le principe d’un soap-opéra, tout comme sa cousine la telenovela, est qu’il s’inspire de la réalité pour raconter une histoire qui s’étale sur plusieurs années, sans pour autant être une retranscription fidèle du quotidien. Personne ne rêve devant des histoires de machines à cafés. On peut éventuellement en faire des sitcoms, mais pas des soaps puisque l’objectif d’un soap est de faire rêver.

Ne soyez donc pas surpris de trouver quelques incohérences dans Dynastie. Ma préférée est celle de la clef USB insérée dans les serveurs de l’entreprise pour récupérer un email compromettant. Au-delà du fait qu’il ne faut pas être très malin pour insérer volontairement un cheval de Troie dans les serveurs d’une entreprise de l’énergie, on s’étonne qu’il n’y ait aucun dispositif de sécurité neutralisant le malware.

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Mieux encore : quelques épisodes plus loin, le cheval de Troie est neutralisé à distance, par une personne extérieure à l’entreprise qui entre dans les serveurs en question, sans grande difficulté. Le malware est neutralisé, le méchant est puni et les données compromettantes ont disparu comme par magie. On l’aura compris : si vous êtes un peu sensible sur la question de la sécurité informatique, ne regardez surtout pas cette série, ce serait dommage de faire un malaise.

Autre incohérence : Cristal, la première, récupère un code d’accès à un coffre dans le téléphone portable de son mari. Pour une fois, on voit l’écran de verrouillage du téléphone, mais aucun problème puisqu’elle connait le code de déverrouillage de son mari, président de l’entreprise. Blake, le principal héros masculin du show, cache mieux ses cadavres que ses mots de passe.

Il n’y a pas que sur le plan informatique que Dynastie pullule d’incohérence. Alexis, la mère de Fallon et Steven, après avoir disparu pendant une dizaine d’années, revient très sereinement dans la famille et s’installe dans la villa comme si de rien n’était. Son ex-mari Blake n’arrive pas à la déloger, sa fille Fallon fait la gueule, mais Steven, son fils n’est pas loin de lui dire « OK, tu nous as abandonnés sans te retourner, mais ce n’est pas grave, viens manger la dinde de Thanksgiving avec nous ». Quant à Michael, même si Blake a tué — indirectement — son père, non seulement il veut épouser Fallon, mais il va même faire des affaires avec Blake. Toute la série fourmille d’éléments qui ne peuvent pas avoir lieu dans la vraie vie, mais ça fait son charme.

Des figures ambiguës

Si vous commencez Dynastie, je vous conseille de vous armer d’une petite bible sur la série avant. Résumons : Fallon, la fille de Blake, veut la place de chef des opérations dans l’entreprise de son père. Mais en rentrant à la maison, elle découvre son père Blake, dans les bras de Cristal. Il va épouser cette dernière, mais aussi lui donner le poste que Fallon convoitait au sein de l’entreprise d’énergie. Quant à Steven, il tombe amoureux de Sammy, qui se trouve être le neveu de Cristal. Tout ce petit monde emménage dans la somptueuse villa des Carrington sous le regard du majordome Joseph. Voulant montrer à son père qu’elle peut se débrouiller sans lui, Fallon crée sa propre entreprise d’énergie avec Jeff Colby, sans savoir que l’objectif de ce dernier est de se venger de Blake Carrington. Par la suite, on assistera à l’arrivée fracassante d’Alexis et d’une deuxième Cristal, ainsi que de deux Adam, une autre mère disparue, une fille de retour au foyer, un écrivain amnésique et aussi quelques cadavres.

Ne soyez pas perdus : il y aura bien trois Cristal dans la série. La première va disparaître. La deuxième va être remplacée par une autre actrice. Quant à Alexis, elle était interprétée par Nicollette Sheridan, qui a définitivement un talent fou pour jouer les garces, mais elle sera remplacée par une autre, ayant dû quitter le tournage de la série. Pour faire simple : ne vous attachez pas trop aux personnages, ils sont presque tous amenés à disparaître à un moment, sauf Fallon.

Il y a un principe relativement simple dans les soap-opéras : les personnages ne sont pas méchants ou gentils, ils ont des moments de faiblesse plus marqués que d’autres. Le personnage de Fallon est dans cet esprit. Quand on la découvre, on a l’impression d’être en face d’une gamine très égoïste, mais au fil des épisodes, on découvre quelqu’un de réfléchi, d’intéressant et qui a une vraie profondeur, que n’a pas son frère. Son alter ego, Sammy, dont le côté superficiel est exacerbé, permet de faire la balance. Il aime les choses futiles, le revendique, mais ce sont les manques dans sa vie qui font qu’il profite de l’opulence dans laquelle il est tombé. 

L’une des relations les plus intéressantes dans cette série est celle qui unit Joseph et Sammy. Sammy n’a pas eu de père et la figure de Joseph, finalement très paternelle, rend très attachant ce majordome que l’on pouvait trouver froid et austère. À la fin de la deuxième saison, vous vous rendez compte que les gentils ne sont pas si gentils que ça et que les méchants ne sont pas si méchants que ça. Sauf Alexis qui est mauvaise comme la gale de bout en bout.

Déconnexion

Dynastie est un piège. J’ai regardé la bande-annonce par hasard. J’ai lancé le premier épisode en me disant « tiens, c’est pas mal ». J’ai continué. Puis j’ai levé le nez et regardé l’heure. Comment ça, je venais de regarder six épisodes d’un coup ? Peut-être que c’était ce dont j’avais besoin. Une série pas toujours très réaliste, avec de jolis décors, de jolis vêtements et de bons acteurs.

Il n’est pas impossible que vous ayez quelques aigreurs d’estomac à entendre les personnages jongler allégrement avec les millions comme vous avec vos centimes d’euros. Si tel est le cas, je vous conseille d’arrêter la série, car il s’agit d’un show avec des multimillionnaires. Autant vous dire qu’ils ne font pas leurs courses chez LIDL et que leurs vêtements ne viennent pas de chez H&M.

D’ailleurs, si vous avez l’œil en matière de fanfreluches, vous remarquerez aussi qu’on est vraiment dans le sud des États-Unis. Dans Gossip Girl, c’est le style preppy qui domine : des pièces et coupes très classiques, mais avec des accessoires un peu rock qui cassent le côté sage. Dans 90 210, soleil 300 jours par an oblige, on est sur du court et du clinquant, mais on garde des lignes pures. Dans Dynastie, par moments, on a l’impression que Versace a vomi sur les actrices. Ne soyons donc pas surpris devant l’étendue de certains décolletés. Par moments, on ne sait plus si les actrices vont au bureau ou faire une mammographie. Rassurez-vous : les hommes sont logés à la même enseigne, sauf Blake et Joseph, qui ont toujours un style très classique. Pour les autres acteurs masculins, on est à deux doigts de perdre un œil. Le bon côté de la chose est que même depuis la station spatiale internationale, on peut les repérer. Mais c’est quelque chose d’assez typique dans cette partie du pays : ils ne sont pas spécialement réputés pour leur bon goût. Ça doit être visible, ça doit briller et tout le monde doit le voir.

Le reboot de Dynastie fonctionne. Netflix a commencé la diffusion de la saison 3 fin mai et elle est renouvelée pour une quatrième saison. Épidémie oblige, le tournage est un peu retardé, mais si le succès est au rendez-vous, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne connaisse pas le même destin que le show d’origine avec la même longévité.

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