Dry January : « Les gros buveurs d’alcool sont souvent dans le déni » – 20 Minutes

Pas une goutte. Les dernières vapeurs d’alcool du Nouvel An à peine évaporées, nombreux sont ceux et celles qui se sont lancés dans le Dry January, ou janvier sobre. L’objectif de ce défi qui compte chaque année de plus en plus d’adeptes : ne pas boire d’alcool un mois durant, faire le point sur sa consommation et éventuellement, dans la foulée, tenter de passer à un lever de coude plus raisonné.

Mais comment savoir si l’on boit trop ? Quels éléments peuvent favoriser la prise de conscience ? Et surtout, comment tirer les enseignements de cette expérience d’un mois sans alcool ?

Déceler une consommation problématique

Alors, buvez-vous raisonnablement ? Selon les dernières recommandations de Santé publique France, la limite est claire : « ne pas consommer plus de dix verres standards par semaine, soit pas plus de deux verres d’alcool par jour, et pas plus de cinq jours sur sept ». Un verre standard, rappelle l’Assurance maladie, « contient 10 grammes d’alcool pur ». Il ne contiendra donc pas la même quantité de boisson selon qu’il s’agit de vin, de bière ou de spiritueux. « Les quantités absorbées d’alcool sont évidemment un point déterminant, rappelle à 20 Minutes le Pr Bernard Granger, responsable de l’unité de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Cochin à Paris. Or pour beaucoup, ces quantités sont très vite atteintes, et dépassées, sans avoir conscience que cela peut être problématique. »

Outre la quantité et la fréquence de consommation, « il faut aussi analyser sa liberté de s’abstenir de boire, souligne le Pr Granger. C’est la perte de cette liberté qui définit l’addiction : si on se dit “aujourd’hui je ne bois pas” et qu’on n’y arrive pas, même si on a l’impression de ne pas avoir bu en grande quantité, c’est déjà un signe de dépendance et de risque d’escalade vers une consommation plus importante ».

En outre, une alcoolisation ponctuelle importante (API), ou binge drinking, est elle aussi dangereuse. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), « le binge drinking peut être défini comme la consommation d’au moins 6 verres d’alcool (soit 60 g d’alcool pur) par occasion ». Une prise qui peut même être absorbée en l’espace de deux heures à peine, selon d’autres définitions. Un phénomène massif, puisque d’après une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 44 % des jeunes de 17 ans déclaraient en 2017 au moins une API dans le mois. « Des API délétères pour le système nerveux central, les neurones ou encore le foie, alors qu’il s’agit de comportements sociaux malheureusement très répandus », alerte le Pr Granger.

Accompagner la prise de conscience

Pour autant, que l’on ait une consommation répétée ou ponctuelle importante d’alcool, en prendre conscience n’est pas chose aisée. « Il y a chez les personnes qui boivent beaucoup de déni, observe le psychiatre spécialiste de l’addictologie. Et le Dry January offre un temps qui permet de parler sérieusement et sans jugement de l’alcool, des limites à ne pas dépasser et des bienfaits de la sobriété sur la santé. C’est la parfaite occasion de prendre conscience qu’on a en réalité beaucoup de mal à ne pas boire, et que l’on est dépendant ».

Une occasion d’autant plus précieuse que « souvent, l’entourage n’ose pas en parler, c’est délicat », poursuit le Pr Granger. A ses yeux, les médecins traitants n’ont pas suffisamment le réflexe d’interroger leurs patients sur leur rapport à l’alcool. Et lorsqu’ils le font, encore faut-il savoir déceler une consommation problématique. « Lorsque vous posez la question aux patients, ils vont souvent répondre qu’ils boivent comme tout le monde, poursuit le praticien. Mais si on creuse, certains vont répondre qu’ils prennent un verre ou deux après le travail, puis plusieurs pendant le dîner, et bien plus encore le week-end ».

Si le déni est tenace, les médecins peuvent prescrire des examens complémentaires, qui peuvent révéler des signes biologiques d’une consommation excessive, par exemple des anomalies du foie. D’autres signes physiques comme les rougeurs et un gonflement au niveau du visage, ou encore des troubles du sommeil sont également des indices. « Là, le patient prend conscience des effets de la prise d’alcool sur son organisme », insiste le Pr Granger.

Mesurer ses efforts et ne pas reboire dès le 1er février

A contrario, suivre ce mois sans alcool peut rapidement présenter des effets bénéfiques : « on retrouve un sommeil de meilleure qualité, on a les idées plus claires, avec des facultés améliorées de mémoire et de concentration, moins d’anxiété », décrit le Pr Granger. On peut également constater une perte de poids, parce que l’alcool contient beaucoup de sucre, qui se transforme ensuite en graisse dans l’organisme, ainsi que de meilleures constantes, et un foie en meilleure santé.

Mais à l’issue de ce mois sobre, comment éviter de rattraper sa conso dès le 1er février et basculer de nouveau dans une consommation excessive d’alcool ? Pour que le Dry January ne soit pas qu’une simple parenthèse, « il faut le vivre comme un test pour aller vers des changements plus longs », préconise le Pr Granger. Donc à l’issue de ce mois, l’idéal est de commencer par faire le bilan de son expérience : a-t-on tenu ou pas ? Pourquoi ? Cela permet d’avoir une réflexion qui n’est pas placée dans l’immédiateté. « Si on souhaite vraiment amorcer un changement, c’est plus facile d’avoir cette démarche des petits pas que permet le Dry January, avec un horizon d’un mois d’abstinence, insiste le praticien. C’est suffisamment court pour se lancer le défi et se préparer à être plus abstinent ou plus raisonnable au long cours par la suite ».

Et à la manière des applis qui accompagnent l’arrêt du tabac et vous indiquent le nombre de cigarettes que vous n’avez pas fumées, il est possible durant le Dry January de télécharger des outils similaires, qui vous indiqueront le nombre de verres que vous n’aurez pas bus. « Tout ce qui permet d’analyser sa consommation est important, abonde le Pr Granger, que ce soit l’argent économisé, parce que l’alcool, c’est cher, ou le nombre de grammes d’alcool pur qu’on a épargné à son organisme ! »

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