Droit de retrait à la SNCF : Derrière la mobilisation des cheminots, la question de la sécurité dans les… – 20 Minutes

Un TER sur une voie SNCF en région Midi-Pyrénées. — Frédéric Scheiber/20MINUTES
  • Mercredi dernier, un TER reliant Charleville-Mézières à Reims a percuté un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau, faisant 11 blessés. Le conducteur, qui a porté secours aux passagers alors qu’il était lui-même blessé, était le seul agent SNCF à bord.
  • Les syndicats contestent ce mode de fonctionnement, qui permet de faire circuler des trains sans contrôleur, dénonçant une mise en danger des cheminots et des passagers.
  • De vendredi à dimanche, les cheminots ont exercé leur droit de retrait, engendrant de fortes perturbations sur l’ensemble du trafic ferroviaire.
  • Le gouvernement et la direction de la SNCF, de leur côté, estiment qu’il s’agit d’une « grève sauvage » et d’un « détournement du droit de retrait ».

Après quatre jours d’un bras de fer entre les syndicats de cheminots​ et la direction de la SNCF autour du « droit de retrait », le trafic ferroviaire s’est nettement amélioré ce lundi. Mais pour les cheminots de la SNCF, la question de la sécurité à bord des trains n’est pas réglée.

Mercredi dernier, une collision entre un TER reliant Charleville-Mézières à Reims et un convoi routier exceptionnel, coincé sur un passage à niveau, a fait une dizaine de blessés. Le conducteur, qui était le seul agent SNCF à bord, a porté secours aux passagers, alors qu’il était lui-même blessé à la jambe.

« Aujourd’hui, dans 6.000 trains en France, le conducteur est seul dans le train »

Vendredi, deux jours après l’accident, les cheminots ont exercé leur « droit de retrait », une procédure exercée par un salarié lorsqu’il considère que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Et pour les syndicats, le danger existe bel et bien. Plusieurs organisations syndicales, dont SUD-Rail, la CGT Cheminots, FO-Cheminots et l’Unsa ferroviaire, dénoncent le mode d’exploitation appelé « équipement agent seul » (EAS). Ce dispositif, mis en place en 2002, permet de faire circuler les trains sans contrôleur.

« Aujourd’hui, dans 6.000 trains en France, soit un tiers des trains qui circulent, le conducteur est désormais seul dans le train », déplore Bruno Poncet, secrétaire fédéral SUD-Rail, interrogé par 20 Minutes. « Avant, il y avait un contrôleur qui s’occupait de la fermeture des portes, de la vérification des billets et de la sécurité à bord du train. Maintenant, le conducteur s’occupe de donner le départ du train, de gérer le temps d’arrêt dans une gare, d’ouvrir et de fermer les portes du train », explique-t-il.

Pour Bruno Poncet, l’accident de mercredi dernier aurait pu virer au drame : « Sans le conducteur, il aurait pu y avoir des morts. » Seul agent SNCF présent à bord du TER au moment de l’accident, le conducteur, blessé à la jambe, a marché plus d’un kilomètre pour mettre en place un dispositif de sécurité et éviter un sur-accident.

Moins d’agents et de plus en plus d’agressions

L’autre point de crispation pour les syndicats ferroviaires, c’est la suppression, à partir du 15 décembre, d’une partie des agents sur les quais, ceux que l’on appelle les agents d’escale. « Si les agents d’escale, qui donnent aujourd’hui l’autorisation de départ des trains en gare, sont supprimés, cette responsabilité sera confiée au conducteur », a détaillé Bruno Poncet, qui évoque une mesure « irresponsable ». « Aujourd’hui, quand les passagers arrivent en gare, il n’y a personne, quand ils montent dans le train, il n’y a personne et quand ils arrivent à destination, il n’y a personne », déplore le responsable syndical.

Si la sécurité des conducteurs est l’une des revendications des syndicats, celle des voyageurs en fait également partie. « Les passagers, eux aussi, ne se sentent plus en sécurité à bord des trains. S’il se passe quelque chose, un malaise ou une agression, le conducteur ne peut pas intervenir », se désole Bruno Poncet, qui évoque « une hausse des agressions à bord des trains, notamment concernant les jeunes femmes ». Pour Didier Mathis, le secrétaire général de l’Unsa, le problème de sécurité vient aussi de l’engin accidenté, un autorail grande capacité (AGC). « Ces engins ont déjà connu un accident grave, il y a plusieurs années, en Normandie », se souvient-il, avant d’ajouter : « Ce type de véhicule doit circuler avec un contrôleur habilité sécurité. »

« On demande la réhumanisation de la SNCF »

Pour Bruno Poncet, « il ne s’agit pas d’un problème purement corporatif, c’est un vrai problème de sécurité pour tous les usagers du transport ferroviaire ». « La SNCF pense qu’elle peut faire rouler ses trains comme la ligne 14 ou la ligne 1 qui sont automatisés. Mais ça ne peut pas fonctionner comme ça. On parle de trains qui transportent des centaines de passagers », confie le responsable syndical, qui dénonce « une déshumanisation de la SNCF ». Que réclament les syndicats ? « On veut des embauches, des contrôleurs, du personnel dans les trains et sur les quais, on ne veut pas que le conducteur soit seul. On demande la réhumanisation de la SNCF », poursuit le secrétaire fédéral SUD-Rail.

Pour Didier Mathis, « la responsabilité ne revient pas seulement à la SNCF, elle revient aussi aux régions ». « Dans la région Hauts-de-France, par exemple, la région a tout simplement refusé l’EAS et a exigé que la SNCF maintienne plusieurs agents dans ses trains », indique le secrétaire général de l’Unsa. Selon lui, l’ouverture à la concurrence fait également partie du problème : « Si la SNCF ne garde qu’un seul cheminot par train, c’est aussi pour faire des économies et rester compétitif. »

La SNCF, elle, a affirmé, dans un communiqué publié vendredi, qu’il « n’y a aucun danger grave et imminent dans la circulation des trains ». Des propos soutenus par le gouvernement : « Les trois quarts des TER sont exploités seuls à bord », a déclaré Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’État aux Transports, sur BFMTV vendredi, ajoutant que ce fonctionnement était pratiqué « partout en Europe ». Contactée par 20 Minutes, la SNCF a indiqué qu’elle ne s’exprimerait pas sur le sujet, une enquête étant en cours. L’entreprise ferroviaire devrait prendre la parole jeudi, lors du rendu des conclusions.

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