Dix ans après la sortie de l’iPad, les tablettes ont trouvé leur place, proche de celle que Steve Jobs imaginait – Le Monde

L’ancien PDG d’Apple, Steve Jobs, utilise un iPad lors du lancement de la tablette à San Francisco, le 27 janvier 2010.

L’ancien PDG d’Apple, Steve Jobs, utilise un iPad lors du lancement de la tablette à San Francisco, le 27 janvier 2010. KIMBERLY WHITE / REUTERS

Fin janvier 2010, Steve Jobs dévoile le tout premier modèle d’iPad qui sortira quelques mois plus tard. Quelques tablettes existent bien à cette époque, mais leurs ventes sont confidentielles. Mais l’iPad est profondément différent. Il se pilote beaucoup mieux aux doigts, et son logiciel est incomparablement plus simple ; c’est celui des iPhone (iOS) et sa limpidité est une révélation pour les utilisateurs comme pour les marques concurrentes, qui s’en inspireront beaucoup.

Sur scène, le jour de la conférence de presse, le PDG d’Apple présente l’Ipad comme un troisième appareil appelé à trouver sa place entre l’ordinateur et le smartphone. Et dix ans plus tard, il faut admettre que cette prédiction était exacte. Selon les chiffres du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), les Français sont 42 % à posséder une tablette tactile – Apple ou autre.

Un équipement « très utile »

Et contrairement à une idée tenace, les tablettes ne sont pas en perte de vitesse, comme l’expliquent les auteurs du Baromètre du numérique du Credoc :

Le taux d’équipement stagne, mais l’utilisation quotidienne ne faiblit pas (45 % en 2017, 47 % cette année) et l’utilité ressentie ne bouge pas non plus entre 2017 et 2019 (62 % des utilisateurs quotidiens jugent cet équipement “très utile”).

Un iPad Air 2 suivi des tablettes Android que la vision d’Apple a inspirées.

Un iPad Air 2 suivi des tablettes Android que la vision d’Apple a inspirées. Nicolas Six

Dans un appel à témoignages que nous avons lancé pour comprendre ces usages de la tablette, auquel près de 700 personnes ont répondu, âgées de 16 à 87 ans, certains y vont carrément de la déclaration d’amour : « Je bénis cet outil », « C’est le prolongement de mon bras », « C’est mon doudou, mon pote, mon aire de jeux, mon chargé de com »… Et d’évoquer aussi la simplicité, la détente, le confort, comme Anne, retraitée :

« Je n’attendais que ça, Ouf ! Enfin ! S’installer confortablement dans son fauteuil, et changer de pièce au gré des échanges dans la famille, aller et venir. Pas de position statique imposée devant un bureau, pas de fils, de souris… ! Génial. »

Un combat perdu contre l’ordinateur ?

D’autres sont plus critiques, certains lecteurs ayant abandonné leur tablette ces dernières années pour un smartphone à grand écran : « Elle prend peu à peu la poussière. » Mais ce destin reste minoritaire selon les personnes ayant répondu à notre questionnaire. Certaines évoquent même une expérience inverse : « Je préfère la tablette, car elle est plus grande et plus agréable que mon smartphone, pourtant plus récent », témoigne Ewen, lycéen.

Ces écrans tactiles se sont imposés, mais ils n’ont pas pris le pouvoir face aux ordinateurs comme l’envisageait Steve Jobs. Dans une interview accordée mi-2010, le patron d’Apple comparaît leur destinée probable à celle des voitures aux Etats-Unis :

« Nous étions à l’origine une nation agraire, et tous les véhicules étaient des camions, car c’était ce dont on avait besoin à la ferme. Mais quand elles ont commencé à être utilisées dans les villes, les voitures sont devenues populaires. (…). Les PC vont subir le destin des camions. Ils vont rester parmi nous, ils garderont une grande utilité, mais ils seront utilisés par une personne sur dix. »

Dix ans plus tard, l’ordinateur reste bien plus populaire que la tablette ; on observe toutefois une tendance déclinante, le taux d’équipement des Français ayant baissé de 7 % depuis 2013. La tablette, elle, semble avoir atteint un plateau depuis deux ans.

De fait, rares sont les lecteurs du Monde qui disent avoir abandonné complètement leur ordinateur au profit de leur tablette. Plus nombreux sont ceux qui n’ont jamais possédé d’ordinateur, comme Elizabeth, retraitée : « J’ai 64 ans. J’ai une allergie à tout ce qui est informatique. Cependant une tablette m’a été offerte il y a huit ans et elle ne me quitte plus ! »

Machine à loisirs

Pour quels usages ces écrans tactiles sont-ils employés ? Les plus dominants, selon les témoignages envoyés au Monde – les recherches Internet et la consultation de vidéos, cités par la moitié des répondants – sont parmi ceux que Steve Jobs présentait il y a dix ans. Les jeux, les livres, la consultation d’e-mails, le fait d’écouter de la musique, ressortent un peu moins des textes envoyés.

Les usages dans lesquels l’iPad est meilleur que le smartphone et l’ordinateur, selon Steve Jobs.

Les usages dans lesquels l’iPad est meilleur que le smartphone et l’ordinateur, selon Steve Jobs. APPLE / THE UNIFFICIAL APPLE KEYNOTE CHANNEL

Quid du travail et des tâches créatives ? Dans sa première présentation grand public de 2010, le patron d’Apple semblait croire nettement moins à ces usages : suite bureautique et logicielle de dessin prévus pour iPad ne sont présentés qu’à la fin de son intervention. Steve Jobs évite d’ailleurs de prétendre que les tablettes sont largement meilleures pour ces usages professionnels, comme il l’affirme pour l’Internet ou la vidéo. Dans son interview donnée à la mi-2010, il indiquait cependant voir un certain potentiel dans la tablette tactile pour « créer beaucoup de types de contenus ».

Quelques rares lecteurs disent, en 2020, avoir réussi à basculer leur activité professionnelle entièrement sur iPad. Certains y voient un incomparable outil de prise de notes créatives : « Le MacBook, c’est pour structurer, écrire des présentations, mettre en forme ma pensée. Mais l’iPad, c’est pour penser », témoigne Benoît, consultant. Plus nombreux sont ceux qui racontent leur expérience négative en termes de bureautique.

Quelques usages insoupçonnés

Quant à la création artistique, elle semble rester marginale, même si certains lecteurs profitent des gros progrès de l’iPad, désormais équipé d’un stylet, et des avancées des applications créatives pour dessiner ou faire de la musique.

Quelques usages insoupçonnés apparaissent : « Nous sommes passés aux partitions sur tablette pour un enregistrement afin d’éviter les bruits de pages tournées » ou « j’ai supprimé 7 kg de cadrans à aiguilles de mon tableau de bord d’avion. J’ai posé un iPad à la place. »

Reste que, pour un usage professionnel, les logiciels du pourtant très riche catalogue d’applications pour iPad (bien plus nombreuses que celles prévues pour tablettes Android) ne sont pas aussi complets que leur contrepartie pour ordinateur. La souris et le grand écran permettent toujours, en 2020, un travail plus fin.

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