Disparition de Delphine Jubillar : son mari Cédric placé en garde à vue – Le Parisien

L’enquête semblait stagner depuis des mois comme un corps sans vie coincé dans un méandre du Tarn. Aucune garde à vue, aucun indice matériel ou témoignage décisif croyait-on et surtout aucune trace de Delphine Jubillar, 33 ans, volatilisée au cours de cette nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines. L’affaire de l’infirmière d’Albi allait rejoindre la longue liste des énigmes criminelles, prophétisaient déjà les plus pessimistes… Et puis, six mois plus tard jour pour jour, le coup de théâtre que Le Parisien-Aujourd’hui en France révèle en exclusivité. Cédric Jubillar, l’époux de Delphine, a été interpellé ce mercredi sur son lieu de travail dans le secteur d’Albi (Tarn). L’homme de 33 ans a été placé en garde à vue par les gendarmes de la section de recherches de Toulouse, sur commission rogatoire des deux juges d’instruction chargées des investigations ouvertes pour « enlèvement et séquestration ».

En réalité, voilà six mois que magistrats et enquêteurs surveillaient discrètement ce mystérieux compagnon qui avait pourtant récemment obtenu le statut de « partie civile » – et donc de victime -. Une stratégie de la justice pour le mettre en confiance et le pousser à relâcher sa vigilance. À rebours des rumeurs hasardeuses sur les réseaux sociaux qui le désignaient comme suspect, principalement par analogie avec l’affaire Daval, les gendarmes pensent avoir accumulé suffisamment d’indices pour établir sa responsabilité dans la disparition de sa femme.

Une possible dispute au cœur de l’enquête

Selon nos informations, plusieurs incohérences sont apparues entre, d’un côté, le récit de la nuit de la disparition développé par Cédric Jubillar et, de l’autre, certaines constatations techniques et témoignages recueillis par les enquêteurs. Selon la version de cet artisan peintre, ce soir-là, il part se coucher aux alentours de 22 heures et laisse Delphine et son fils de 6 ans regarder la télévision. Il aurait ensuite été réveillé sur les coups de 4 heures du matin par les pleurs de son autre enfant, une fillette âgée de 18 mois. C’est à cet instant qu’il aurait constaté l’absence de sa compagne ainsi que de sa doudoune. Il précise même que les deux chiens du couple sont à l’extérieur de la maison et s’approchent vers lui, comme s’ils venaient d’être promenés. De quoi soupçonner un rapt ou un meurtre commis par une personne extérieure…

 Delphine et Cedric Jubillar le jour de leur mariage en 2013. La jeune infirmière d’Albi de 33 ans, a disparu dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 décembre 2020 de son domicile de Cagnac-les-Mines dans le Tarn.
Delphine et Cedric Jubillar le jour de leur mariage en 2013. La jeune infirmière d’Albi de 33 ans, a disparu dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 décembre 2020 de son domicile de Cagnac-les-Mines dans le Tarn. 

Or, les analyses téléphoniques laissent à penser que Cédric Jubillar est resté éveillé au moins une bonne partie de la nuit. De la même manière, un élément matériel prouverait que Delphine avait revêtu une tenue de nuit et s’apprêtait à aller se coucher. Difficile dans ces conditions de l’imaginer ressortir ensuite volontairement de chez elle. Surtout, depuis les dernières avancées de l’enquête, les gendarmes ont acquis la conviction qu’une dispute a éclaté entre Cédric et Delphine la nuit du drame après une discussion houleuse au sujet de l’avenir de leur couple. Il apparaît que la jeune infirmière se préparait à quitter son compagnon et le domicile familial à très brève échéance, et aurait pu lui annoncer ce soir-là.

Cédric Jubillar tente d’orienter les investigations

Selon le scénario criminel envisagé par la justice, cette rupture officialisée aurait pu réveiller une profonde blessure narcissique chez Cédric Jubillar. Il aurait alors pris conscience qu’il s’apprêtait à tout perdre : son épouse, une partie de la garde des enfants mais aussi sa maison construite en partie de ses mains à Cagnac-les-Mines. Une perspective d’autant plus difficile à accepter que Delphine Jubillar subvenait en grande partie aux besoins de la famille avec son salaire d’infirmière. Ce projet de rupture avait déjà été évoqué au sein du couple les semaines précédant la disparition de Delphine mais il restait encore assez virtuel. Cette soirée fatidique du 15 décembre aurait marqué sa concrétisation. La lecture de ces événements ne peut se faire sans une plongée dans la psychologie complexe et le parcours de vie chaotique de Cédric Jubillar. Une enquête de personnalité, réalisée au fil des derniers mois, a permis aux gendarmes de reconstituer cet itinéraire intime.

Par ailleurs, les enquêteurs ont été intrigués par le comportement du compagnon de Delphine Jubillar ces dernières semaines. A-t-il été convaincu d’avoir été mis hors de cause depuis son audition de partie civile devant la juge d’instruction le 30 avril ? Cédric Jubillar, qui s’est depuis mis en couple avec une nouvelle compagne, aurait en tout cas tenté d’orienter avec insistance les soupçons des gendarmes vers un autre homme. Il s’agit d’un père de famille vivant aux alentours de Cagnac-les-Mines entendu en tant que témoin lors de l’enquête. Cédric Jubillar aurait tenté de le dépeindre comme un courtisan de sa compagne aux méthodes de drague agressives. Or, celui-ci a contesté fermement une telle attitude. De plus, les gendarmes ont pu totalement exclure l’hypothèse de son implication dans la disparition. Ils ont également écarté toutes les autres pistes. Comme celle qui menait à « l’amant de Montauban », présenté comme un confident de Delphine rencontré sur Internet. Les alibis de chacun de ces hommes ont été soigneusement vérifiés. Ne reste donc plus que la piste de Cédric Jubillar, renforcée par l’existence d’un mobile potentiel : un meurtre possiblement commis par la crainte d’être quitté, voire déshonoré.

Néanmoins, de nombreuses questions restent ouvertes. Si Cédric Jubillar est bien le meurtrier, comment aurait-il pu tuer sa compagne ce soir-là sans réveiller leurs deux enfants présents ? Comment aurait-il pu se débarrasser du corps sans laisser aucune trace dans un laps de temps relativement court, le tout sans se faire repérer alors que le pavillon est situé dans un lotissement où les maisons sont proches les unes des autres ? La garde à vue du jeune artisan plaquiste sera décisive. Elle peut durer 48 heures avant un possible déferrement et une mise en examen. Le corps de Delphine Jubillar reste à ce jour introuvable malgré les nombreuses fouilles menées autour des mines et des ruisseaux du Tarn ainsi que les expertises scientifiques diligentées au pavillon du couple.

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