Disparition de Delphine Jubillar : pourquoi l’enquête s’est recentrée sur le clan de Cédric – Le Parisien

L’enquête semblait stagner depuis des mois, comme coincée dans le méandre d’une rivière. Aucune garde à vue, aucun indice matériel ou témoignage décisif, croyait-on, et surtout aucune trace de Delphine Jubillar, 33 ans, volatilisée au cours de cette nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines (Tarn). L’affaire de l’infirmière d’Albi allait rejoindre la longue liste des énigmes criminelles, prophétisaient déjà les plus pessimistes… Et puis, six mois plus tard, jour pour jour, un coup de théâtre que Le Parisien-Aujourd’hui en France a révélé en exclusivité. Cédric Jubillar, l’époux de Delphine, a été interpellé ce mercredi 16 juin sur son lieu de travail à Albi. Le père de famille de 33 ans a été placé en garde à vue par les gendarmes de la section de recherches de Toulouse, sur commission rogatoire des deux juges d’instruction chargées d’une enquête ouverte pour « enlèvement et séquestration ». Ce mercredi en début de soirée, Cédric Jubillar contestait toujours son implication dans la disparition de son épouse.

Toujours selon nos informations, la mère de Cédric Jubillar, Nadine, 50 ans, a elle aussi été interpellée et placée en garde à vue ce mercredi à Gaillac, où son fils a été transféré ce mercredi en début de soirée. Son conjoint, Olivier, le beau-père de Cédric, a connu un sort identique et le domicile du couple, à Carmaux, a fait l’objet d’une perquisition. Pourraient-ils, a minima, être porteurs d’un lourd secret ? Toujours mercredi après-midi, le pavillon de Séverine, la nouvelle petite amie de Cédric Jubillar, a lui aussi été perquisitionné. Cette quadragénaire, mère d’un copain de Cédric, était entendue sous le régime de l’audition libre.

Cette prise en étau du clan Jubillar intervient après six mois d’observations, d’écoutes et d’investigations tous azimuts. Il fallait bien travailler de manière impartiale et refermer rigoureusement toutes les autres pistes possibles mais sur le fond, les enquêteurs n’ont jamais envisagé une autre hypothèse que celle du féminicide commis par un mari sur le point d’être quitté. Certes, fin avril, Cédric Jubillar avait bien été auditionné en tant que partie civile par les juges d’instruction. Une manière de reconnaître son statut de victime. Mais il ne s’agissait que d’une stratégie d’enquête pour l’inciter à baisser la garde.

Une possible dispute au cœur de l’enquête

Sur quels éléments se fondait donc cette conviction des gendarmes de la SR de Toulouse ? Selon nos informations, plusieurs incohérences sont apparues très vite entre d’un côté, le récit de la nuit de la disparition développé par Cédric Jubillar et de l’autre, les constatations techniques et les témoignages. Selon la version de cet artisan plaquiste peintre, il part se coucher ce soir-là aux alentours de 22 heures et laisse Delphine et Louis, son fils de 6 ans, regarder la télévision. Il aurait ensuite été réveillé vers 4 heures du matin par les pleurs de sa fille, Elyah, alors âgée de 18 mois. Puis aurait constaté l’absence de sa compagne. Il précise même que les deux chiens du couple, Gnocchi le mâle et Oprah la jeune femelle, sont alors à l’extérieur de la maison. Une manière de suggérer que Delphine aurait pu être victime d’un rapt à l’issue d’une promenade nocturne. Pourtant, la jeune mère de famille a peur du noir et n’a pas l’habitude de sortir les chiens le soir.

Plus important, les analyses téléphoniques laissent à penser que Cédric Jubillar ne s’est pas endormi de bonne heure comme il le soutient. Il serait au contraire resté éveillé une bonne partie de la nuit. De la même manière, un élément matériel prouverait que Delphine avait revêtu vers 23 heures une tenue de nuit et s’apprêtait à aller se coucher. Difficile dans ces conditions de l’imaginer ressortir ensuite volontairement.

Enfin, les gendarmes sont persuadés qu’une dispute a éclaté entre Cédric et Delphine la nuit du drame, après une discussion houleuse au sujet de l’avenir de leur couple. L’infirmière a-t-elle fait part à son mari de son intention de quitter définitivement le domicile familial à très brève échéance ? Il est aussi possible qu’elle lui ait révélé l’existence de la relation sentimentale qu’elle entretenait depuis des mois avec un autre homme, rencontré sur Internet, celui que les enquêteurs ont baptisé « le confident de Montauban ». Autre cas de figure, Cédric aurait pu intercepter des messages compromettants, et notamment une photo de sa femme en tenue légère envoyée à ce fameux confident. Une découverte faite en profitant d’un moment où son épouse n’avait pas son téléphone à portée de main.

Cédric Jubillar aurait tenté d’orienter les investigations

Quel que soit le scénario exact, Cédric Jubillar aurait agi sous l’effet d’une puissante blessure narcissique. Il aurait alors pris conscience qu’il s’apprêtait à tout perdre : son épouse, une partie de la garde des enfants, sa maison de Cagnac-les-Mines construite de ses propres mains et un relatif confort financier offert par le salaire d’infirmière de son épouse. Tout ce qu’il avait réussi à agréger en dépit d’une enfance et d’une adolescence chaotique, marquées par des placements en familles d’accueil et en foyers.

Par ailleurs, les enquêteurs ont été intrigués par le comportement du compagnon de Delphine Jubillar ces dernières semaines. En couple avec une nouvelle compagne depuis environ deux mois, Cédric aurait tenté à plusieurs reprises d’orienter les soupçons des gendarmes vers Simon*, un père de famille vivant aux alentours de Cagnac-les-Mines, entendu comme témoin dès février. Considéré au départ avec attention par les enquêteurs, il avait progressivement été mis hors de cause. Pourtant, Cédric semblait utiliser cette piste comme outil de diversion.

Une garde à vue décisive

Néanmoins, de nombreuses questions restent ouvertes. Si Cédric Jubillar est bien le meurtrier, comment aurait-il pu tuer sa compagne ce soir-là sans laisser la moindre trace derrière lui, à l’intérieur de son domicile comme en dehors ? Et comment aurait-il pu se débarrasser du corps de sa femme dans un laps de temps relativement court, le tout sans se faire repérer alors que son pavillon est situé dans un lotissement où les maisons sont proches les unes des autres ?

La garde à vue du jeune artisan plaquiste sera décisive. Elle peut durer jusqu’à jeudi soir ou vendredi matin avant un possible déferrement et une mise en examen. Le corps de Delphine Jubillar reste à ce jour introuvable, malgré les nombreuses fouilles menées autour des mines et des ruisseaux du Tarn. Contacté, l’avocat de Cédric Jubillar, Me Jean-Baptiste Alary, n’a pu être joint ce mercredi. Quant aux deux enfants de Delphine et Cédric, ils ont été confiés ce mercredi à la sœur aînée de Delphine.

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