Discrédité, le gouvernement libanais jette l’éponge – Les Échos

Le gouvernement libanais n’aura survécu que six jours à la dramatique explosion de mardi dernier à Beyrouth. Le Premier ministre, Hassane Diab, a annoncé lundi soir la démission de l’exécutif, fragilisé par le départ dimanche et lundi de quatre de ses membres, dont ceux des Finances et de la Justice et la contestation violente du week-end.

Une décision prise dans l’après-midi et à laquelle étaient favorables la majorité des ministres, mais qui risque de ne pas désamorcer la colère de la population, après cette catastrophe qui a fait plus de 160 morts, 6.000 blessés et 300.000 sans abri. Pour la troisième journée consécutive, des heurts ont opposé dans le centre-ville des manifestants aux forces de sécurité, qui ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. La répression a fait des dizaines de blessés et un mort dimanche.

Classe politique discréditée

Les nombreux Libanais descendus dans la rue depuis jeudi réclament le départ de l’ensemble de la classe politique, jugée depuis des années inepte, corrompue et totalement indifférente au sort du pays. L’explosion accidentelle de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium s erait de ce point de vue révélatrice , puisque cette matière instable était entreposée sans aucune précaution depuis six ans dans un entrepôt du port. Ce qui pointerait notamment la responsabilité du Hezbollah, puisque la milice chiite contrôle de facto tout ce qui entre ou sort de Beyrouth.

Allié de l’Iran et du régime de Bachar al-Assad en Syrie, le Hezbollah fait partie de la coalition au pouvoir avec le mouvement islamiste chiite Amal et le Courant patriotique libre, formation chrétienne du chef de l’Etat, Michel Aoun. L’opposition regroupe les partis sunnites et des partis chrétiens.

Appauvrissement spectaculaire

Hassane Diab, désigné en décembre après la démission du Premier ministre sunnite, Saad Hariri, sous la pression d’un mouvement de contestation populaire inédit déclenché en octobre, aura été confronté en sept mois à la pandémie de Covid-19, l’effondrement de la valeur de la devise, l’appauvrissement spectaculaire de la classe moyenne libanaise et le défaut de paiement du pays, le premier de son Histoire.

Le chef du gouvernement s’était dit, samedi, déterminé à rester dans ses fonctions pendant deux mois, jusqu’à l’organisation d’élections anticipées. Mais ces dernières ne figurent pas du tout parmi les revendications des protestataires car la loi électorale est calibrée pour rendre à peu près inamovibles les formations politiques se partageant le pouvoir depuis la fin de la guerre civile, en 1989. Le renouvellement du Parlement peut aussi être très laborieux au Liban en raison des tensions confessionnelles et de divers blocages institutionnels, le dernier ayant eu lieu en 2018 avec… cinq ans de retard sur le calendrier constitutionnel.

Le départ de « tous » les dirigeants

« Tous veut dire tous », ont clamé ces deux derniers jours les manifestants, appelant au départ de tous les dirigeants. Des effigies de nombre d’entre eux, dont Michel Aoun et Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, ont été accrochées à des cordes de pendus lors des rassemblements. Le hashtag le plus populaire au Liban en ce moment est « Pendez-les ».

Le président Michel Aoun a rejeté l’enquête internationale réclamée par les Occidentaux et les autorités n’ont pas communiqué sur le déroulement de l’enquête locale, ni fourni d’assistance aux sans-abri ou aux blessés. « Il y a une seule personne qui contrôle ce pays, c’est Hassan Nasrallah », a affirmé Nadim Gemayel, l’un des neuf députés ayant annoncé leur démission dimanche.

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