DIRECT – Procès Lelandais : “Vos silences ont souvent été des réponses et vos réponses, des mensonges” – France Bleu

L’essentiel à retenir

  • Le treizième jour d’audience du procès de Nordahl Lelandais a débuté mercredi par les lectures de dépositions de témoins qui n’ont pas pu se présenter à la barre depuis le début du procès. 
  • En premier a été lu le témoignage de Farid C., ancien codétenu de Nordahl Lelandais, à qui l’accusé aurait raconté le viol de Maëlys et les coups mortels, avec des détails glaçants. Ces propos rapportés font également allusion à la mort d’Arthur Noyer. Le tribunal a aussi écouté la lecture du rapport d’un surveillant pénitentiaire et la déposition de la directrice de la maison d’arrêt de Saint-Quentin-Fallavier où Nordahl Lelandais était incarcéré. 
  • Les avocats des parties civiles ont ensuite enchaîné leurs plaidoiries : Yves Crespin, Caroline Rémond, Martin Vatinel, Laurent Boguet, Armel Juglard et Fabien Rajon. 

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19h00. C’est la fin de ce direct. Merci de l’avoir suivi. Nous nous retrouvons demain pour l’avant-dernier jour du prcès de Nordahl Lelandais devant la cour d’assises de l’Isère.

18h50. Audience suspendue. L’audience reprendra jeudi matin à 9 heures avec le réquisitoire de Jacques Dallest, avocat général, le matin et la plaidoirie de la défense, l’après-midi. Le verdict est attendu le vendredi 18 février.

“J’ai demandé à la fin de ma plaidoirie que la cour d’assises de l’Isère juge sans haine et sans naïveté, avec la volonté de protéger la société d’un individu dangereux” – Fabien Rajon, avocat de la famille maternelle de Maëlys

18h41. L’accusé écoute, impassible. Pendant la plaidoirie de Fabien Rajon, l’avocat de la famille maternelle de Maëlys, Nordahl Lelandais a écoute attentivement. Les parents de Maëlys sont restés imperturbables sur leur banc.

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Retour sur l’instruction et les fuites dans la presse. “Dans cette armoire, il y a un dossier de 23 000 pages. La défense veut discréditer ce dossier. On a voulu enfoncer l’accusé. Mais qui est ce ‘on’. Les médias ? Mais les fuites dans la presse ont d’abord atteint la famille de Maëlys. La fracture de la mandibule de Maëlys, les parents l’ont appris sur internet. Et le jour de la découverte du corps, une meute de journalistes a voulu rentrer dans leur jardin. Mais la presse n’a pas empêché l’enquête de se dérouler. Qui vise-t-on alors ? L’instruction ! 23 000 pages.”

“Depuis septembre 2017. Le travail des juges d’instruction a été exemplaire. Le magistrat est un juge contrôlé, par la chambre de l’instruction, par des demandes d’actes. Il offre des garanties d’instruire à charge et à décharge. Et il y a la collégialité, car trois juges ont été désignés dans ce dossier. Malgré mes démarches et celles du parquet, les juges ne nous ont pas suivis sur le terrain du viol de Maëlys, alors que nous avions des pistes. Leur ligne, c’était la prudence. C’est la preuve de l’impartialité objective des juges d’instruction. Avec une affaire surmédiatisée à outrance, il fallait une instruction exemplaire et elle l’a été. Personne n’a jamais vu le visage des juges d’instruction dans la presse.”

“Les experts sont d’accord sur la dangerosité de l’accusé et sur les risques de récidive.”

L’avocat évoque à présent la personnalité de l’accusé. “Les experts nous ont dit que ses hallucinations était une simulation, qu’il avait une capacité à entrer en contact avec ses victimes, il a des capacités sociales. Ses amis ont dit qu’il était sympa. Les experts sont d’accord sur la dangerosité de l’accusé et sur les risques de récidive. Autre raison d’être inquiet : la famille de l’accusé. Y a-t-il un pôle de stabilité ? Je l’ai cherché comme un oasis dans le désert. Un exemple qui m’a frappé, c’est Sven qui dit que son frère était un bon élève ! Or, il a arrêté l’école en troisième. Où est la lucidité, le bon sens de cette famille qualifiée de pathologique. Ce qui est inquiétant, c’est l’étendue du panel de ses victimes, du militaire à une fillette de 8 ans, en passant par ses deux petites-cousines.”

“La perversité de l’accusé, qui dit sur un ton banal, que si Anouchka lui avait répondu ce soir-là, il n’aurait pas tué Maëlys.”

“L’accusé a consulté grâce à un portable entré illégalement en prison des sites pédopornographiques, le 24 novembre 2021. Nordahl Lelandais a-t-il vraiment changé ? Cela date d’il y a trois mois à peine ! Je me questionne sur la sincérité de l’accusé. Mettre Nordahl Lelandais face ses crimes ? Il est incapable d’introspection, de prise de recul. Un exemple : cette écoute téléphonique avec son ex-compagne, Anouchka. Il lui dit, en mars 2018 : ‘Tu m’aimes ?’ Comme un ordre. Anouchka, après le week-end du meurtre de Maëlys, elle lui demande ce qu’il a fait. ‘Rien de spécial’, lui répond-il. La perversité de l’accusé, qui dit sur un ton banal, que si Anouchka lui avait répondu ce soir-là, il n’aurait pas tué Maëlys. Indécent encore quand il dit que c’est Maëlys qui a insisté pour monter dans sa voiture.”

L’avocat revient sur les pseudos aveux du vendredi 11 février. “Alors que durant cinq heures, il avait maintenu le contraire et puis hier, à nouveau, il dit qu’il avait enlevé involontairement.” 

“Un arbre pourri ne donne pas de bons fruits” – Lettre des parents d’Arthur Noyer à l’adresse de Nordahl Lelandais

L’avocat lit une lettre reçue des parents d’Arthur Noyer. “Vous dites qu’il était un mec bien, vous dites qu’il y a eu une altercation entre vous, que vous avez vu son visage à la place de Maëlys. Non, ce n’est pas une altercation, vous avez commis un meurtre. Après le meurtre d’Arthur, vous avez continué votre vie normale. Arrêtez de vous servir d’Arthur pour faire croire à votre empathie. Vous êtes malfaisant, manipulateur, menteur, lâche. Que le visage de nos enfants morts sous vos mains vous hantent ! Nous refusons toujours vos excuses. Un arbre pourri ne donne pas de bons fruits.”

“Pour Maëlys, le motif sexuel est pour moi une évidence”

“Voilà ce que dit la feuille de motivation de la cour d’assises de la Savoie : ‘En faisant disparaître le corps et en empêchant toute constatation sur la scène de crime, il a volontairement privé les enquêteurs de connaître les causes de la mort du caporal.’ Pour Maëlys, le motif sexuel est pour moi une évidence. Pour moi, son portable, c’est son complice, le prolongement de son cerveau. Il le met en mode avion. Il efface des fichiers, des photos après les faits. Il y a aussi le contexte des agressions sexuelles sur les petites-cousines. Que s’est-il passé avant et après les vidéos. Il nous dit qu’il n’y a rien eu, mais je ne crois pas Nordahl Lelandais sur parole ! Le mobile sexuel est aussi évoqué dans une écoute téléphonique entre la sœur et la mère de l’accusé. La mère dit que son fils a tué la fillette car il l’a violée et qu’elle s’est débattue. J’ai lu cette écoute. C’est une pièce objective de ce dossier.”

“Pour moi, son portable, c’est son complice, le prolongement de son cerveau. Il le met en mode avion. Il efface des fichiers, des photos après les faits.”

“L’accusé avait bien consulté des sites pédopornographiques. Sur son portable, il y a huit photos d’enfants nus dans leur bain. Il y en a une de lui avec un enfant nu dans un jardin. Cela interroge, c’est malsain. Voilà son vrai visage. Et il y a cette photo pédopornographique, elle était planquée, dans son portable, par l’application KYMS “Keep You Media Safe”, avec un code secret. (…) On n’a pas de preuves scientifiques du viol de Maëlys, mais c’est à cause de l’accusé qui a laissé le corps dans la nature durant six mois.”

L’ancien procureur de la République venu témoigner. “Cette affaire lui tenait à cœur. Que vous a-t-il dit ? Que vous ne soyez dupes de rien, de bien cerner le vrai visage de l’accusé. Quand voulez-vous que Nordahl Lelandais rode à nouveau devant une boîte de nuit, une école, un collège ? Nous avons soumis les parents de Maëlys et sa sœur à une expertise, pour quantifier un préjudice, sur le déficit fonctionnel et les violences endurées. Le déficit fonctionnel est évaluée à 75%, d’habitude c’est 20%. Le barème des souffrances endurées. 4/7 pour une fracture. 6/7 tétraplégie ou un grand brûlé. Pour mes clients, la cotation est 6,5/7 !”

L’avocat s’approche de la barre à cet instant. “Je veux vous faire part du préjudice de Jennifer. Je voudrais que vous, jurés, vous vous mettiez à sa place. Vous voulez prolonger l’été et vos vacances au Portugal, sous le soleil. Vous avez partagé avec vos deux princesses des moments d’intimité chez le coiffeur. Après la route, vous arrivez au mariage. L’amour est là, partout, concret, évident. Ces moments de partage sont si précieux. Vous êtes heureuse d’être une mère, de ce que vous apporte la vie, d’être une femme. Vous retrouvez vos proches. Maëlys a hâte de changer d’école, car elle a vécu une année scolaire difficile. Encore un peu de douceur avant la rentrée et le retour au quotidien, au travail, à l’hôpital. Un mariage, c’est l’occasion de mettre sa vie en perspective.”

“Vous cherchez votre fille avec la dernière énergie et ce type en tee-shirt bleu, où est-il ?”

“Vous entendez les éclats de rire de votre petite Maëlys, son énergie vous donne tant de force pour affronter le quotidien. Mais votre fille court un danger mortel, un regard noir, malsain est posé sur elle, quelqu’un de pervers. Votre fille est sur vos genoux, elle repart jouer, vous ne le savez pas, mais vous ne la reverrez jamais. On vous invite à danser sur la chanson préférée de Maëlys, ‘Sapé comme jamais’. Maëlys n’est pas sur la piste de danse. Une angoisse sourde s’empare de votre corps. Mais, elle est où Maëlys ? Vous cherchez votre fille avec la dernière énergie et ce type en tee-shirt bleu, où est-il ? Vous sentez au fond de vous de la terreur. Vous l’avez compris, c’est une question de vie ou de mort. Mais, elle est où Maëlys ? Il faut appeler les gendarmes. Pourvu qu’ils la retrouvent. Vous donnez une photo de votre fille, en tenue pour le mariage, aux gendarmes, que vous retrouvez sur votre portable. En vous, il y a ce vide abyssal, qui vous terrifie. Mais, elle est où Maëlys ? Votre père arrive, mais, non, votre fille, n’est pas avec lui. Votre effroi est partagé par vos proches, dans quelques heures, il le sera par des millions de Français.”

“Les recherches ne donneront rien. Et lui, dans sa prison, ne dit rien.”

“Un hélicoptère décolle pour le Jura pour prélever un doudou de Maëlys pour que son odeur aide les chiens à la localiser. Et soudain, vous vous souvenez de ce regard, qui vous avait intrigué. Plus tard, cet homme sera mis en examen et incarcéré. Votre intuition était la bonne. Vous aurez accès aux images de vidéosurveillance. Vous verrez la silhouette de votre fille dans la voiture de cet homme. Mais les recherches ne donneront rien. Et lui, dans sa prison, ne dit rien. Pourtant quelques mots de sa part suffiraient pour que le cauchemar cesse. Six mois de prise d’otage sciemment voulue par celui-ci, six mois de torture. Son petit plaisir consistant à vous tenir en haleine. Six mois durant lesquels vous êtes sous médicament, vous pleurez mais les larmes ne coulent plus. Dans un cauchemar, vous voyez votre fille qui vous dit qu’elle a été violée. Dans un autre, tout cela n’a jamais existé et au réveil, le cauchemar reprend. Il raconte que la mère d’Arthur a fait le même cauchemar. Son fils l’appelait, pour qu’elle vienne le sauver, il lui disait qu’il avait froid. Même deuil impossible, même souffrance insondable.”

L’avocat termine par l’enterrement de l’enfant, dans son petit cercueil blanc. Il saisit de l’agenda scolaire de Maëlys, les pages sont vierges. “Nordahl Lelandais, vous n’avez pas donné la mort, vous l’avez arrachée à la vie. Mettez vous ça dans la tête. Mesdames et messieurs, la famille de Maëlys vous fait confiance. Rendez un jugement sans vengeance mais sans naïveté. En fonction de la peine que vous donnerez, cela montrera que vous avez compris qui était Nordahl Lelandais.”

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17h08. Dernière plaidoirie. Cette fois, c’est Fabien Rajon qui prend la parole. Il est l’avocat “historique” côté parties civiles. Il représente, avec Armel Juglard, la famille maternelle de Maëlys (mère, sœur, grands-parents maternels). Au début de sa prise de parole, il tient d’abord à féliciter Colleen, la grande sœur de Maëlys, qui avait pris la parole pour dire sa souffrance et interpeller l’accusé. “Je suis certain que tu vas t’épanouir, qu’un garçon, un vrai, te prendra par la main et que tu donneras la vie. Oui, la vie vaut la peine d’être vécue. Colleen, ta vie n’est pas foutue. Regarde dans le box, ce qu’est une vie médiocre. Une vie que Nordahl Lelandais a lui-même réduite à néant par ses seuls choix et pas par une maladie mentale. Après ce procès, il ira dans les poubelles de l’Histoire.”

Fabien Rajon et Armel Juglard, deux avocats représentants la mère de Maëlys
Fabien Rajon et Armel Juglard, deux avocats représentants la mère de Maëlys © Radio FranceVéronique Pueyo
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“Nordahl Lelandais a déjà tué Arthur Noyer, il va tuer de nouveau. Alors que Maelys est en chemin en voiture, lui connaît déjà le chemin qu’il a arpenté. Son âme salie par le vice et souillée par la mort est le parfait reflet inverse de celle qu’il va tuer. Imaginez la souffrance de cette enfant, lorsqu’on a vu les images de reconstitution, cela a été un moment glacial. Il va créer un mensonge, l’animer, le vivre. Nourrir son récit. Le mensonge, il l’a utilisé pour tromper la justice, les enquêteurs et priver la famille de la vérité. Ce ne sont pas les aveux forcés de vendredi qui vont vous leurrer. Vous savez la dangerosité de cet homme. Pervers narcissique, pédophile, psychopathe. Le masque n’est jamais tombé.”

“Pour la famille, il faudra avancer et la seule vérité sera celle de votre décision, de la justice pour Maëlys et des petites-cousines. Je veux partager avec vous un souvenir plus personnel. Je n’ai pas l’expérience des cours d’assises, me tenant devant vous pour la première fois. Je veux partager cette phrase qui a résonné en moi. Lycéen, j’avais été au musée de la déportation à Lyon. On a vu le film du procès Barbie. Il y a eu cette directrice de la maison d’Izieux. Quarante-quatre enfants raflés. Dans un cri de douleur, elle a dit à Barbie : ‘C’était des innocents !’ Nordahl Lelandais, vos petites-cousines, Maëlys étaient innocentes ! N’oubliez pas vos morts. N’oubliez pas Maëlys. Nous, nous le l’oublierons pas !”

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16h59. Reprise. L’audience reprend avec la plaidoirie d’Armel Juglard, un des deux avocats de la famille maternelle de Maëlys, aux côtés de Fabien Rajon.

16h25. Suspension. L’audience est suspendue jusqu’à 16h45. Elle reprendra avec les deux dernières plaidoiries, celles des deux avocats de la famille maternelle de Maëlys.

“Au moment du passage à l’acte, Nordahl Lelandais est loup, et au moment de dissimuler il redevient l’homme très organisé” – Laurent Boguet, avocat du père de Maëlys

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“Vos silences ont souvent été des réponses et vos réponses, des mensonges.” “J’ai toujours voulu être avocat, pour rechercher cette infime part d’humanité. Nordahl Lelandais, je vous en veux. Car on ne peut être aussi sourd et aveugle aux mains qui se tendent. C’était un procès d’hommes dignes et vous avez préféré votre cul-de-basse-fosse. Vous pensez maladroitement que cette cape de noirceur vous protège. Vous avez dit, dans le dossier, que vous descendiez de Guillaume le Conquérant et de Richard Cœur-de-Lion. Dans ce procès, vos silences ont souvent été des réponses et vos réponses, des mensonges. Je ne pense pas que chercher le point de bascule dans la vie de Nordahl Lelandais nous soit utile. Notre parcours de vie peut être cabossé mais cela ne nous conduit pas forcément dans le box des accusés. Un instituteur a dit de vous un jour ‘soit on en fait quelqu’un de bien, soit cela va être très compliqué’. Il était visionnaire cet instituteur !”

“Vous avez fait le choix de vous orienter vers le côté sombre.”

“Il s’est bunkerisé. Très difficile de pénétrer son fonctionnement psychique. Je crois à la responsabilité des êtres. La liberté des uns s’arrêtant là où commence celle des autres, vous connaissez l’adage. Vous avez fait le choix de vous orienter vers le côté sombre. L’oisiveté, mère de tous les vices, c’est un choix. C’est un choix aussi quand il choisit les toxiques. Notre heure n’est plus indiquée à votre montre. Le libre déterminisme, c’est cela. Vous n’êtes pas malade. Vous n’entendiez pas des voix. Choisir, c’est renoncer à être parmi nous, c’est vous exiler. Vos copains de la communale vous voyaient bloquer sur vos 15 ans.”

“Il mène son existence en chauffard”

“Lui, il préférait se mettre en scène sur internet, avec ses pectoraux de légionnaire. Il se présente sous ses meilleurs atours sur les sites, il s’hypersexualise. En passant votre vie sur internet, vous recherchez l’excitation, sans contrainte. Il noie sa solitude psychique dans des bagarres. ‘Nono le barjot’, encore à l’œuvre. C’est phallique, viril, une façon de dominer l’autre. Nordahl Lelandais découvre, mais jamais ne bâtit, comme les conquistadors. Il pille, c’est un pilleur d’existence et puis il s’en va, une fois qu’il est servi. C’est ça, ce que m’inspire son cheminement.”

“Il mène son existence en chauffard et malheur à vous si vous croisez sa route quand il a décidé d’accélérer, car la vitesse ça grise, jusqu’à ce qu’on prenne le mur. Quand il y a des constatations scientifiques, de l’ADN, alors on en lâche un peu. C’est ce qu’il fait, du bout des lèvres. L’animal a cédé la place à l’homme intelligent, il ne veut pas finir coincé dans les cordes. J’ai défendu des gens qui s’effondrent d’avoir commis un homicide, comme un délit routier. Lui, il donne la mort à Arthur et il reprend sa vie. C’est la chronique d’un drame annoncé, c’est l’arrivée du mur. Sur ce genre de circuit, il n’y a pas de stand. Ses dérives s’organisent au long court. On épuise la relation hétérosexuelle, on cherche l’excitation dans des scénarii qui vont loin. Et il s’intéresse aux enfants.”

“Le loup dévore l’agneau.” “Il y a eu des captations d’images pédopornographiques sur ses petites-cousines avant le drame du 27 août 2017. Comme un trophée, un fétiche. Dans une vie de désœuvrement, après son rail, sa clope et son café, il est à l’ouvrage, des heures à s’exciter visuellement à rechercher des partenaires. Et comme cela ne suffit pas, vous vous transformez en homme-loup. Et le loup dévore l’agneau, l’innocence, qui se désaltère dans l’eau pure. C’est important les fables. Maëlys est dans un château fort, l’endroit où jamais rien ne doit se passer. Le seul moment où les parents se disent ‘on est entre nous, une baby-sitter s’en occupe, on va pouvoir s’amuser en famille, avec des amis.’ Et c’est là qu’il décide de frapper. Je ne sais pas si son souvenir vous hante. La grâce qui était la sienne dans sa petite robe blanche, bronzée de son séjour au Portugal, les cheveux tressés.”

“Maëlys vous parle par ma voix. Elle vous dit que vous avez menti, qu’elle croyait que vous étiez gentil, tonton Nono”

“Il l’a repérée au vin d’honneur. C’est mon avis, mais vous l’avez repérée au vin d’honneur, et vous vous dites ‘on va lancer la ligne’. Et la petite, elle mordait. Par ma voix, elle pourrait vous dire : ‘Tu leur as pas dit la vérité, pendant quatre ans, que tu m’as emmenée, moi je t’ai cru.’ Maëlys vous parle par ma voix. Elle vous dit que vous avez menti, qu’elle croyait que vous étiez gentil, tonton Nono, car vous aimiez les chiens, comme elle. Il inspire confiance à cette petite gosse, car elle le voit à la table des mariés. Personne ici ne penserait à embarquer une gosse de 8 ans, sans le consentement de ses parents.”

“Ses mensonges sont ses fantasmes et ses fantasmes sont sa réalité”

“Lelandais quand il ment, il ne transpire pas sous les bras. Il croit ses mensonges, il serait sans doute prêt à passer au détecteur de mensonges. Ses mensonges sont ses fantasmes et ses fantasmes sont sa réalité. C’est effroyable d’animalité, quand il la tue à coups de poing, il a du sang sur les mains, au sens propre du terme. C’est le loup. Et après, il y a l’homme qui se dit qu’il doit effacer son crime. En amont du remords, il faut du ressenti. C’est de cela dont vous êtes saisi, mesdames et messieurs les jurés. Les psychiatres vous l’on dit, on a à faire là à un cas exceptionnel.”

“Écoutez la pitié du père de votre suppliciée”

“J’ai appris que vous aviez demandé à quelqu’un d’aller sur la tombe de votre victime. Respectez-là ! Dites à ses parents pourquoi, ce n’est pas grand chose à l’égard de ce que vous leur avez pris. Il pleure quand il parle du décès de son chien, mais ne ressent rien à propos de sa petite victime. Il emprunte à ses chiens la prédation animale, voilà ce que moi j’ai compris du fonctionnement psychique de celui qui vous a bousillé la vie, de ce muet dans le box. La première fois que j’ai rencontré Joachim, il n’arrivait pas à en parler, il avait une peur bleue de ce procès. C’est un beau personnage, car il est capable, après être passé à la barre, de vous regarder en disant que vous lui inspiriez la pitié. Le dernier regard que Maëlys a croisé c’est le vôtre. J’espère que vous le ressentirez un jour. Écoutez la pitié du père de votre suppliciée, emportez-la dans le cachot que vous vous êtes construit et j’espère qu’un jour elle vous éclairera.”

L'avocat Martin Vatinel, avec Me Boguet au second plan
L’avocat Martin Vatinel, avec Me Boguet au second plan © Radio FranceValentin Pasquier
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15h21. Nouvelle plaidoirie. Fin de la plaidoirie de Martin Vatinel, la parole est donnée à Laurent Boguet, également représentant de Joachim De Araujo, père de Maëlys.

“Il nous a fallu raconter avec des mots simples et justes, la vie qui était la sienne, le parcours de vie d’un homme simple, vrai et authentique” – Martin Vatinel, avocat du père de Maëlys

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“On n’est plus devant la télévision.” “La crainte, l’émotion ou la haine vous ont peut-être effleurés durant l’audience mais vous saurez vous en éloigner, car ces trois semaines de débats ont été très dignes. Les parties civiles ont été très dignes et vous n’oublierez pas cela à l’instant de délibérer pour respecter votre serment. On n’est plus devant la télévision. Il n’y a plus de sensationnel. Ce sont juste trois semaines de factuel. Je suis sûr que comme moi, vous avez senti la présence de Maëlys, dans cette salle d’audience.”

“Juger ce dossier c’est regarder, sans haine et sans crainte, ces atrocités. Jennifer serre depuis le début la photo de sa fille tout contre elle. Il y a son portrait peint, lumineux, contre la noirceur de l’accusé. Maëlys, c’était l’énergie frénétique de ces petits êtres qui veulent tout ressentir. Une petite fille pleine de vie. Elle vient de finir des vacances simples, de bonheur pur, au Portugal. Maëlys est pétrie d’espoir, car elle va changer d’école pour repartir sur un nouveau cycle. Elle avait préparé son cartable, pour que sa rentrée soit belle. Ces feutres, ces couleurs qui la caractérisaient tant.”

“Elle avait préparé son cartable, pour que sa rentrée soit belle.”

“Cette petite fille connait ce jour-là la liesse d’un mariage, elle rencontre des enfants, va vers ses parents, sa sœur, elle joue au ballon. Elle en profite à belles dents. Ses grands-parents lui proposent de rentrer, elle ne veut pas, elle s’amuse. Maëlys s’est fait belle pour aller à ce mariage, elle choisit de se faire des tresses, elle choisit sa robe. Mais sa famille ne l’accompagnera jamais à l’autel de son mariage. Elle est portée par ce père qui ne peut imaginer le drame qui se trame, le gouffre dans lequel il va sombrer. Quand il la repose, peut-il imaginer que c’est la dernière fois qu’il la serre dans ses bras ? En croisant la route de Nordahl Lelandais, il refermera sur la petite suppliciée les portes d’un enfer sombre, terrifiant. Peut-on seulement imaginer qu’elle ait eu envie d’aller voir ses chiens à ce moment-là ?”

“Vous avez entendu ses os craquer.”

Maître Vatinel se tourne alors vers l’accusé, droit dans les yeux, il le fixe et ne va plus le lâcher.À l’instant où vous arrachez cette enfant aux baisers de sa mère, aux bras de son père, vous savez pourquoi vous le faites, même si vous ne le dites pas. Le mobile ! Vous seul savez ce que vous lui avez imposé. Ce qui se joue à cet instant, c’est ce que disent les experts. Un état dissociatif, un crime psychologique ? Peu probable qu’il soit pris de vision au moment de tuer Maëlys. Le pauvre cadavre de cette enfant abandonnée dans la nature de longs mois. Mais les fractures ? Votre colère s’abat sur le visage innocent. Bien sûr qu’elle a crié, a supplié de retrouver ses parents, cette joie. Vous avez entendu ses os craquer. Il y a cette enfant de 8 ans qui agonise sur le siège passager, puis dans le coffre, tout ce sang qui coule et que vous avez voulu effacer. Une scène d’une telle violence !”

“L’espoir s’arrêtera le 14 février 2018.” “Joachim est à des années-lumière de percevoir le drame qui vient de se jouer. Sa fille était là il y a encore quelques instants. Elle jouait pieds nus. Mais ce murmure, à cet instant : où est Maëlys ? Il pense qu’il va la retrouver. Petit à petit, le murmure se transforme en cris, l’inquiétude grandit, on la cherche frénétiquement. Ce murmure devient le cri de Maëlys, dans le silence de cette nuit noire. Elle a crié mais trop loin, son père ne l’a pas entendue. Les gendarmes arrivent, les chiens cherchent partout, les hélicoptères. Le père ne sait plus où il est. Et il restera dans cette torpeur, cette panique pendant six longs mois. Il caressera l’espoir de la retrouver vivante.  L’espoir s’arrêtera le 14 février 2018. C’est vous qui l’avez alimenté, Nordahl Lelandais, en vous taisant.”

Les parents de Maëlys, Joachim et Jennifer, sont émus lorsque sont évoqués les bouleversements dans leur vie du couple. “Ce 14 février, c’est le naufrage définitif de Joachim dans les ténèbres de cette mer déchainée. On a retrouvé sa fille, ou du moins ce qu’il en reste. C’est l’effondrement. Cette plongée dans l’abysse, c’est un tsunami émotionnel, il perd sa femme qu’il aimait depuis 20 longues années. Ensemble ils avaient construit quelque chose de vrai, de simple, cette famille, même si sa vie n’a pas toujours été simple. Tout ce qu’ils ont construit est anéanti en l’espace d’un instant. Le regard qu’on chérissait tant nous renvoie à Maëlys, on ne peut plus le supporter, tout comme cette maison, dans laquelle Maëlys refaisait sa chambre avec son père. Colleen va s’éloigner de son père. Dans ce naufrage, Joachim De Araujo perd sa femme, sa fille, celle qui reste, son travail. C’est par un long chemin de croix de quatre ans et demi qu’il se présente devant vous.”

25 kilos / 28 kilos. “Il faut vivre pendant quatre ans et demi avec les images de la robe lacérée de sa fille, ses mèches de cheveux coupées. Il n’était pas venu ici pour entendre les excuses de Nordahl Lelandais. Il espérait beaucoup mieux. Il faut vivre pendant quatre ans et demi avec les images de la robe lacérée de sa fille, ses mèches de cheveux coupées. Il n’était pas venu ici pour entendre les excuses de Nordahl Lelandais. Il espérait beaucoup mieux. Au cours de ces quatre ans et demi, il a perdu 25 kilos. Il l’a expliqué : ‘c’était ma façon à moi de ne plus affronter le regard des autres’, que ce cortège de maladroits ne le reconnaisse plus comme le père de Maëlys. Quand on perd un enfant, il n’y a pas de mot pour dire cela. 28 kilos, c’était le poids de Maëlys. Il est amputé, Joachim De Araujo. Il vous l’a dit, aujourd’hui, c’est un papa perdu en mer, sans rivage, sans destination. Alors, oui, il est lourd votre serment, Mesdames et messieurs les jurés. Vous le respecterez car il n’a pas crié vengeance, il a seulement réclamé justice.”

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14h37. Reprise de l’audience avec la suite des plaidoiries. Pour le père de Maëlys, l’un de ses deux avocats, Martin Vatinel, prend la parole et il s’adresse aux jurés. “Peut-être tremblez-vous à l’idée de rendre justice, car c’est le plus beau des rôles à cet instant.”

13h01. Yves Crespin quitte la scène. L’avocat des associations “L’enfant bleu” et “La voix de l’enfant” va raccrocher. Il prétend que personne n’arrivera à connaître Nordahl Lelandais à l’issue de ces quinze journées de débats devant les Assises de l’Isère.

“L’absence d’empathie se ressent terriblement, l’accusé n’a rien donné”

12h49. Suspension. Après ces deux plaidoiries côté parties civiles, l’audience est suspendue à la mi-journée. Suite cet après-midi avec deux autres plaidoiries des parties civiles. Reprise prévue à 14h30.

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“Vous êtes un prédateur sexuel.” “Je ne le souhaite pas, mais la bombe à retardement est là. Comment vivront-elles ce qui leur est arrivé quand elles vont grandir, même si elles étaient endormies lors des agressions ? Les parents seront attentifs, dans les années à venir. En espérant que tout aille bien… Aujourd’hui, Émilie et Marie ne vont pas forcément bien. Elles ont mal au ventre quand elles vont à l’école. Émilie, des fois, se met à pleurer en classe. Les résultats de Marie baissent alors que c’est une bonne élève. Ça, ce sont les conséquences directes !”

“Vous avez cherché une proie”

“Vous êtes un pédophile, vous êtes un prédateur sexuel. Je comprends que ça ne vous plaise pas, c’est inavouable. Vous êtes un prédateur sexuel, oui ! Vous avez cherché une proie. C’est ça un prédateur sexuel et vous allez recommencer. Des réponses, vous pourrez encore en donner. Car vous aurez la parole en dernier. (…) On n’est pas dupe, Nordahl Lelandais essaie de berner tout le monde. Il avait l’intention d’aller au-delà de simples caresses… Est-ce qu’il ne l’aurait pas refait encore, s’il n’avait pas été arrêté ? Malheureusement, je n’ai pas retrouvé son portable dans le lac du Bourget mais il aurait pu recommencer.” (Caroline Rémond est convaincue que Nordahl Lelandais a filmé la mort de Maëlys, ndlr) “Comme le font les pédophiles, Nordahl Lelandais ne filme pas les visages des enfants. Allait-II garder ses vidéos pour lui ? Les mettre sur des sites pédopornographiques ?”

“Fétichisme”, cocaïne, alcool. Caroline Rémond rappelle le mot de l’expert-psychiatre qui a parlé de “fétichisme” à propos des vidéos tournées. L’avocate évoque aussi l’alcool et la cocaïne dont a parlé l’accusé, des “circonstance aggravantes” mais rien de plus tient-elle à affirmer. “Il dit qu’il a manqué de courage au moment des faits, mais il n’en n’a pas plus aujourd’hui. Il n’a même pas regardé les images de Maëlys que la famille a souhaité diffuser pendant l’audience.”

“À ses petites cousines, il leur a enlevé ce qu’on aimerait bien tous retrouver dans cette salle : leur innocence.”

“Je voudrais dire un mot sur mes clients, des choses qui les hantent et qu’ils n’ont pas livrés à la cour. Ils se concentrent sur leur rôles de parents, ils n’ont plus d’intimité, que ce soit dans un couple ou dans l’autre. Ils ne voient que cette image de ce qui a été fait à leurs filles. Voilà une autre conséquence de ce qui s’est passé, même si cela n’a rien à avoir avec la douleur de la famille De Araujo. Nordahl Lelandais a enlevé la vie à Maëlys. À ses petites cousines, il leur a enlevé ce qu’on aimerait bien tous retrouver dans cette salle : leur innocence. Aujourd’hui, elles savent ce qui leur est arrivé. Elles ne la retrouveront pas. Cette affaire Lelandais, vous ne l’oublierez jamais. Ce n’est pas de Nordahl Lelandais dont il faudra se souvenir, c’est de Maëlys De Araujo, et je vous demanderai d’emporter aussi avec vous dans votre délibéré le visage de Marie et Émilie.”

Caroline Rémond
Caroline Rémond © Radio FranceValentin Pasquier
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12h07. Maitre Rémond, avocate des petites-cousines, commence sa plaidoirie. Elle remercie d’abord les parents de Maëlys pour leur grande dignité et salue le courage de Colleen, la grande sœur de Maëlys. Caroline Rémond représente deux couples, les parents des deux petites-cousines de Nordahl Lelandais. L’accusé les a agressées sexuellement en 2017, il a filmé son acte pendant leur sommeil. Les vidéos ont été retrouvées sur un téléphone portable. Il était d’ailleurs le parrain de l’une d’entre elles. Caroline Rémond a tenu à verser aux débats les photos des visages des deux enfants, agressées par l’accusé, à l’âge de 4 et 6 ans en 2017. “Nordahl Lelandais n’avait filmé que leurs sexes. Je voulais que vous sachiez qui sont ces deux petites filles.” Âgées aujourd’hui de 8 et 10 ans, les faits leur ont été expliqués au début du procès par leurs parents. 

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“Vous ne pourrez jamais comprendre cet homme.” L’avocat poursuit toujours avec beaucoup de solennité : “Vous avez à juger un homme qui n’est pas un monstre mais qui est un mystère. Qui êtes-vous, monsieur Lelandais ? Le bon copain impulsif, l’anorexique du travail, l’addict à la drogue, au sexe, incapable d’exprimer ses émotions, son empathie. Je vois en lui un démiurge qui donne la vie à celles qui n’en veulent pas et la mort a ceux qui n’ont rien demandé. Il a été arrêté à temps, Maëlys n’est peut-être pas morte pour rien. Vous ne pourrez jamais comprendre cet homme. Comme le dit Malraux, ‘si on le comprenait, on ne pourrait pas juger.’ Vous allez vous retirer avec des images, nos impressions, vous allez avoir des questions posées par la présidente. mais vous aurez toujours des questions sans réponse. Pourquoi enlever Maëlys, la tuer ? Pourquoi cette bascule de 2017 ?”

“J’ai ressenti que cet homme était très absent de son procès et pourtant c’est son procès, à lui, le criminel atypique …qui a fait de pseudos aveux avant d’y revenir. Un jour, il reviendra dans la communauté des hommes. La prison, comme une rédemption ? Acceptera-t-il le poids de ses crimes pour s’en libérer ? On ne peut pas comprendre ces crimes contre des enfants. Comment arrêter cela ? Comment lutter contre la maltraitance des enfants ? Il faut s’engager auprès des associations.”

“Je n’oublierai pas le beau visage de Maëlys et la dignité de ses parents”

“Il est temps pour moi d’arrêter, de quitter le bal des affreux et d’aller faire des pâtés de sable avec mes petits-enfants. Mais je n’oublierai pas, madame la présidente, la façon dont vous avez conduit cette audience. Je n’oublierai pas le beau visage de Maëlys et la dignité de ses parents, les vidéos glauques de Nordahl Lelandais sur ses petites-cousines. Après 30 ans de militantisme, la boucle se referme. Je me souviendrai de ce petit Gabin, mort de faim et de soif, en 2021 en France, à 22 mois, avec le poids d’un enfant de 8 mois.” Et il se tourne vers les parties civiles : “il faut vous battre pour Maëlys, pour elle.”

Yves Crespin
Yves Crespin © Radio FranceValentin Pasquier
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“Alors, il y a eu ses aveux de vendredi, aussi sincères qu’une déclaration d’impôts” – Yves Crespin, avocat des associations “L’enfant bleu” et “La voix de l’enfant”

11h35. Reprise, Yves Crespin se lève la gorge serrée. L’audience reprend avec la première plaidoirie des parties civiles. Yves Crespin représente les associations La voix de l’enfant et L’enfant bleu. “Ce sera mon dernier procès d’assises à 75 ans, après cinquante ans de barreau. J’aurais sans doute de l’émotion dans la voix et vous m’en excuserez. Comme le dit le grand Robert Badinter, ‘une cour d’assises est le centre géographique de la douleur’. Ce que j’attendais de ce procès ? Un peu d’humanité de l’accusé envers les familles. Alors, il y a eu ses aveux de vendredi, aussi sincères qu’une déclaration d’impôts, mais il faudra en tenir compte. Avec les associations que je représente, on a obtenu en 2004 le fichier des délinquants sexuels. À l’issue de ce procès, ainsi, on demandera le huis-clos soit de droit dans les affaires d’agressions sexuelles sur des mineurs.”

11h10. Suspension. Audience suspendue jusqu’à 11h30, avant plaidoiries des parties civiles. 

10h40. Le viol de Maëlys n’a pas été retenu. La présidente du tribunal lit l’arrêt de la chambre de l’instruction qui a rejeté le réquisitoire supplétif demandant la mise en examen de Lelandais pour viol, suite aux témoignages du codétenu et du gardien de prison. Il n’y avait pas assez d’indices graves et concordants. Lors du procès sur le meurtre d’Arthur Noyer, la Cour et les parties civiles n’avaient pas gardé le témoignage de l’ex-codétenu. L’avocate générale avait alors justifié : “Quoi que Nordahl Lelandais vous ait éventuellement dit, cela ne veut pas dire que ça serait la vérité. Ce ne sera pas un témoignage sur lequel l’accusation se fondera.” Et l’avocat de la famille d’Arthur Noyer, Bernard Boulloud avait surenchéri à l’époque pour mettre en doute le témoignage de Farid C : “Que diable doit-on retenir de vos déclarations, sinon rien ?” 

Précisons aussi que juridiquement, le fait d’entendre des conversations à l’insu de la personne concernée, pour un agent pénitentiaire, est considéré comme contraire au droit de se taire, dont dispose toute personne, et au droit de ne pas s’incriminer soi-même.

10h26. Nouvelle lecture d’audition, celle du PV de la directrice de la prison de Saint-Quentin-Fallavier. “J’ai garanti sa sécurité en le plaçant en détention. Il était beaucoup insulté. Farid était dans une cellule voisine. Ils pouvaient  se parler par la fenêtre. Farid C. a été placé à l’isolement car comme c’est un indicateur il était menacé.” Elle ne l’a pas placé intentionnellement à côté de Lelandais. “Il a ensuite demandé à ne plus être à côté de Nordahl Lelandais, il était bouleversé mais n’a pas pu me redire les mots exacts. Farid n’avait pas été missionné pour faire parler Lelandais.”

10h07. Pas de raison de douter. Selon le gardien de prison, il n’a y a pas de raison de douter de Farid, un “indic“. “Presque tout ce qu’il nous a indiqué par le passé, s’est avéré exact”, explique-t-il. Le surveillant ajoute : “J’ai rapporté oralement à ma hiérarchie ces propos que j’ai entendus. J’ai fait une erreur de ne pas le noter dans mon rapport. J’étais en plein divorce, je ne voulais pas être associé à une affaire aussi médiatique.”

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Derrière ces lectures de procès verbaux, celle d’un codétenu ou celle encore d’un surveillant pénitentiaire, c’est bien le mobile sexuel de l’agression qui est essentiel. Certes, les propos versés au dossier sont des propos rapportés, des propos indirects, mais ils pourraient donner accès à une vérité, celle que l’accusé réfute depuis le début. Nordahl Lelandais a pu évoquer des penchants pédophiles, lors de l’évocation des agressions sexuelles sur deux petites-cousines en 2017, mais concernant Maëlys, il parle toujours de ses chiens, d’enlèvement volontaire (pour aller voir des chiens à 2h46 donc), de ne pas avoir eu la volonté de donner la mort lors de la portée de ses coups violents sur fillette

Rappelons que l’état du corps de Maëlys, découvert après avoir passé tout un automne et un hiver à l’air libre, six mois dans une zone boisée, découvert le 14 février 2018, n’a pas permis d’infirmer ou de confirmer le viol. Nordahl Lelandais n’est d’ailleurs pas renvoyé devant la cour d’assises pour ce crime. Le mobile sexuel, les pulsions, l’excitation, le possible viol de cette nuit du 27 août 2017, lors d’une soirée de mariage, reste la grande interrogation au cœur de ce procès

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9h58. L’autre affaire, celle du meurtre d’Arthur Noyer. Le codétenu, et le surveillant dans son procès verbal, font allusion à Arthur Noyer. “Pour le caporal, Farid m’a raconté que selon Lelandais, Arthur lui a demandé une fellation. Lelandais s’est énervé, y a eu une bagarre, il a pris une grosse pierre pour le frapper à la tête. (…) Je savais pourquoi Lelandais était détenu, par les journaux. Je l’ai interrogé, en promenade. (…) Je maintiens ce que j’ai dit, je ne suis pas un menteur, j’ai rien demandé pour cela, j’ai fait ce que tout le monde aurait fait.”

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10h03. “T’arrivais pas à bander à cause de la coke ?” Le gardien lors d’une deuxième audition explique : “J’étais présent, dans sa cellule, quand ils ont échangé par les fenêtres, en août 2018 et je l’entends dire : ‘T’arrivais pas à bander à cause de la coke ?’ ‘Oui, c’est ça’ lui a répondu Lelandais.” [voir le paragraphe de ce direct à 9h35]. L’agent pénitentiaire a aussi plusieurs fois pris le temps d’aller voir Nordahl Lelandais notamment après ses parloirs en prison. Le gardien narre encore sur le procès verbal : “J’ai entendu Lelandais dire : de toute façon, c’était pas un viol, cela n’a pas duré cinq minutes. Le prénom de Maëlys n’a pas été prononcé mais ils parlaient bien de cela.” 

“De toute façon, c’était pas un viol, cela n’a pas duré cinq minutes” – Propos rapportés de Nordahl Lelandais par un surveillant pénitentiaire

9h54. Des posters de motos et la concurrence de l’affaire Daval. Dans son procès verbal, le surveillant décrit aussi ce sentiment très étrange, illustration de la médiatisation de l’affaire et du principal suspect de l’époque, Nordahl Lelandais, le personnage principal d’un feuilleton qui se déroule sur les chaîne d’infos en continu. Le gardien, dans son PV : “Lelandais a des posters de motos, dans sa cellule, on échangeait des banalités. Il regardait beaucoup BFM. J’ai l’impression que l’affaire Daval le dérangeait car cela lui faisait de l’ombre.”

Le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère
Le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère © MaxpppMourad ALLILI

9h47. Lecture suivante, celle de la déposition d’un surveillant pénitentiaire. Cette fois c’est un PV datant du 18 décembre 2018, un agent de l’administration pénitentiaire du centre de Saint-Quentin-Fallavier où a été détenu Nordahl Lelandais. L’agent explique que le suspect se faisait régulièrement insulter, jets de projectiles etc. “Je dirai qu’il est menteur et manipulateur (…) mais c’est un beau parleur.” Farid C. s’était confié à ce gardien. “Il était bouleversé, choqué, il a demandé de ne plus être voisin de cellule avec Lelandais. Dans mon rapport, je n’ai pas tout noté, c’était pour attirer l’attention.” Le gardien, dans son PV : “Pour Maëlys, Lelandais a donné deux versions. Dans l’une, il dit qu’il n’arrivait pas à bander car il avait pris de la cocaïne. Il a mis le doigt, pour lui ce n’était pas un viol. Il est revenu au mariage avec l’enfant dans son coffre. (…) Farid a donné de la coke à Lelandais, en échange de tabac. Pour moi, Farid n’est pas un grand délinquant, un petit escroc, mais qui a une sorte de morale.”

“Il a mis le doigt, pour lui ce n’était pas un viol” – Propos rapportés sur l’agression de Maëlys

9h40. Rien à y gagner. Farid C. explique durant son audition que personne ne lui a demandé de parler avec Nordahl Lelandais et qu’il n’avait rien à gagner en parlant de ces confidences. Il a par ailleurs suivi l’affaire à la télévision dans sa cellule. “On ne m’a pas demandé de le faire parler. Il savait que j’étais indic, et c’était plus pour le protéger. Je réagis comme père de famille, c’est pour ça que je raconte. (…) C’est ce qu’il m’a dit de sa bouche. Quand il y avait des émissions à la télé sur lui, les autres l’insultaient en lui disant qu’il n’était pas un homme de s’être attaqué à une petite fille. Je lui disais de ne pas répondre.”

“Comme elle ne se laissait pas faire, il l’a prise par les poignets pour ne pas qu’elle bouge.” – Propos rapportés sur l’agression de Maëlys

9h35. L’agression de Maëlys selon le codétenu. Farid, dans le procès verbal de son audition raconte : “Il a dit que Maëlys est montée pour voir ses chiens.” Il aurait pris de la cocaïne chez lui, à son retour dans la voiture, il aurait commencé à caresser. “Comme elle ne se laissait pas faire, il l’a prise par les poignets pour ne pas qu’elle bouge. Il n’arrivait pas à avoir d’érection. La petite fille criait fort, il lui a donné un coup à la mâchoire. Elle est morte, il l’a mise dans son coffre et est retourné au mariage.”

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9h30. Début de la lecture du PV de l’audition du 14 décembre 2020 du codétenu. Farid C. a affirmé que l’accusé  lui avait fait des confidences en prison, lui racontant comment il avait agressé sexuellement Maëlys avant de la tuer. La présidente débute la lecture. “Il y a eu des conversations entre les cellules et pendant les promenades. Il m’a tout de suite parlé.” Farid est un indicateur de police, il est donc placé à l’isolement aussi, il n’insulte pas Lelandais et la confiance s’installe. Au début il ne savait pas qui il était. “J’étais le seul à ne pas l’insulter en prison. Lelandais m’a parlé. On a commencé par un échange de cigarettes, il m’a dit qu’il s’appelait Nono. Je lui ai dit que je n’allait pas le juger” explique-t-il dans l’audition lue par la présidente.

9h23. La défense souhaite que la Cour passe un peu de temps sur le témoignage de l’ex-codétenu. Alain Jakubowicz, l’avocat de la défense regrette l’absence “du témoin le plus controversé du dossier”, Farid C. (qui avait déjà témoigné à la barre lors du procès du meurtre d’Arthur Noyer le 6 mai 2021 à Chambéry) qui n’a pas pu être amené ici. Il demande trois lectures complémentaires. “Une lecture, c’est plat, c’est froid, incompréhensible car il faut contextualiser tout ça”, plaide-t-il pour que la cour n’entende pas uniquement la lecture des PV du codétenu en défaveur de son client. “Je demande que vous fassiez trois autres lectures pour équilibrer, car ces lectures sont plates, sans la vie qui constitue l’exercice même des Assises.”

“Nous avons suffisamment d’éléments en intention de vérité” – Valérie Blain, présidente du tribunal

9h19. La présidente explique envisager de “passer outre” plusieurs témoignages. Valérie Blain explique qu’elle va “passer outre” l’audition des huit témoins défaillants, dont celle de l’ex codétenu Farid C. et l’ex-compagne de prison de l’accusé. Elle va donc donner comme seule lecture, le PV du codétenu du 14 décembre 2018, qui ne s’est pas présenté à la barre. La présidente ne souhaite donc pas de lire les déclarations de la grande cousine de l’accusé, qu’il est soupçonné d’avoir agressée, l’instruction étant encore en cours. “Nous avons suffisamment d’éléments en intention de vérité”, argumente-t-elle. L’avocat général Jacques Dallest retire toutes ses demandes à ce sujet et se range derrière l’avis de la présidente.

L'entrée du palais de justice de Grenoble, des affichettes avec le portrait de Maëlys sont placardées tout autour du bâtiment © Maxppp - Mona BLANCHET
L’entrée du palais de justice de Grenoble, des affichettes avec le portrait de Maëlys sont placardées tout autour du bâtiment © Maxppp – Mona BLANCHET

9h15. Sur les bancs dans la salle. La mère de l’accusé est de nouveau assise au premier rang, mais sa sœur n’est pas là. Les parents des deux petites-cousines sont également revenus au palais de justice de Grenoble pour entendre la plaidoirie de leur avocat.

9h10. L’audience reprend. La Cour, les jurés, les avocats et le public sont en place. Nordahl Lelandais, chemise noire, a pris place dans le box des accusés. “Veuillez vous asseoir”, indique la présidente.

8h58. Penser déjà à l’après-procès. Du côté des parties civiles, on pense déjà à l’après, après le verdict, après la médiatisation, loin des caméras et micros. Il faudra digérer la décision du tribunal et continuer un deuil. Pour la famille de Maëlys, ce sera une étape de plus, comme l’explique ci-dessous Fabien Rajon, avocat de la famille maternelle de la fillette.

“Quand on sera après le procès, loin des micros et caméras, il faudra continuer à soutenir cette famille tragiquement endeuillée” – Fabien Rajon, avocat de la famille maternelle de Maëlys

8h57. Le programme du mercredi après-midi. Les avocats de parties civiles vont prendre la parole et demander à la Cour et aux jurés de reconnaître la culpabilité de l’accusé.  La question du mobile sexuel, de la pédophilie, sera forcément soulevée par les parties civiles même si cela n’avait pu être retenu lors de la mise en accusation. Yves Crespin (avocat des associations “L’enfant bleu” et “La voix de l’enfant”) et Caroline Rémond (avocate des parents des deux petits-cousines) plaideront mercredi matin. Puis l’après-midi, ce sera au tour de Laurent Boguet (avocat du père de Maëlys) et de Fabien Rajon (avocat de la famille maternelle de Maëlys).

8h48. Au programme ce mercredi matin. En ouverture d’audience mercredi matin, avant les plaidoiries, il sera fait lecture au tribunal de déclarations de témoins qui n’ont pas être entendus pendant les débats pour des raisons diverses. La Cour et les jurés écouteront le témoignage d’une ex-compagne de Nordahl Lelandais, celle qui a lui a procuré un téléphone portable en détention. Elle a été dispensée de témoignage physique, ayant fourni un certificat médical. Il sera aussi fait lecture de la déposition d’un ancien codétenu de l’accusé qui affirme avoir recueilli ses confidences en détention. L’homme ne s’était pas présenté pour témoigner lors des premiers jours d’audience.

8h40. L’accusé est revenu sur les aveux du vendredi. À la-mi-journée mardi, Nordahl Lelandais était revenu sur des propos qu’il avait pu énoncer vendredi : oui il a volontairement enlevé Maëlys pour aller voir ses chiens mais non il n’a pas eu la volonté de la tuer. Ce volte-face n’a pas été une surprise : “on a bien fait de ne pas attendre grand chose de la parole de Nordahl Lelandais”, explique Fabien Rajon, l’avocat de la mère de Maelys. Ce qu’il retient surtout c’est “la dangerosité criminologique très élevée” de l’accusé.

8h34. Retour sur la douzième journée, deux expertises psychiatriques. Mardi, lors du douzième jour d’audience, Patrick Blachère, expert psychiatre, a dépeint à la barre un accusé “pénalement responsable”, avec un fort risque de récidive. Nordahl Lelandais n’a, selon lui, ni trouble délirant ni schizophrénie ni hallucinations mais “une intolérance à la frustration, une tendance à l’impulsivité, une personnalité hautaine, arrogante, impulsive. Sa propension à la colère apparaît évidente.” Le psychiatre a affirmé que l’accusé était pédophile. Mardi après-midi, Paul Bensussan, autre expert psychiatre, a éloigné tout espoir d’avoir un jour la vérité de la part de Nordahl Lelandais. Il a lui aussi évoqué un accusé psychopathe, manipulateur, dangereux, menteur pathologique et inhérent, avec une forte probabilité de récidive.

8h28. Bonjour à tous et bienvenue sur ce direct. Nous sommes ensemble pour suivre cette treizième journée du procès de Nordahl Lelandais depuis Grenoble. Celui-ci comparaît pour l’enlèvement, la séquestration et le meurtre de Maëlys De Araujo en 2017, ainsi que pour les agressions sexuelles sur deux de ses petites-cousines la même année, et pour détention d’image pédopornographique. Les débats reprennent à 9 heures.


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© Visactu

Bien comprendre l’affaire Lelandais 

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