Digitaliser les petits commerces, pourquoi est-ce si complexe ?

Digitaliser les petits commerces, pourquoi est-ce si complexe ?

On sait que deux commerces sur trois n’ont pas encore pris les devants de la digitalisation, faute de temps, de financement ou d’expertise IT. Un tiers de e-commerçants, c’est très peu, surtout si on compare aux 70 % de commerces physiques digitalisés chez nos voisins allemands.

Pour éviter les faillites, le gouvernement offre 500 euros aux artisans, commerçants et indépendants laissés sur le carreau, afin qu’ils entament un début de stratégie e-commerce. C’est toujours ça de pris, mais cette somme est loin de suffire à achever leur transition numérique.

Un site marchand n’est pas la seule brique pour opérer ce virage numérique, même s’il occulte les étapes antérieures nécessaires. Et là où le gouvernement semble laisser entendre que migrer son commerce en ligne peut se faire rapidement, dans les faits, cela peut prendre plusieurs années comme en témoignait la semaine dernière à ZDNet un vendeur spécialisé dans le prêt-à-porter.

En ces temps de confinement, ZDNet revient sur trois fondements numériques indispensables pour aider les TPE et PME à accroître leur business en ligne, multiplier les canaux de communication et fidéliser la clientèle.

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La vente à emporter, une affaire d’habilitation

Beaucoup de commerçants, et notamment des restaurateurs, sont depuis longtemps implantés localement et ont fait l’impasse sur le canal de distribution à emporter. Mais c’est en train d’évoluer avec les jeunes enseignes plus digitalisées, dont le business model repose en partie sur les plateformes de livraison à domicile.

Les boutiques n’ayant pas l’autorisation de recevoir du public pendant le confinement souhaitent basculer vers la vente à distance, et développer le retrait de commande (click & collect) quand c’est possible. Mais cela implique une dimension légale non négligeable.

Ces nouvelles pratiques supposent un changement de statut obligatoire, une procédure juridique qui reste largement méconnue. Jusqu’à la fin de l’année (au moins), Legalstart propose aux commerçants et restaurateurs de les aider à changer de statut sans engager de frais supplémentaire, là où il faut normalement faire appel à un expert comptable ou un avocat. « C’est important de donner aux commerçants toutes les cartes pour exercer leur métier », explique Timothée Rambaud, cofondateur de Legalstart, à ZDNet.

L’objet social doit décrire exactement l’activité sociale exercée. Concrètement, il faut rédiger un procès-verbal, remplir un Cerfa M2 et passer une annonce légale. « Toute la procédure est assez rapide. Nous proposons des services automatisés. Une fois la démarche entamée, les commerçants peuvent proposer la vente à distance. Cela prend encore une quinzaine de jours tout au plus, le temps de recevoir un retour du greffe », précise-t-il.

La legaltech, qui accompagne près de 200 000 entrepreneurs depuis six ans, a initié cette démarche solidaire dans l’optique de « suivre de près ce qu’il se passe ». Pendant cette période difficile, Timothée Rambaud observe que « beaucoup d’entrepreneurs sont demandeurs de conseils » sur les aides dont ils peuvent bénéficier et le cadre administratif dans lequel ils évoluent. « Les commerçants sont obligés d’être ultra réactifs, car s’ils ne le sont pas, c’est au bénéfice de pure-players plus installés. »

Il importe pour Legalstart de réaliser cette mise à jour des statuts « rapidement et à moindre frais ». Mais ce n’est pas totalement gratuit. Les frais incompressibles se montent à près de 300 euros, liés à la publication d’annonce légale de 150 euros et aux frais de greffe, compris entre 79,98 euros (société unipersonnelle) et 195,38 euros (société avec plusieurs associés).

Pour le reste, « on offre un accompagnement et une expertise difficile à chiffrer », ajoute Timothée Rambaud. En temps normal, il faut plutôt compter entre « 500 et 600 euros » pour réaliser cette formalité administrative. « Cela ne fait pas partie des dépenses qui font plaisir, bien que ça soit obligatoire. Il faut en passer par là pour passer à autre chose et se concentrer sur son activité principale. »

Les experts de Legalstart sont en première loge pour observer la vague de digitalisation. « Sur le marché des services juridiques, le phénomène de désintermédiation est en nette augmentation depuis la première vague. Nous avons doublé notre part de marché pendant le premier confinement, et de façon générale, on a gagné cinq ans en termes de digitalisation. »

Les places de marché, tiers de confiance dans la relation client

Quand on gère une petite entreprise, il peut être stratégique de se regrouper pour renforcer sa visibilité en ligne. Dans le BTP par exemple, où les TPE et PME sont encore éloignées de la transformation numérique, les prises de contact passent notamment par le bouche-à-oreille. Et, pour ce qui est de la gestion des finances, les boîtes n’ont pas abandonné leurs tableaux Excel. Un métier « qui n’a pas évolué depuis l’après-guerre », en somme, énonce Matthieu Burin, fondateur d’hemea, à ZDNet.

Hemea (ex-travauxlib) est une marketplace qui met en relation particuliers et professionnels de la rénovation. Elle agit en tiers de confiance pour délivrer une réception de chantier dans les temps et au juste prix.

Pour le confinement, hemea offre aux artisans son logiciel de devis et de facturation, “Club Pro”. Les professionnels disposent aussi d’une messagerie client et de la signature électronique pour continuer leur activité. « Le confinement est source de nouvelles contraintes : attestations, port du masque, gestion sanitaire, sécurisation… le digital leur fait gagner un temps précieux pour aborder plus sereinement leur chantier et mieux prendre soin d’eux », explique son fondateur.

L’offre “Essentielle” est en ce moment mise à disposition pendant 3 mois. Cela revient à offrir un bon de 150 euros à chaque artisan, là où le modèle d’abonnement classique se situe entre 50 et 300 euros par mois. Cette initiative solidaire avait déjà été proposée lors du premier confinement, avec une résonance plus confidentielle. Là, la stratégie est véritablement de l’ouvrir au maximum d’entrepreneurs. « C’est le meilleur moyen de faire tester un service », renchérit Matthieu Burin.

Une aubaine pour les entrepreneurs qui n’ont ni le temps ni les compétences techniques de se lancer sur le digital. « Les entrepreneurs du BTP ont de l’or dans les mains, mais on leur demande aussi d’avoir des compétences commerciales et administratives. Chez hemea, on leur facilite la vie, en quelque sorte. On met entre les mains des entrepreneurs des outils digitaux très puissants, qui ne sont pas plus compliqués qu’Excel. »

Hemea opère une sélection drastique des professionnels en vérifiant l’antériorité de leur société (deux ans minimum), leurs assurances et certifications. Elle interroge aussi les cinq derniers clients de chaque entreprise pour s’assurer de la qualité des précédents chantiers. La plateforme permet aussi des paiements sécurisés. « Il est nécessaire de rétablir la confiance entre les particuliers et les entrepreneurs du bâtiment. Hemea souhaite apporter de la transparence et normaliser les relations juridiques contractuelles dans ce milieu qui manque cruellement de protection juridique », souligne Matthieu Burin.

La plateforme endosse aussi le modèle de centrale d’achat, et appuie sur sa capacité à négocier des tarifs avantageux dans les matériaux, les assurances ou les véhicules. Cela ne change pas les habitudes d’achat des professionnels, mais peut leur faire économiser des deniers.

« J’ai l’espoir que la période que nous traversons fasse ressortir beaucoup de choses positives et permette de réveiller les consciences », confie Matthieu Burin.

Communiquer plus et miser sur le local

Pour les commerçants, tout l’enjeu est aussi de garder le lien avec leur clientèle de proximité. La plupart d’entre eux affichent des messages sur leurs portes. Pour répondre à l’urgence, il faut se focaliser sur ce qui est efficace, et pourquoi pas commencer par inscrire la page Instagram de la boutique ou l’adresse de landing page sur l’affichette visible depuis la rue, argumente Candice Gasperini, head of brand chez Sendinblue à ZDNet.

Sendinblue a relancé une opération solidaire pendant ce deuxième confinement, en mettant à disposition des commerçants physiques un “plan premium” pendant six mois, correspondant à l’envoi de 100 000 e-mails par mois. Ce plan comprend un support téléphonique gratuit et des fonctionnalités comme des campagnes de newsletters, l’envoi de SMS, la création de landing pages et le déploiement de chat live.

« La période des fêtes est critique pour tout le monde. Les commerçants ont tenté un lobbying pour faire interdire le Black Friday. Notre cheval de bataille, c’est d’essayer de donner des armes aux petits », explique Candice Gasperini.

Les actions à mener varient selon le profil du commerce. Les réseaux sociaux sont encore ce qu’il y a de plus simple, détaille la responsable. « On peut miser sur Instagram si on a des visuels à présenter, pour recréer un e-shop. Pour les très débutants, on conseille aussi de se concentrer sur la page Facebook et les newsletters pour présenter les produits de la semaine et les promotions », sans oublier un formulaire contact pour passer commande.

Il faut aussi tenir compte du référencement, souligne Candice Gasperini. Google Business fait le job pour être référencé localement. « Le but, c’est dans un premier temps de mettre en œuvre des solutions rapides », assure-t-elle. Rien ne sert non plus de se disperser : « il faut être présent là où il y a du ROI, s’y consacrer pleinement et arrêter les autres canaux qui fonctionnent moins ». La stratégie marketing vient dans un second temps, une fois que les premières briques sont mises en place et que l’entrepreneur désire pérenniser la digitalisation, souligne-t-elle.

En profitant de Sendinblue ces temps-ci, les clients économisent 89 euros par mois. Ce forfait est en temps normal plus adapté aux commerçants qui ont l’habitude de manier des outils marketing. Les vrais débutants, eux, iront plutôt vers des formules à 19 euros par mois, estime Candice Gasperini.

Six mois, c’est le temps qu’il faut pour que les commerçants prennent en main les outils digitaux. « On sait par expérience qu’il y a tout à gagner. Malheureusement, les plateformes comme Amazon continent d’offrir toujours plus de services. Mais on remarque que la tendance chez beaucoup de consommateurs est d’aller vers le local et l’humain. C’est donc sur cette tendance de fonds que nous devons insister auprès des commerçants. »

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