Didier Raoult accusé de “faux témoignage”: ce que l’AP-HP reproche à l’infectiologue – BFMTV

Dans un courrier adréssé à Richard Ferrand, le directeur général de l’AP-HP estime que le témoignage du professeur marseillais est inexact.

L’accusation est grave. Dans un courrier adressé au président de l’Assemblée nationale, le directeur général de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et dévoilé ce mercredi, Martin Hirsch, affirme que le professeur Didier Raoult a délivré un “faux témoignage” devant les députés de la commission d’enquête sur le Covid-19.

“Il me semble essentiel (…) que les travaux de la commission ne puissent être fondés sur des éléments factuellement faux, et que les suites qui s’imposent puissent être données”, est-il écrit dans cette lettre directement destinée à Richard Ferrand.

Des taux de mortalité difficilement comparables

Deux points en particulier ont été soulevés par Martin Hirsch. Devant les députés, le professeur marseillais, qui depuis le début de l’épidémie de coronavirus assure que l’hydroxychloroquine est un traitement efficace contre la maladie, a mis en cause la qualité des soins dans les hôpitaux parisiens.

“La mortalité dans les réanimations ici, est de 43%. Chez nous, elle est de 16% “, avait-il dit, sans préciser exactement d’où il tirait ces chiffres.

Un document daté du 14 avril, au pic de l’épidémie, évoque bien un taux de mortalité de 43M en réanimation à l’AP-HP. Mais auprès de BFMTV, Antoine Vieillard Baron, anesthésiste réanimateur à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, remet en cause la pertinence de cette statistique mise en avant par Didier Raoult.

“Parler de mortalité brute n’a aucun sens puisque la mortalité est liée à la sévérité des malades. Plus les malades sont admis dans des cas sévères, plus leur mortalité attendue va être élevée. On ne peut pas comparer deux mortalités sans avoir la typologie des patients”, assure-t-il.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il est reproché à Didier Raoult d’omettre la gravité des cas des patients lors de leur prise en charge à l’hôpital. En mai dernier, lorsqu’il critiquait vivement une étude publiée dans The Lancet qui discréditait l’utilisation de l’hydroxychloroquine, qui s’est depuis révélée être un fiasco scientifique, Didier Raoult évoquait la faible mortalité de ses patients – il disait même un peu plus tôt qu’elle était “cinq fois supérieure” à Paris par rapport à Marseille.

“Il faut parler des mêmes patients”

Des chiffres là encore remis en cause par d’autres scientitiques, comme Jean-François Bergmann, ancien vice-président de la commission d’autorisation de mise sur le marché à l’ANSM.

“À Marseille ils ont fait du dépistage de gens pour savoir s’ils avaient le Covid-19, ceux qui l’avaient ont été traités, mais c’était des personnes jeunes en bonne santé, le taux de mortalité était plus faible car ils n’étaient pas malades. (…) Quand on compare la mortalité dans une maison de retraite et dans un collège, c’est normal d’avoir plus de morts”, expliquait-il sur BFMTV.

Dans cette “guerre des chiffres”, le consultant santé de BFMTV, Alain Ducardonnet, insiste également sur l’importance de “parler des mêmes patients”.

“Le chiffre de 43% est une réalité, mais quand on regarde les autres hôpitaux en France c’est 41%, c’est très proche. Les 16% de Didier Raoult, on ne les trouve pas dans les études, c’est un chiffre personnel et il n’y a aucun élément dans la littérature qui compare Marseille à Paris”, détaille-t-il.

Chef du service de réanimation médicale à l’hôpital Lariboisière de Paris, un établissement de l’AP-HP, Bruno Megarbane rappelle qu’il y a n’a pas, à l’heure actuelle, de données fiables et officielles.

“Les données épidémiologiques, notamment de mortalité en réanimation en Île-de-France ne sont pas connues, ne sont pas publiées. Toutes nos données ont été mises dans un registre nommé ‘Covid ICU’ qui est dirigé par le Pr Schmidt à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais elles ne sont pas publiées. Il faut attendre la fin de l’épidémie pour donner un chiffre de façon fiable”, complète-t-il.

Un patient mal pris en charge?

Autre point soulevé par Didier Raoult lors de son audition, le cas de ce patient chinois octogénaire, premier mort du coronavirus sur le territoire français. Pour l’infectiologue, là encore, l’établissement parisien en charge de ce cas n’avait pas été à la hauteur.

“Il n’a pas été testé. Santé Publique a dit ‘il ne faut tester que les gens de Wuhan, qui ont de la fièvre et de la toux.’ Il est rentré chez lui et est revenu sept jours plus tard, après voir contaminé sa fille, et il est venu mourir dans ce même hôpital”, accuse ce dernier.

Pour Martin Hirsch, cette accusation est une nouvelle fois inexacte, comme il est expliqué dans son courrier. “Le seul patient chinois de 80 ans auquel peut faire référence le Pr Didier Raoult a été admis le 25 janvier 2020 à l’hôpital européen Georges Pompidou. Il n’a jamais été renvoyé chez lui”, assure-t-il.

Interrogé fin janvier sur les antennes de BFMTV, Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou, avait détaillé la prise en charge de ce patient.

“Premièrement nous l’avons gardé aux urgences et nous l’avons isolé jusqu’au lendemain matin. Le lendemain matin il a commencé à développer des signes respiratoires inquiétants et là nous l’avons transféré en réanimation. Le jour d’après, le diagnostic a été évoqué et posé”, se remémore ce dernier.

En guise de conclusion, Alain Ducardonnet estime que Didier Raoult a selon lui “confondu” plusieurs séquences. “Si on résume tout ça, Didier Raoult est un grand scientifique, mais quand le manque de précision, l’intuition, amènent vers la conviction, alors on n’est plus un scientifique”, conclut-il.

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