Deux ans après la double explosion au port de Beyrouth, l’enquête toujours entravée – Le Monde

Au fil du temps, les familles de victimes de la double explosion du port de Beyrouth, survenue il y a deux ans, le 4 août 2020, ont vu l’attention portée à leur cause s’estomper. Les médias ne couvrent plus autant leur sit-in, le 4 de chaque mois. Les anonymes ne sont plus qu’une poignée à se joindre à ces rassemblements.

« Je suis sûr que les gens sont avec nous dans leur cœur. Mais chacun est accaparé par la crise », veut croire Ajwad Chaya, qui ne manque pas une manifestation. Son fils Jawad, un soldat de 30 ans, a péri dans la gigantesque déflagration ayant fait plus de 200 morts et plus de 6 000 blessés. « Même si l’on devient un tout petit groupe, nous, les proches des victimes, continuerons de nous mobiliser. On veut que les criminels paient. Tôt ou tard, la vérité éclatera. »

Deux ans après le cataclysme, le mystère du 4 août reste entier. Le doute porte tout d’abord sur le détonateur, la manière dont a pris feu le carburant de l’explosion – un stock de nitrate d’ammonium entreposé en 2014 dans un hangar du port : un accident dû à des travaux de soudure ou bien un acte intentionnel ? Les raisons pour lesquelles cette bombe à retardement n’a jamais été désamorcée, en dépit de mises en garde répétées, n’ont pas non plus été élucidées.

Antoine Sleiman, mécanicien, dans son garage qui a été endommagé lors de l’explosion du 4 août 2020 à Beyrouth dans le quartier attenant de Quarantaine, le 2 août 2022.

En vertu de l’omerta libanaise, ces interrogations risquent de rester sans réponse. Soumis à de virulentes attaques, ralenti par les manœuvres dilatoires des personnalités inculpées, notamment une demande de récusation, le juge libanais chargé de l’enquête, Tarek Bitar, a dû suspendre son travail en décembre 2021. Selon une source judiciaire, le magistrat avait encore besoin de quelques mois pour boucler son instruction. « Est-ce le contenu de l’enquête qui provoque cette levée de boucliers ou bien la peur qu’un précédent s’installe, la possibilité de poursuivre de hauts responsables ? », s’interroge cette source.

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Le surlendemain de l’explosion, Charbel Wehbé, le ministre des affaires étrangères de l’époque, avait affirmé qu’un comité d’investigation désignerait les responsables du drame en quelques jours. Nul n’avait cru à cette promesse. Dès le début, la peur de l’impunité, le principe qui a permis de clore la guerre civile (1975-1990), a pesé sur ce dossier.

Multiplicité de responsabilités

« C’est triste : de nombreux Libanais se sont résignés à l’idée que l’enquête va être enterrée », constate Aya Majzoub, chercheuse au sein de Human Rights Watch (HRW). Si la désillusion s’est installée, les heures noires du 4 août 2020 continuent d’alimenter les conversations. « Les gens ont décidé de ce qui s’est passé et de qui est responsable en fonction de leurs opinions politiques », ajoute Aya Majzoub. Ce fut le cas, en réalité, dès les premiers jours.

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