Des iPad pour combler l’absence d’infirmières dans les CHSLD – Radio-Canada.ca

Radio-Canada a appris que le ministère de la Santé et des Services sociaux s’apprête à mettre en place un projet pilote de téléconsultation destiné principalement aux Centre d’hébergement et de soins de longue durée de moins de 50 résidents situés en dehors des grands centres urbains, où la découverture en soins infirmiers est plus fréquente.

Malgré les efforts constants pour recruter du personnel, on constate de plus en plus de découverture infirmière sur les quarts de nuit dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée de petite taille. La situation est encore plus critique dans les régions semi-éloignées et éloignées, explique dans un courriel à Radio-Canada Marie-Claude Lacasse, coordonnatrice aux relations avec les médias au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Prise de vue en contreplongée d'une enseigne du CISSS de Chaudière-Appalaches.

Le projet pilote sera notamment déployé dans le CHSLD de Sainte-Perpétue et le CHSLD du Lac-Noir, tous deux situés sur le territoire du CISSS de Chaudière-Appalaches. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Guillaume Croteau-Langevin

Le projet pilote vise à permettre à l’infirmière qui est de garde sur un territoire donné d’effectuer depuis son domicile une consultation auprès d’un résident de Centre d’hébergement et de soins de longue durée à l’aide d’un iPad, sans avoir à se déplacer physiquement.

L’infirmière pourra être jointe par les infirmières auxiliaires et le personnel d’assistance sur place lorsqu’une évaluation d’un résident est requise (exemple : présence de nausées et vomissements chez un résident, détérioration de la condition générale, etc.) Un accompagnement et un suivi en continu seront effectué, précise Mme Lacasse.

« Cette infirmière doit également pouvoir se déplacer vers l’installation en 30 minutes et demeurer sur place si la situation le requiert. »

— Une citation de  Marie-Claude Lacasse, porte-parole, ministère de la Santé et des Services sociaux

C’est une honte

L’idée d’effectuer des téléconsultations à l’aide de tablettes électroniques passe mal auprès du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches (Fédération interprofessionnelle de la santé du QuébecSPSCA), qui craint un impact sur la qualité des soins offerts aux résidents.

Je pense que c’est une honte ce qui va se passer. Pour nous, c’est remplacer une infirmière par une tablette électronique. C’est un gros non. C’est dangereux, dénonce le président du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches, Laurier Ouellet, en entrevue à Radio-Canada.

Laurier Ouellet dans un local syndical. Il se tient debout, près d'une table et d'une affiche syndicale.

Laurier Ouellet craint que l’absence d’infirmière sur les quarts de soir et de nuit devienne la norme dans les CHSLD.

Photo : Radio-Canada / Pierre-Alexandre Bolduc

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches fait partie des six Centre intégré de santé et de services sociaux et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux choisis par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour le déploiement du projet pilote.

« Imaginez votre père qui a un infarctus puis vous allez grosso modo le soigner avec un iPad? C’est impossible, ça prend une infirmière sur le plancher. »

— Une citation de  Laurier Ouellet, président, Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches

M. Ouellet appréhende également les risques encourus par les infirmières auxiliaires appelées à assister les infirmières lors des téléconsultations.

Elles vont risquer leur emploi tous les jours. Parce que s’il arrive quoi que ce soit, ça ne sera pas la personne à distance qui va être imputable, ça va être les infirmières auxiliaires [qui] n’ont pas la formation pour rester seules sur le plancher, insiste le dirigeant syndical.

Plan rapproché des pieds d'une personne âgée chaussée de pantoufles et assise dans un fauteuil roulant.

La découverture en soins infirmiers dans les CHSLD de Chaudière-Appalaches a récemment fait l’objet d’un rapport du Protecteur du citoyen. (Archives)

Photo : Radio-Canada

Laurier Ouellet craint que les consultations à distance lors des quarts de travail de soir et de nuit deviennent la norme dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée.

D’ici deux ans, dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée de Chaudière-Appalaches, il n’y aura plus d’infirmière de nuit et il n’y aura plus d’infirmière de soir, prédit-il.

Pas à la grandeur du Québec

Questionnée sur le sujet en marge d’un point de presse, mercredi, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a tenu à mentionner qu’il s’agit uniquement d’un projet pilote destiné aux Centre d’hébergement et de soins de longue durée situés dans des régions où il manque énormément d’infirmières.

C’est [pour] un petit établissement […] de moins de 50 personnes, dans une région où il manque énormément d’infirmières.  C’est vraiment un projet pilote. Il n’y a personne qui a dit qu’on était pour étendre ça à la grandeur du Québec, a insisté la ministre.

De son côté, la directrice de l’hébergement du programme de soutien à l’autonomie des personnes âgées au Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches, Stéphanie Simoneau, assure que l’objectif demeure d’assurer une présence infirmière en tout temps dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée.

Le projet ne vise pas à ce que d’emblée, on retire l’infirmière de nuit à 100 %, on s’entend. Ça sera applicable lorsqu’on sera vraiment en situation de découverture infirmière […] Sinon, pour nous, la priorité, ce sera toujours d’avoir une infirmière sur place, insiste-t-elle.

Stéphanie Simoneau lors d'une entrevue en vidéoconférence.

Stéphanie Simoneau assure que l’objectif sera toujours d’avoir une infirmière sur place lors de chaque quart de travail en CHSLD.

Photo : Radio-Canada

Si, dans le centre d’hébergement, il y a des usagers qui sont plus instables au niveau de leur santé ou s’il y a d’autres raisons qui font en sorte qu’on ne peut pas appliquer la garde, bien l’infirmière va être présente. L’infirmière va rester, ajoute Mme Simoneau.

« Le projet ne vise pas à retirer les infirmières et à les remplacer par les iPad, pas du tout.  »

— Une citation de  Stéphanie Simoneau, CISSS de Chaudière-Appalaches

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, croit que les téléconsultations à l’aide de tablettes munies d’une caméra permettraient, dans certains cas, de soigner plus rapidement les problèmes de santé mineurs, la nuit, en Centre d’hébergement et de soins de longue durée.

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p class=”e-p”>Pourquoi ne pourrait-on pas avoir ce type de consultation qui accélérerait les choses et qui, surtout, permettrait à la personne de retrouver un minimum de confort et d’apaisement de la douleur?, demande Paul Brunet.

Limites

Il fait toutefois remarquer que le recours à cette technologie a ses limites, surtout vis-à-vis des patients plus âgés ou présentant une condition très lourde, comme ceux qu’on peut retrouver dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée.

La visioconsultation peut être bonne, mais je ne suis pas certain qu’elle remplace la présence d’une infirmière, surtout dans certains centres où une majorité de résidents n’ont pas une condition de santé qui [est] stable et où une présence infirmière professionnelle [est] de mise. Je vais laisser ça aux cliniciens, indique M. Brunet.

Paul Brunet accorde une entrevue en vidéoconférence à Radio-Canada.

Paul Brunet doute que les téléconsultations à l’aide de tablettes électroniques permettent de remplacer la présence d’une infirmière. (Archives)

Photo : Radio-Canada

La mise en place du projet pilote survient quelques semaines après la publication d’un rapport du Protecteur du citoyen portant l’absence fréquente d’infirmière dans les Centre d’hébergement et de soins de longue durée situés sur le territoire du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches.

L’ombudsman des services publics reproche au Centre intégré de santé et de services sociaux d’avoir trop souvent recours à sa garde infirmière mobile, une unité créée pour maintenir la continuité des services lors des quarts de travail auxquels aucune infirmière n’a pu être affectée.

Le syndicat craint des abus

Laurier Ouellet affirme que les enjeux soulevés par le Protecteur du citoyen à l’égard de la garde infirmière mobile devraient servir de leçon au ministère de la Santé et des Services sociaux. Il anticipe des problèmes similaires avec le projet pilote sur les téléconsultations en Centre d’hébergement et de soins de longue durée.

On sait que ça va devenir comme la garde, il va y avoir de l’abus là-dedans aussi, prédit le président du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches.

Il invite le ministère de la Santé et des Services sociaux à continuer d’appliquer sa propre directive demandant aux Centre d’hébergement et de soins de longue durée de maintenir une présence infirmière 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dans le but d’assurer une prestation de services sécuritaires et de qualité.

Avec la collaboration de Pierre-Alexandre Bolduc et d’Hugo Lavallée

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