Déconfinement : le Conseil constitutionnel censure partiellement deux dispositions de la loi – Libération

C’est un avis express rendu par le Conseil constitutionnel à peine 48 heures après l’adoption définitive du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Après avoir pressé le Parlement pour qu’il lui donne les outils du déconfinement, l’exécutif trépignait… un timing trop serré pour tout mettre en oeuvre dans les temps. Saisis à la fois par le président de la République, le président du Sénat, des députés et des sénateurs, les «sages» ont pourtant mis le turbo. Ceux-ci valident la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour deux mois jusqu’au 10 juillet. Ils émettent en revanche quelques «réserves d’interprétation» et deux «censures partielles» sur des dispositions délicates du texte, sans en retoquer le cœur : sur la mise à l’isolement des personnes testées positives au coronavirus et, concernant la collecte, le traitement et le partage des données personnelles en vue de tracer les chaînes de contamination.

«Autorisation du juge judiciaire»

La loi prévoit des mesures de placement en isolement et de mise en quarantaine, visant ceux qui entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou en outre-mer après avoir «séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection». Un régime qui, lorsqu’il implique un isolement complet (interdiction de toute sortie) ou l’obligation de rester chez soi ou dans un lieu d’hébergement plus de douze heures de suite par jour, est considéré par le Conseil comme «privatif de liberté». Aussi juge-t-il nécessaire une «autorisation du juge judiciaire». Le texte ne rendait pas son intervention systématique, si ce n’est pour poursuivre un placement en isolement complet au-delà de quatorze jours et jusqu’à un mois. La loi du 23 mars, qui a créé l’état d’urgence sanitaire, prévoyait déjà des mesures de quarantaine sans ce contrôle du juge judiciaire: le Conseil constitutionnel estime donc que ce «régime juridique en vigueur» depuis deux mois ne peut subsister.

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Concernant la collecte et le traitement des données personnelles, qui plus est médicales des malades et des personnes entrées en contact avec eux, le Conseil appelle à «une particulière vigilance». S’il y a bien selon lui «atteinte au droit au respect de la vie privée» – ces données pouvant être collectées sans consentement  –, le but poursuivi est la «protection de la santé» qui a valeur constitutionnelle. Parmi les organismes ayant accès à ces informations, la loi avait inclus ceux qui assurent «l’accompagnement social» des malades, notamment les centres communaux d’action sociale (CCAS). Cette possibilité a été «censurée comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée» : «S’agissant d’un accompagnement social qui ne relève pas directement de la lutte contre l’épidémie, rien ne justifie que l’accès aux données à caractère personnel traitées dans le système d’information ne soit pas subordonné au recueil du consentement des intéressés.» Plusieurs garde-fous avaient été posés par les parlementaires : durée de conservation des données limitée à trois mois, droit d’opposition ou de rectification des intéressés, impossibilité de mentionner d’autres éléments médicaux que ceux liés au coronavirus, modalités d’application après avis conforme de la Cnil. Ce dernier point a été censuré.

Un contretemps que l’exécutif doit réparer

A l’Elysée, où l’on attendait avec impatience le feu vert constitutionnel, l’entourage a salué la décision y voyant «une validation très large» du texte : «Cela va permettre de prendre immédiatement les mesures complémentaires pour mettre en œuvre le plan de déconfinement», prévoyait-on dans les starting-block. Et pour cause : le gong du déconfinement ayant sonné avant, l’une des mesures n’a pas pu s’appliquer dès les premières heures.

Dimanche soir, dans un communiqué commun, l’Elysée et Matignon avaient dû faire appel «au sens de la responsabilité des Français» pour limiter leur déplacement à un rayon de 100 kilomètres, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi. Un décret provisoire avait été pris, notamment pour rouvrir certains commerces et rendre obligatoire le port du masque dans les transports en commun. Un contretemps que l’exécutif doit réparer – après avoir fait cavaler législateur et «sages» – en promulguant la loi dès ce lundi soir.
Laure Equy

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