Dans son premier avis, la Commission sur l’inceste appelle à une meilleure prise en compte de la parole des mères – Le Monde

Une femme témoigne lors de la première réunion publique organisée par la Ciivise, à Nantes, le 20 octobre 2021.

Saisie par « des centaines » de femmes faisant part de leur impuissance à protéger leur enfant de l’inceste, faute d’être crues et entendues, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a décidé de consacrer son premier avis, mercredi 27 octobre, au combat de ces « mères en lutte ». L’instance indépendante, qui a vocation à proposer des pistes d’évolutions législatives pour mieux protéger les enfants des violences sexuelles, dresse dans ce document d’une dizaine de pages un état des lieux inquiétant à plusieurs égards.

Au premier chef, par l’évaluation du nombre de cas d’incestes paternels, à laquelle elle parvient en croisant des données extraites des enquêtes « Virage » et « Contexte de la sexualité en France » de l’INED, et « Cadre de vie et sécurité » du service statistique du ministère de l’intérieur. Selon son calcul, 22 000 enfants seraient chaque année victimes de violences sexuelles commises par leur père. Or, en 2020, seules 1 697 personnes étaient poursuivies pour viol ou agression sexuelle à caractère incestueux, relève la Ciivise, et 760 condamnées pour ces motifs en 2018, selon les derniers chiffres du ministère de la justice à disposition.

Récits très durs

Inquiétant, l’avis l’est également par la mise en lumière des résistances à l’œuvre dans la société dans la protection des enfants concernés et de leurs « parents protecteurs », autrement dit, les mères. En témoignent les récits très durs dont la Ciivise se fait l’écho. A titre d’exemple, elle raconte l’histoire d’une mère et sa fille, surnommées respectivement Christine et Katy. Après un divorce sur fond de violences conjugales, le père de Katy obtient un droit de visite et d’hébergement pour la moitié des vacances scolaires.

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Quelques années plus tard, la petite, âgée de 4 ans et demi, révèle à des adultes de son entourage des violences sexuelles commises par son père. Elle interroge : « C’est normal ou pas que mon papa fasse tourner ma nénette autour de son doigt et qu’il m’oblige à retirer ma culotte pour dormir ? » Insuffisant, cependant, pour faire aboutir la plainte pour viol déposée par sa mère, qui est classée sans suite. Malgré des accusations réitérées un an plus tard auprès de sa maîtresse, la juge des enfants décide de séparer Katy de sa mère au motif avancé d’un « conflit parental massif ». Elle est confiée à un foyer de l’aide sociale à l’enfance, dont l’équipe accuse Christine d’avoir « élevé sa fille contre son père ».

Aujourd’hui, cette dernière n’a le droit d’être en contact avec sa fille que quarante-cinq minutes tous les quinze jours, en visite médiatisée (dans un lieu neutre, en présence d’un travailleur social). Le père dispose, lui, de trois heures de visite partiellement médiatisée, toutes les deux semaines.

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