Dans ses vœux aux Français, Macron affirme que « la réforme des retraites sera menée à son terme » – Le Monde

Emmanuel Macron aime décidément les contre-pieds. Alors que les observateurs s’attendaient à un mea culpa du chef de l’Etat à l’occasion de ses vœux de fin d’année, ou au moins à un geste vis-à-vis des Français mobilisés depuis près d’un mois contre sa réforme des retraites, c’est au contraire un discours offensif de plus de dix-huit minutes que le président de la République a tenu, mardi 31 décembre, assurant qu’il n’était pas question pour lui de renoncer à « transformer » le pays.

« Je prends ce soir devant vous l’engagement de consacrer toute mon énergie à transformer notre pays pour le rendre plus fort, plus juste, plus humain », a déclaré le chef de l’Etat, tout de bleu nuit vêtu. Deux ans et demi de mandat, « d’habitude, c’est le moment (…) où on renonce à agir avec vigueur, pour ne surtout mécontenter personne à l’approche des futures échéances électorales (…). Nous n’avons pas le droit de céder à cette fatalité », a expliqué M. Macron, estimant que « c’est l’inverse qui doit se produire ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Réforme des retraites : « La France n’a pas la culture du compromis »

« Je ne céderai rien au pessimisme »

S’il reconnaît que ces changements « bousculent souvent », peuvent « parfois heurter » ou « susciter des craintes et des oppositions », il ne saurait être question pour lui de procrastiner et encore moins de renoncer. « Les inquiétudes ne sauraient pousser à l’inaction. Car il y a trop à faire », estime le chef de l’Etat. « Ce serait abandonner ceux que le système a déjà abandonnés, ce serait trahir nos enfants, leurs enfants après eux, qui auraient alors à payer le prix de nos renoncements, a-t-il déclaré depuis le rez-de-chaussée de l’Elysée. Je ne céderai rien au pessimisme ou à l’immobilisme. »

Alors que certains s’attendaient à un geste du chef de l’Etat sur les retraites, au vingt-septième jour de la grève entamée le 5 décembre contre la réforme, Emmanuel Macron a au contraire enfoncé le clou. Le projet « sera mené à son terme », s’est-il engagé, « parce qu’il s’agit d’un projet de justice et de progrès social ». « Il s’agit de garantir l’équilibre du système par répartition qui est le nôtre depuis le Conseil national de la résistance, et donc sa solidité à travers le temps », a ajouté le locataire de l’Elysée. Une référence à l’équilibre financier du nouveau système, considéré comme un préalable par le premier ministre, Edouard Philippe, mais décrié par l’ensemble des organisations syndicales.

Lire aussi Petit lexique des retraites pour comprendre le débat sur le projet de réforme

Bien sûr, le chef de l’Etat a reconnu que cette réforme pouvait susciter des « peurs » et des « angoisses ». Mais « apaiser ne veut pas dire renoncer », a-t-il aussitôt ajouté. Tout juste M. Macron a-t-il mis un peu plus de pression sur le gouvernement, conscient que le mouvement de mobilisation à la SNCF et à la RATP, qui donne des premiers signes d’affaiblissement, exaspère une partie des Français. « J’attends du gouvernement d’Edouard Philippe qu’il trouve la voie d’un compromis rapide », a-t-il expliqué. Mais « dans le respect des principes » de la réforme.

Pas question, donc, de dénaturer le projet en renonçant à l’âge pivot, comme le demandent la CFDT mais aussi un certain nombre d’élus de la majorité, ou en remplaçant les régimes spéciaux par de nouveaux régimes « spécifiques », comme l’accuse l’opposition. Un nouveau round de concertations avec les syndicats est prévu à Matignon à partir du 7 janvier, mais le temps presse : le projet de loi sur la réforme des retraites doit être présenté le 22 janvier en conseil des ministres, pour un examen au Parlement prévu fin février.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Policiers, pilotes, SNCF… Les concessions de l’exécutif sur la réforme des retraites

Objectif écologique

Pour le reste, le chef de l’Etat s’est attaché durant son allocution à défendre son action, assurant que « nous avons commencé à percevoir, dans le concret de nos vies, les premiers résultats de l’effort de transformation engagé depuis deux ans et demi ». « Plus de 500 000 emplois (…) créés », « des créations d’entreprises toujours plus nombreuses, des investissements internationaux (…) supérieurs à ceux qu’enregistrent nos voisins », « des usines qui rouvrent », a notamment énuméré M. Macron. « La France n’avait pas connu un tel élan depuis des années », s’est-il réjoui.

Emmanuel Macron s’est aussi engagé à mettre davantage l’accent sur l’écologie pour la deuxième partie de son mandat. « 2020 sera aussi l’année où un nouveau modèle écologique doit être consacré », a-t-il expliqué. Pour cela, le chef de l’Etat dit attendre « beaucoup » de la convention citoyenne pour le climat, constituée de 150 citoyens français tirés au sort pour réfléchir aux mesures à prendre en matière de lutte contre le réchauffement climatique, et qui doivent rendre leurs préconisations à la fin du mois de janvier.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec la convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron joue sa crédibilité écologique

L’ancien ministre de l’économie, critiqué par la droite et l’extrême droite pour son supposé laxisme dans la lutte contre le communautarisme, a enfin promis de prendre de « nouvelles décisions » contre « les forces qui minent l’unité nationale ». « Je vois trop de divisions au nom des origines, de la religion, des intérêts », a-t-il justifié, expliquant que « nous avons à l’égard de la France plus de devoirs que de droits ». Pour autant, le chef de l’Etat n’a pas donné de détails sur ce qu’il comptait faire.

Ce discours offensif suffira-t-il à convaincre les Français ? Seule certitude : les allocutions présidentielles de fin d’année augurent rarement de la situation sociale à venir du pays. Lors de ses premiers vœux, le 31 décembre 2017, Emmanuel Macron avait dit vouloir faire de 2018 une année de « cohésion de la nation ». « Les débats sont nécessaires, les désaccords sont légitimes, mais les divisions irréconciliables minent notre pays. Je veux plus de concorde pour la France en 2018 », avait expliqué le chef de l’Etat. Dix mois plus tard commençait le mouvement des « gilets jaunes », l’une des crises sociales les plus intenses connues par la France depuis Mai-68.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading