
Covid : la Chine refuse une enquête de l’OMS dans les laboratoires de Wuhan – Les Échos

Publié le 22 juil. 2021 à 12:02Mis à jour le 22 juil. 2021 à 12:20
Le brouillard qui entoure le début de la pandémie de Covid-19 n’est pas près de se lever. Ce jeudi, Pékin a annoncé qu’il ne collaborerait plus avec l’Organisation mondiale de la santé dans le cadre de son enquête sur les origines du Covid-19. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesu, avait demandé la semaine dernière de mener un audit des laboratoires de la ville de Wuhan pour explorer l’hypothèse d’une fuite de laboratoire. Dans un premier rapport, l’OMS avait estimé que cela était « extrêmement improbable », jugeant plus plausible la transmission animale.
L’Institut de virologie de Wuhan « n’a jamais travaillé sur les coronavirus », a déclaré à Bloomberg le chef de l’équipe d’experts chinoise déléguée auprès de l’équipe de l’OMS, Liang Wannian. Le vice-ministre de la Santé nationale, Zeng Yixin, a également dénoncé, lors d’une conférence de presse, un langage « qui ne répond ni de la science, ni du bon sens ».
Le laboratoire de Wuhan, la boîte noire sous le feu des projecteurs
L’hypothèse d’une fuite de laboratoire est apparue dès les premières interrogations sur les origines de la pandémie. Largement soutenue par Donald Trump, encore président des Etats-Unis à l’époque, elle avait été finalement écartée. Le premier rapport de l’OMS, publié fin mars , avait d’ailleurs jugé plus probable une transmission de l’animal vers l’humain. Les experts n’avaient pas travaillé sur le premier scénario, le jugeant hautement improbable.
La théorie a cependant refait surface à la mi-mai. Une quinzaine d’experts avaient alors publié une tribune dans la revue « Science » dans laquelle ils pointaient le manque de « considération équitable » aux deux hypothèses lors de la première enquête. Quelques jours plus tard, le « Wall Street Journal » écrivait avoir eu accès à des données du renseignement américain, rapportant que trois chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan avaient dû être hospitalisés en novembre 2019. Ils auraient alors présenté des « symptômes compatibles à la fois avec ceux du Covid-19 et une infection saisonnière ».
Le changement de ton s’est aussi opéré du côté de l’OMS. Tedros Adhanom Ghebreyesu avait déjà demandé l’ouverture d’une nouvelle enquête incluant l’hypothèse de la fuite de laboratoire en mars, malgré les doutes des experts et les conclusions du rapport. La demande d’enquête de la semaine dernière marque ainsi un tournant dans la position de l’organisation internationale.
La Chine, collaborateur réticent de l’enquête
Cet ultimatum est le premier frein explicitement mis à l’enquête sur les origines du Covid. Les réticences chinoises à collaborer sont toutefois apparues dès le départ. « En dissimulant la gravité de la crise, la Chine n’a pas respecté les engagements pris lors de son adhésion à l’OMS », estimait Valérie Niquet, spécialiste de l’Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, dans une interview aux « Echos » en mai 2020 . Réticences renouvelées au sujet de la première enquête de l’OMS, qui a mis plus d’un an à être autorisée par Pékin .
Les tensions autour du comportement de la Chine se sont encore accrues avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Fin mai , le président démocrate avait appelé à « redoubler d’efforts » pour expliquer les origines du Covid-19, dénonçant le manque de transparence de la part de Pékin. Il avait également déploré le refus d’accès au territoire des autorités sanitaires américaines début 2020, « ce qui entravera toujours toute enquête sur l’origine du Covid-19 ».
Si la Chine a toujours fermement nié la responsabilité du laboratoire de Wuhan, elle a régulièrement pointé du doigt celle des Etats-Unis. Est notamment visé le laboratoire militaire de Fort Detrick, spécialisé dans la recherche contre le bioterrorisme, qui aurait mené des expériences avec des coronavirus. Une théorie qui pourrait commencer à accrocher en Chine : selon le journal nationaliste « Global Times », 5 millions de personnes auraient signé une pétition mercredi demandant qu’une enquête soit menée au sein du laboratoire militaire.
Sources AFP et Bloomberg